Au premier janvier 2000, la Mutualité chrétienne lance une nouvelle assurance hospitalisation. “Une de plus?” serait-on tenté de dire, tant le “marché” de l’assurance hospitalisation s’est développé ces dernières années. En réalité, la Mutualité chrétienne se démarque des assurances commerciales, dont l’objectif reste le profit. Basée sur la solidarité, la Mutualité chrétienne s’inscrit dans la grande tradition de l’assurance sociale.


Le premier des objectifs de la Mutualité chrétienne est de répondre à la demande des patients. Il faut savoir que quelque 150 milliards de francs sont annuellement mis à leur charge en tickets modérateurs, médicaments non remboursés et autres prestations non couvertes. Dans ce budget, 25 milliards environ concernent les hospitalisations, les “grosses factures” (plus de 10.000 F) représentant 30% de ce montant. C’est dire que la facture hospitalisation devient de plus en plus lourde à supporter pour de plus en plus de patients. Certaines techniques de soins, trop onéreuses, ne leur sont pas proposées, des hospitalisations sont reportées ou refusées, des patients s’endettent pour longtemps. Une enquête interne à la Mutualité chrétienne indiquait que 75% des membres souhaitaient obtenir une meilleure couverture en cas d’hospitalisation pour répondre à la hausse croissante des tickets modérateurs et des frais de médicaments de moins en moins remboursés.
La Mutualité chrétienne francophone a donc entamé une longue réflexion afin de proposer à tous ses membres une formule d’assurance simple et solidaire, intégrée à l’assurance complémentaire, couvrant toutes les dépenses d’hospitalisation qui dépassent la somme de 10.000 F (sauf téléphone, télévision, tickets modérateurs…). Elle ne pouvait calquer son attitude sur les produits privés commerciaux qui filtrent l’accès à l’assurance en fonction de l’âge, de l’état de santé ou des revenus. Grâce à la participation financière de tous, pour une participation modérée par rapport à celle qu’exigerait un service commercial, la Mutualité chrétienne peut offrir à l’ensemble de ses membres un service de base l’Assurance Hospitalisation Solidaire (AHS), sans exclusion. Il n’y a pas de questionnaire médical, ni de limite d’âge. Ni les soins palliatifs, ni les patients psychiatriques en hôpital général, ni les services gériatriques ne sont exclus de cette assurance.

Solidarité
Depuis plus d’un siècle, mutuelles et assurances, les deux piliers fondateurs (et concurrents) de la prévoyance, se développent parallèlement. On ne peut d’ailleurs manquer d’être frappé par le parallélisme chronologique de la naissance de la mutualité moderne et des premières compagnies d’assurances (… même si la science actuarielle met quelque temps à parvenir dans les caisses de secours mutuels où l’on croit surtout à la solidarité de proximité). Mais, si chacune vise à développer des systèmes de prévoyance, leurs différences seront restées, au cours du temps, étonnamment constantes: "… les unes (les mutualités) se sont caractérisées par leur éthique solidariste pendant que les autres (les assurances commerciales) visaient une finalité lucrative, en sélectionnant leurs adhérents” écrit Patricia Toucas-Truyen dans son Histoire de la mutualité et des assurances (1). On ne saurait donc confondre le champ d’activités des mutuelles et des assurances commerciales: “Dans le premier cas, il s’agit d’ouvriers avec, pour toute richesse, la force de leurs bras; dans le second cas, d’une classe naissante de capitalistes, détenteurs de biens mobiliers croissants en termes de quantité et de valeur. Les premiers n’assurent qu’eux-mêmes, le plus souvent pour la survie de leurs proches; le risque qui préoccupe les seconds concerne des biens matériels, dont la perte menacerait leur intégrité sociale."
Cela n’a guère changé. Aujourd’hui encore, la première et principale différence entre mutualités et assurances commerciales réside dans leur objectif général, constate la Revue de l’Association internationale de la Sécurité sociale: “La structure et le fonctionnement des mutualités reposent sur la solidarité, l’aide mutuelle et la prévoyance. Les compagnies d’assurances privées sont des sociétés à but lucratif, conçues pour fonctionner sur le marché libre. Tout dans la structure respective des deux acteurs reflète cette différence – leurs membres, leurs primes et leurs systèmes de surveillance. Théoriquement parlant, on pourrait dire que les mutualités ont pour but l’avancement de la société par la solidarité, alors que les assureurs ont pour but leur propre avancement.” Une des différences essentielles entre assurances et mutualités réside aussi dans le fait que les mutualités (cela est inscrit dans la loi) ne peuvent fournir des prestations sociales complémentaires que dans la mesure où celles-ci ont un lien direct avec la santé de la personne assurée, alors que les assureurs privés peuvent proposer d’autres produits comme une assurance automobile, par exemple.

Dans notre pays, depuis la fin de la guerre, la protection sociale des citoyens repose essentiellement sur le régime obligatoire de sécurité sociale. Mais, bien que ce régime, pour les soins médicaux, couvre pratiquement l’ensemble de la population (même ceux qui ne peuvent cotiser), celui-ci ne couvre pas tous les risques. Par ailleurs, de nouveaux besoins apparaissent. Les problèmes de financement du système de soins ont pris de plus en plus d’importance du fait de l’amélioration des techniques médicales, d’une plus grande exigence des personnes quant à la qualité des soins, du fait aussi du vieillissement de la population. Tout naturellement, les mutualités ont donc développé des services d’assurance maladie complémentaire qui se positionnent dans la suite logique de l’assurance obligatoire. Mais, de leur côté, les assurances privées commerciales n’ont pas manqué de voir, dans les insuffisances de la protection légale, un marché potentiel. L’assurance maladie complémentaire constitue à leurs yeux un “produit d’appel”. Elles n’hésitent donc pas à se présenter de plus en plus souvent dans ce secteur qui relève traditionnellement des assurances sociales en contestant occasionnellement les prétendus “avantages” réservés aux mutualités.

Concurrence?
Les mutualités ont une activité bien spécifique et occupent, de fait, pour des raisons historiques, une position privilégiée sur le marché de l’assurance des soins de santé. Cette situation est régulièrement dénoncée – au nom de la libre concurrence – par les compagnies d’assurances commerciales qui ont déjà déposé des recours auprès de la Cour d’arbitrage. Mais la Cour a confirmé la législation spécifique des mutualités “sur la base du fait que les services qu’offrent ces dernières appartiennent à la catégorie des soins de santé et possèdent des caractéristiques spécifiques” (2). La Cour reconnaît ainsi que les activités des mutualités diffèrent de celles des assurances commerciales privées, en raison du caractère subordonné de l’assurance sociale complémentaire: l’assurance sociale complémentaire est en quelque sorte le prolongement naturel de l’assurance obligatoire. Ensuite, la Cour rappelle que les mutualités sont tenues à des obligations différentes des assurances commerciales: les mutualités sont tenues, de par la loi, d’organiser leurs services sur la base de la solidarité et de l’égalité. Les assurances commerciales, quant à elles, peuvent appliquer la sélection des risques afin de déterminer les couvertures et les primes. ge, état de santé, passé médical situation familiale… sont autant de raisons pour refuser partiellement ou totalement la couverture par l’assureur commercial et s’assurer un profit financier.

Il n’empêche qu’aujourd’hui, dans toute l’Europe, les sociétés d’assurances commerciales cherchent à entrer en concurrence avec les mutualités. Pour elles, l’assurance maladie doit être un marché les autres, au moins dans l’assurance complémentaire. Le fait que les États tendent à se dégager de plus en plus de leurs engagements traditionnels dans l’organisation des assurances sociales, alors même que les dépenses de santé s’accroissent, a sans aucun doute libéré un espace convoité par des sociétés d’assurances commerciales. De façon générale, la conjoncture internationale n’est pas favorable aux assurances sociales. Il suffit de prendre connaissance des objectifs de l’Organisation mondiale du commerce sur la libéralisation des services pour s’en convaincre. Après que des dizaines de secteurs ont été livrés à la loi souveraine du marché, la santé en Europe fait l’objet de convoitises particulières.

L’Europe a une longue tradition de solidarité en matière d’assurance santé. S’il y a peu de pays qui pensent que l’on pourrait toucher aux législations nationales, la bataille sera par contre plus acharnée sur le terrain de l’assurance complémentaire: “Il est en effet évident, affirme Geert Jan Hamilton, président de l’Association internationale de la mutualité (AIM) que, dans certains pays, les assurances complémentaires jouent un rôle vital en garantissant l’accès aux soins. Dans les pays où le système d’assurance maladie couvre toute la population y compris les plus pauvres, l’accès aux soins ne peut souvent pas être préservé sans l’intervention de l’assurance sociale complémentaire. Celle-ci est un complément indispensable, structurel, de la Sécurité sociale au sens le plus large.” (3)

Christian Van Rompaey

(1) Histoire de la mutualité et des assurances. L’actualité d’un choix. Patricia Toucas-Truyen. Éditions Syros et La Mutualité française.
(2) Questions relatives à l’assurance maladie complémentaire en Belgique. Y. Stevens, L. Van Rompaey, V. Huber, et B. Van Buggenhout. Institut de droit social, UCL. Revue de l’Association internationale de la Sécurité sociale
(3) Extrait de la revue française Espace social (juin 99).

Secrétariat de l’Association Internationale de la Mutualité: 50, rue d’Arlon – 1000 Bruxelles – tél. 02/234.57.00 – e-mail: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.">Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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