Si vous êtes concerné par les questions de solidarités internationales, Les défis d’un nouvel internationalisme, qui vient tout juste de paraître aux éditions Weyrich Africa, va très certainement vous intéresser. Les auteurs, Marc Maesschalck et Luc Dusoulier y questionnent d’entrée de jeu les solutions mises en œuvre jusqu’à aujourd’hui et en particulier celles élaborées par les pays occidentaux pour sortir les peuples du Sud de la pauvreté. Sont-elles adéquates et suffisantes ? Malgré les luttes qui s’y produisent, malgré l’aide internationale, force est de constater que les populations vivant dans les périphéries et les marges du système restent engluées dans la pauvreté endémique. Il est donc impératif de repenser l’action internationale.

L’objectif poursuivi n’est pas tant d’évaluer les politiques de coopération des États du Nord que de réfléchir au positionnement comme mouvement ouvrier et comme gauche face aux défis que posent de manière de plus en plus aiguë ces situations d’inégalités. Les auteurs interrogent ainsi nos pratiques et nos politiques de solidarité. Comment mettre en œuvre la solidarité internationale pour que les résultats soient davantage à la hauteur des espérances ? Loin de nous laisser sur ces interrogations, ils proposent des balises concrètes pour penser ce renouveau de la solidarité entre les peuples.

Et comme pour mettre en action leur pensée qui invite entre autres à la décentration et à la réhabilitation des peuples victimes comme des sujets historiques des luttes, la parole est donnée à plusieurs partenaires du Sud. Dans la deuxième partie du livre, ils critiquent et complètent la réflexion menée. Le débat qui s’ouvre alors est d’une infinie richesse tant il permet d’élargir notre vision du monde et de l’action solidaire. 

L. DUSOULIER et M. MAESSCHALCK (eds), Les défis d’un nouvel internationalisme, Neufchâteau, Weyrich Africa, 2021.

Depuis quelques années maintenant, les coursiers à vélo arpentent les villes, à toute heure et par tous les temps. Qui sont-ils ? Et pourquoi s’y intéresser ?
Dans un ouvrage édité en 2021, Martin Willems expose ce qu’est Le Piège Deliveroo : consommer les travailleurs.

À travers quatorze chapitres richement illustrés d’exemples et de récits de vie, l’auteur nous propose une plongée vertigineuse dans les coulisses d’une « start-up », révélatrice des bouleversements en cours sur le marché du travail et dans notre société. Le piège Deliveroo met en lumière l’ingénierie de ces entreprises qui se jouent du droit du travail et de la législation sociale pour ne pas être reconnues comme un employeur normal et se libérer ainsi de leurs obligations à l’égard des travailleur·ses. Deliveroo profite des failles du système et de la précarité des livreurs qu’elle emploie. Ceux-ci acceptent de travailler pour un revenu de misère, sans aucune protection sociale, parce qu’ils n’ont souvent pas accès au marché du travail classique.

Si le constat est amer sur le laissez-faire des autorités quant à une détérioration de la qualité de l’emploi, l’auteur ouvre aussi des pistes d’action intéressantes, notamment syndicales, pour contrer ce phénomène de plateformisation de l’emploi. L’enjeu est de taille car si dans « les entreprises 2.0, le droit du travail et la sécurité sociale n’existent plus, demain ce sont les autres entreprises qui s’y engouffreront ». Il est donc crucial de dénoncer le piège Deliveroo et consorts, et d’y faire obstacle, par tous les moyens possibles : médiatiques, juridiques, politiques et syndicaux. Ce livre participe pleinement à cet objectif. 

Par P. Ledecq

M. WILLEMS, Le Piège Deliveroo - Consommer les travailleurs, Investig’Action, 2021.

Dans l’imaginaire collectif, les garçons mangent de la viande et des patates et les filles des salades et du yaourt. Mais la question est de savoir, tout d’abord, pourquoi ce genre de croyances alimentaires ont la vie dure mais également de comprendre comment elles renforcent les stéréotypes sexistes, entrainant au passage des conséquences pour les femmes, les hommes mais aussi pour la planète.

C’est ce vaste sujet que Nora Bouazzouni déconstruit et décortique dans son nouvel ouvrage « Steaksisme : en finir avec le mythe de la végé et du viandard ». Au fil des pages, l’autrice y explique notamment que la nourriture n’échappe pas aux stéréotypes de classe, de race mais aussi de genre. Elle démontre également, avec de nombreux exemples à l’appui, que l’industrie agro-alimentaire renforce par tous les moyens les stéréotypes de genre par le biais de publicités et de stratégies de marketing. Ces pratiques opposent la femme (qui sera associée à la « minceur ») et l’homme (qui sera lui, associé à l’ « énergie ») et influencent concrètement nos habitudes alimentaires quotidiennes.

Le tout dans un seul et unique but : segmenter le marché pour nous faire acheter plus. Mais ces régimes genrés ont de lourdes conséquences, en termes de santé physique ou mentale. Notamment en ce qui concerne les injonctions, nombreuses et intenables, adressées aux femmes via la publicité ou les magazines féminins. « Steaksisme met les pieds dans le plat pour en finir avec tous les préjugés ». Un livre à dévorer d’urgence ! 

N. BOUAZZOUNI, Steaksisme : en finir avec le mythe de la végé et du viandard, Nouriturfu, 2021.

En partant de son expérience au cœur des territoires Warlpiri dans le désert central australien, Barbara Glowczewski a rédigé cet ouvrage avec le désir de redéfinir son engagement en tant qu’anthropologue mais aussi en tant que citoyenne. Elle y tisse une toile des résistances liées à la question des territoires mettant en évidence les transversalités planétaires ainsi que l’accélération du « télescopage entre les urgences politiques et écologiques ».

Barbara Glowczewski dresse un portrait de luttes de défenses des territoires aux quatre coins de la planète et des relations qu’ils et elles ont tissées entre eux·elles, et les milieux dans lesquels ils et elles habitent. Ces différents combats contre les politiques extractivistes et post-coloniales mettent en évidence la nécessité de repenser nos relations avec la terre dans une optique qui ne soit plus ethnocentrée mais qui s’ouvrirait à d’autres façons de comprendre « les esprits de la terre, de l’eau et de l’air », qui « sont en colère lorsque les humains ne respectent pas certaines lois d’équilibre qui sont à la fois sociales, environnementales et cosmologiques ».

Black Lives Matter, Chamanes, Yézidis d’Irak, mouvements des droits de la terre en Bolivie, en Équateur, Indépendantistes de Polynésie: autant de stratégies de résistances mettant en avant les alliances pluriverses”. L’auteure termine cet ouvrage en relatant son expérience à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, dont elle raconte la mobilisation et l’ingéniosité dans leur lutte pour un autre monde. Ces différentes initiatives laissent rêver à cet autre monde dans lequel on “prendrait soin des attachements locaux et transversaux avec le milieu et la mémoire vivante de la Terre”, seule manière de prendre soin de nos existences humaines. 

Par Zoé MAUS

B. GLOWCZEWSKI, Réveiller les esprits de la terre, Éditions Dehors, 2021

Dans l oeil de la pandemieUn livre-dialogue, c’est par ces mots que Jacinthe Mazzocchetti et Pierre-Joseph Laurent décrivent leur nouvel ouvrage « Dans l’œil de la pandémie : face à face anthropologique ». Au fil des pages, ils reviennent sur cette année particulière où l’humanité tout entière a été confrontée à un virus, le Sars-Cov-2, et sur toutes les conséquences inédites de cette « rencontre » entre le virus et nous : le confinement, le port du masque, les quarantaines, le couvre-feu, la distanciation sociale, les dépistages… Via des analyses, mais également des témoignages, les auteurs mettent en avant les enjeux sociaux relatifs à la crise sanitaire et à la gestion de celle-ci, en parallèle avec d’autres enjeux, afin qu’une approche globale de sortie de crise puisse être imaginée.

L’ouvrage se compose de six chapitres différents et aborde des thèmes variés tels que la saga des masques, la montée du conspirationnisme, la communication ambiguë des gouvernements vers leurs citoyennes et citoyens, la politique du chiffre, le vague à l’âme du confinement ou encore la stratégie de riposte à la pandémie de certains pays européens. Les chapitres sont entrecoupés de poèmes de Jacinthe Mazzocchetti et de photographies des deux auteurs. Au final, ce livre nous aide à garder la tête hors de l’eau dans ces temps troublés ainsi qu’à nous prémunir des explications simplistes. À découvrir sans plus tarder. 

J. MAZZOCCHETTI, P.-J. LAURENT, Dans l’oeil de la pandémie : face à face anthropologique, Louvain-la-neuve, Academia - L’Harmattan, 2021.

photo recensionDans son Cahier n° 29 « Inégalités programmées : capitalisme, algorithmes et démocratie », le Centre d’Information et d’Éducation Populaire (CIEP) aborde la question des algorithmes et de leur impact sur la démocratie et la justice sociale. Les algorithmes sont partout (réseaux sociaux, smart cities etc.) Ils génèrent bon nombre d’inégalités et leur utilisation dans notre vie de tous les jours soulève des questionnements à propos de la justice sociale, de l’écologie, en passant par les modes d’information, de délibération et d’aide à la décision publique ou privée. Les données sont présentes partout et deviennent une matière première qui génère potentiellement beaucoup de profit.

Dans un futur proche, elles seront susceptibles de transformer notre monde. Le MOC, en tant que mouvement social, et le CIEP, en tant qu’organisation d’éducation populaire, se doivent donc de se pencher sur ces différents usages de nos données. Le Cahier, rédigé sous la coordination de France Huart, se divise en neuf chapitres et aborde différentes thématiques telles que l’Intelligence artificielle, les asymétries numériques, les plateformes numériques et l’écologie de l’attention, un potentiel droit social de l’algorithme, les enjeux Nord-Sud de l’économie numérique, le journalisme numérique ou encore l’exemple de la coopérative Nubo. Un cahier complet et riche, qui fait le tour de la question. À découvrir sans plus tarder ! 


« Inégalités programmées : capitalisme, algorithmes et démocratie », Cahier du CIEP n° 29, dir. F. HUART, avril 2021.

Recension 05En mars dernier, nous faisions le point sur le projet Territoires zéro chômeur longue durée (TZCLD). Cette expérimentation a pour but de résorber le chômage longue durée. Ce sujet est, entre autres, abordé dans le nouveau livre « L’inclusion des personnes d’origine étrangère sur le marché de l’emploi : Bilan des politiques en Wallonie ». Il ne s’agit toutefois que d’une des nombreuses dimensions analysées dans cet ouvrage dont le constat de base est qu’en Belgique, l’accès des personnes étrangères au marché de l’emploi reste un parcours du combattant, particulièrement en Wallonie. Ces travailleur·ses issu·es de l’immigration rencontrent de nombreux obstacles liés notamment à la langue française, à la difficulté de faire reconnaître leurs compétences ou encore aux discriminations.

Divisé en trois chapitres, l’ouvrage fait tout d’abord le point sur les différents dispositifs présents sur le territoire wallon, comme l’enseignement de promotion sociale et l’insertion professionnelle des populations issues des migrations ou encore les contrats « article 60 » pour les travailleur·ses étranger·ères. Ensuite, le deuxième chapitre met l’accent sur les perspectives wallonnes en matière d’insertion, comme l’inclusion des travailleurs·se immigré·es à l’épreuve des contrats atypiques, ou le projet TZCLD. Enfin, le dernier chapitre est consacré à la coopération avec les entreprises. Un ouvrage complet à découvrir ! 

A. Manço, L. Scheurette, L’inclusion des personnes d’origine étrangère sur le marché de l’emploi : bilan des politiques en Wallonie, Paris, L’Harmattan, 2021.

photo recensionLe Crisp consacre un double numéro des Courriers hebdomadaires à la conflictualité sociale en 2019. Il faut dire que l’actualité belge a été traversée par de nombreuses mobilisations cette année-là : manifestations, grèves, actions... On se rappelle les grèves du climat portées par la jeunesse, la grève nationale du 13 février dans le cadre des négociations autour de l’accord interprofessionnel (AIP), la première grève des femmes le 8 mars, les grèves du personnel hospitalier en réaction à la diminution des moyens alloués à la santé, la naissance de Santé en lutte, les mobilisations autour des pensions, les mouvements de revendication dans le secteur de la justice... On compte ainsi plus de 345.000 jours de grève au cours des trois premiers mois de l’année 2019. Depuis les années 2000, seules deux années ont dépassé le seuil des 200.000 jours de grève. Ce premier trimestre comptabilise quatre fois et demie plus de jours de grève que durant la moyenne des premiers trimestres des années 1991 à 2018. C’est dire. Pourquoi de telles mobilisations ?

Ces deux Courriers hebdomadaires analysent en profondeur le contexte sociopolitique dans lequel ont émergé ces grèves et conflits, mais aussi les types de conflits que cette année a vus éclore. Le premier numéro se centre ainsi sur l’analyse de la conflictualité sociale interprofessionnelle liée aux négociations autour de l’AIP et sur les mouvements sociaux dans trois branches des services publics : la justice, les prisons et la santé. L’autre se focalise sur trois types de conflits : ceux liés aux importantes restructurations qui ont marqué 2019 (ex. les Éditions de l’Avenir, Ryanair...), ceux qui mettent en avant la condition précaire des coursiers et travailleur·ses du secteur des titres-services et enfin la grève du 8 mars. Bref, grèves, conflictualité et luttes sociales sont passées au peigne fin par le GRACOS examinant ainsi l’évolution des relations collectives de travail et la concertation sociale. À lire ! 

Image RecensionLa carrière idéale pour avoir une pension complète, c’est 45 ans de travail à temps plein. Mais la vie n’est pas aussi linéaire, surtout aujourd’hui. On perd son emploi, on est malade, on désire prendre du temps pour des travaux dans sa maison, pour suivre une formation, pour s’occuper de ses proches. Que faire ? En Belgique, même si cela reste un combat syndical constant, nous avons la possibilité de bénéficier de périodes assimilées (périodes de non-travail qui comptent comme si la personne avait travaillé). Ces différentes assimilations sont abordées dans l’outil « Carrièropoly ». Sous la forme d’un jeu de l’oie, ce jeu aligne une succession de situations vécues. Pour chaque case des pistes de solutions sont proposées pour conserver ses droits à la pension, au chômage et à la mutuelle.

Cet outil a été réalisé en collaboration avec les Femmes CSC. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui encore, les pensions féminines sont moins élevées que celles des hommes. Les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, prennent plus souvent un crédit-temps et interrompent leur carrière pour s’occuper de leur famille. La combinaison de tous ces facteurs réduit les possibilités des femmes en matière de pension, de carrière et de constitution de droits propres. Grâce au « Carrièropoly », nous souhaitons donc que les travailleurs et surtout les travailleuses soient au courant des possibilités de conserver leurs droits tout au long de leur carrière pour éviter de se dire trop tard : « si j’avais su… ». #

« Carrièropoly », un outil des Femmes CSC et de Formation Éducation Culture asbl (FEC). Plus d’informations : www.fecasbl.be

REPORTAGE AUDIO

e710872c92105eb5fae69ebd17dd43bcd78f5234Les belles fraises d’origine espagnole que vous trouverez au rayon « fruits » de votre supermarché cet hiver ont une chance sur trois d’avoir été récoltées par un travailleur ou une travailleuse sans-papiers aux conditions de travail déplorables. De quoi laisser un goût plus qu’amer à ces fruits.

Un reportage audio de Radio France internationale réalisé par la journaliste Noémie Lehouelleur s’est penché sur cette problématique. Il met en lumière la réalité de plus de 100.000 ouvriers et ouvrières agricoles travaillant dans les serres espagnoles pour fournir au reste de l’Europe fraises, tomates, poivrons ou melons tout au long de l’année. Et sur la totalité de ces travailleur·ses, au moins 1/3 seraient sans-papiers. Sans contrat, ces travailleur·ses invisibles sont sous-payé·es et exploité·es par certain·es maraîcher·ères. Après le travail, ces femmes et ces hommes s’entassent dans des « chabolas », des bidonvilles dans lesquels vivent plus de 15.000 migrant·es, rien que pour l’Andalousie.

La ministre espagnole du Travail a même parlé « d’esclavage moderne ». Une sortie fort contestée par différents lobbies agricoles du pays. Pourtant, cette main-d’œuvre agricole est essentielle et fait tourner à elle seule les serres de cette région du sud de l’Espagne. Depuis quelque temps, ces travailleurs et travailleuses se réunissent pour réclamer plus de droits. Il·elles peuvent, entre autres, compter sur l’appui des syndicats locaux qui les aident à se fédérer et à s’organiser. Ces syndicats leur apportent également une aide juridique quand l’un·e ou l’autre souhaite se retourner contre un patron qui ne paye pas assez ou qui ne paye pas du tout.

Ce reportage audio permet une prise de conscience des consommateurs et des consommatrices sur une réalité de travail méconnue et qui pourtant les concernent.  À écouter. 

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/grand-reportage/20201223-andalousie-les-esclaves-du-mara%C3%AEcher-de-l-europe

Noémie LEHOUELLEUR, Andalousie: les esclaves du maraîcher de l’Europe, reportage audio, Radio France internationale (RFI), 2020

 

Le Gavroche

Palestine : remettre les mots à leur place

«Les Palestiniens sont abattus. Les Palestiniens meurent de faim. Des enfants… Lire la suite
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