montage6 dossierComprendre comment les discours extrémistes impactent la jeunesse actuelle semble nécessaire à l’heure où populisme et extrémisme se propagent, au péril de la démocratie. Durant l’année académique 2022-2023, une enquête initiée et financée notamment par la Fédération Wallonie-Bruxelles a été menée sur les connaissances et les perceptions des jeunes vis-à-vis de l’extrémisme. Cette enquête s’est penchée d’une part, sur la façon dont les professeur·es abordent le concept d’extrémisme à l’école et d’autre part sur la représentation des extrémismes par les jeunes : comment appréhendent-ils ce concept ? Quels exemples mobilisent-ils ? Quelles expériences ont-ils de ce phénomène ? Les résultats viennent d’être divulgués. Cette étude apporte un regard contrasté sur les jeunes et les extrêmes. Éclairage. 

 

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Que ce soit dans l’idéologie, dans les discours ou dans les actions menées, l’extrémisme rejette l’organisation politique actuelle. Il ambitionne de changer le système via une révolution (ou involution, pour les extrémismes de droite et certains extrémismes religieux). Par ce positionnement, et bien que les extrémistes aspirent à exercer le pouvoir, ils s’en écartent. Pour ces raisons, les extrémistes sont marginalisés par les autres formations tout comme ils se marginalisent euxmêmes, nourrissant, par là même, leur propre rejet du système 1.

Dans la pensée extrémiste, la violence est un instrument de libération. L’extrémisme est un « jusqu’auboutisme ». Il mobilise des textes fondateurs, des idéologies, des valeurs et des concepts qu’il pousse à leur paroxysme. La pensée extrémiste est englobante et totale, elle ambitionne de répondre à toutes les questions et veut s’appliquer à l’ensemble des domaines de la société. En ce sens, par leurs pratiques, les extrémistes rejettent le dialogue et le consensus.

Enfin, les extrémistes ont une vision dichotomique du monde : eux/nous, bien/mal, ami/ennemi, dominé/dominant, exploité/exploitant, nationaux/ étrangers… De plus, un autre élément transversal de la pensée et de l’action extrémistes est sa recherche de pureté face aux crises actuelles. L’avenir est idéalisé, la société prônée ne connait aucune contradiction, aucune altération, aucun conflit. C’est une communauté nationale homogène ou une communauté autogérée, sans classe 2.

Si ces éléments propres à l’extrémisme peuvent renvoyer à des considérations religieuses et politiques, de gauche ou de droite, il convient toutefois d’appliquer ce qualificatif avec nuance. Nous devons distinguer un acteur, une organisation, une idée, un discours ou un acte extrémiste. En effet, avec le temps, certaines organisations extrémistes, afin d’élargir le nombre de leurs adhérent·es ou de siéger au sein des institutions, ont entamé une phase de « modernisation », de « banalisation » ou de « dédiabolisation ». Ce n’est pas pour autant que nous ne pouvons pas déceler, au sein d’un parti politique, un acteur, une pensée, un discours ou un acte extrémiste 3.

 

 

Méthodologie de recherche


Tout d’abord, nous nous sommes interrogés sur la façon dont les professeur·es abordent le concept d’extrémisme à l’école. Nous avons analysé les programmes de cours et avons ensuite mené des entretiens individuels avec des professeur·es pour recueillir des exemples de leurs pratiques ainsi que des éléments de leur vécu. Ensuite, nous nous sommes penchés sur la représentation des extrémismes par les jeunes : comment appréhendent-ils ce concept ? Quels exemples mobilisent-ils ? Quelles expériences ont-ils de ce phénomène ? Nous leur avons soumis un questionnaire ouvert. L’objectif n’était pas de proposer une définition de l’extrémisme par les jeunes, mais d’interroger et de comprendre la représentation que les jeunes s’en font. Pour compléter, préciser, enrichir et nuancer les données recueillies dans les formulaires, nous avons, dans un deuxième temps, organisé une série de Focus Groups, qui permettent de créer des espaces d’expression et d’échange avec et entre les jeunes, leur permettant de partager leurs expériences, leurs ressentis, leurs questionnements.

Quelles écoles ? Quels professeur·es ? Quels « jeunes » ?

Sur 40 établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles contactés, 23 ont accepté de participer à la recherche. Ces différentes écoles ont été sélectionnées en fonction de différents critères : répartition géographique, type de réseau, type de filière et indice socio-économique. Vingt-six professeur·es (étude du milieu, français, histoire, morale, philosophie et citoyenneté, religion, sciences économiques et sociales) ont contribué à l’étude. Nous avons transmis le questionnaire à toutes les écoles participantes et avons reçu en retour 785 questionnaires complétés de façon anonyme par des élèves de 6e secondaire. Le mode d’organisation des Focus Groups a varié en fonction des établissements. Idéalement, nous avions proposé d’en organiser deux par école, chacun composé de 7 élèves tirés au sort. Chacun devait durer entre 50 et 60 minutes. Certain·es professeur·es, en raison de leur emploi du temps, ont préféré n’organiser qu’un seul Focus Group. Au total, 21 Focus Groups rassemblant chacun entre 7 et 15 élèves ont pu être organisés.

 

 L’enseignement de l’extrémisme à l’école

Lors des entretiens avec les professeur ·es, il est apparu qu’ils·elles n’avaient pas de définition claire et structurée du concept d’extrémisme. Les professeur·es se réfèrent le plus souvent au passé, évoquent des figures historiques comme Hitler et Staline ainsi que les camps de concentration pour aborder ce concept, toujours en lien avec l’autoritarisme et les régimes totalitaires du 20e siècle. Ces deux derniers concepts sont davantage mobilisés que celui de l’extrémisme qui l’est peu, voire pas du tout. Comme l’explique un professeur d’histoire : « URSS, nazisme, c’est facile, c’est du passé, c’est factuel. Mais l’actualité, c’est plus compliqué, c’est plus un débat et je ne me sens pas toujours capable de le faire. Je préfère me concentrer sur le théorique. »

Plusieurs professeur·es affirment que c’est l’extrémisme de droite « le problème » et pas l’extrémisme de gauche, les deux ne pouvant être mis sur un pied d’égalité. Cette position n’est pas partagée par toutes et tous. Certain·es professeur·es parlent de l’extrémisme au sens large, comme d’un « danger pour la démocratie ».

Les professeur·es préfèrent aborder le passé plutôt que le présent. Ils et elles expliquent ce choix par la nécessaire neutralité de l’enseignant·e (la « mission du professeur »), par le manque de temps ou de connaissances et par l’absence d’outils pédagogiques (la « solitude de l’enseignant ») pour traiter l’actualité. Certain·es professeur·es ne souhaitent pas exprimer leur avis en classe ou disent « avoir peur » de laisser transparaitre leur positionnement politique, ce qui, selon eux, pourrait leur être reproché par des parents d’élèves ou par la direction de l’établissement.

Lors des entretiens, les partis politiques belges Vlaams Belang et Parti du Travail de Belgique ont été mentionnés à plusieurs reprises comme des partis politiques extrémistes. Les professeur·es évoquent l’extrémisme de droite et l’extrémisme de gauche, même si les exemples donnés et les thématiques soulevées (comme l’immigration, l’homosexualité…) renvoient principalement au champ de l’extrémisme de droite.

« Des enseignant·es parlent d’un racisme latent ou« Des enseignant·es parlent d’un racisme latent oud’une homophobie latente en classe ou dans la cour derécréation. Il revient au professeur·e d’évaluer la situation[...] mais ce n’est pas toujours évident en pratique. »

 

Les professeur·es sont régulièrement confronté·es à des positionnements extrêmes, notamment sur la question religieuse, de la part de leurs élèves. Ils·elles disent manquer d’outils pour y répondre. Certains se sentent « démunis », « impuissants ». Parfois, des professeur·es préfèrent éviter le sujet et s’auto-censurer par crainte de blesser, d’être mal compris ou de devoir faire face à une opposition de la part de certains élèves. Le cas de Samuel Paty est évoqué lors de plusieurs entretiens. Les professeur·es s’interrogent sur l’attitude à adopter face aux comportements et aux croyances de certains élèves et sur l’intérêt et la façon de mener des débats et des discussions en classe. Un professeur explique se censurer en classe : « typiquement, la question du religieux, je ne me sens pas capable de faire unne me sens pas capable de faire untravail philo avec les élèves. J’attendsde voir. Si je dois évoluer ou s’il fautplus de temps. C’est une question queje me pose. La question de la critiqueet de la religion, ce n’est pas très compatible.Et je m’empêche d’en parler». D’autres estiment ne pas devoirse censurer, mais adoptent des « précautions» et « mettent de la forme »pour faire attention aux sensibilités detoutes et tous.

Lorsque des élèves tiennent enclasse des propos racistes ou homophobes,les professeur·es s’interrogentsur leurs intentions. De manière générale,si c’est « pour rire », ils·elleslaissent passer, si c’est avec l’intentionde blesser, ils·elles sanctionnent. Desenseignant·es parlent d’un racisme latentou d’une homophobie latente enclasse ou dans la cour de récréation. Ilrevient au professeur·e d’évaluer la situationau cas par cas et de recadrer ousanctionner s’il·elle le juge nécessaire,mais ce n’est pas toujours évident enpratique. Un professeur nous confieavoir eu durant sa carrière un élève quia fait le salut nazi. Il raconte :

« Il faut en parler avec lui pour voirquelle signification il donne à son geste,mais je ne pense pas qu’il y ait unevolonté de lier ça à une pensée, plutôtde la bêtise. Je l’ai viré, je lui ai dit quec’était inadmissible, que j’allais appelerses parents et qu’il aurait une sanction.Lui, il n’a pas réagi plus que ça, ce n’estpas l’élève le plus calme non plus. Il necherche pas le conflit, mais il a besoinde se faire remarquer et il ne sait pascomment s’exprimer. Les autres ontété surpris, ils se sont dit que c’étaitfort transgressif. Et moi, vis-à-vis desautres, je devais aussi marquer le coup.Après, vis-à-vis des autres, est-ce quej’aurais dû… Il restait 7-8 minutes, j’auraisdû m’arrêter, et dire pourquoi j’aifait ça, ce que ça signifie. Ça aurait étéla meilleure solution, mais dans l’action,le manque de temps, je dois régler çaplus tard avec lui. »

Le concept d’extrémismeLe concept d’extrémisme chez les jeunes

 L’enquête a montré que les jeunes n’ont pas une méconnaissance de l’extrémisme. Ils en proposent différentes définitions et mobilisent tout un univers de termes s’y rapportant. Sans avoir préalablement défini l’extrémisme avec eux·elles, ils·elles définissent l’extrémisme principalement au travers d’idéologies ou de discours exagérés, excessifs, en dehors de toute limite ou cadre, de comportements agressifs ou violents, d’une imposition de ses idées aux autres, d’une absence de nuance, d’un simplisme et d’un manichéisme de la pensée, d’un appel à la haine, à l’exclusion d’un groupe ou d’une minorité. Ces différentes éléments se retrouvent, parfois sous une autre appellation, dans les définitions et les analyses des chercheur·ses.

Dans les 785 formulaires analysés, les termes et les concepts les plus mobilisés sont : extrême droite (295 occurrences), xénophobie (245), extrême gauche (226), racisme (191), radicalisme (154), nazisme (112), communisme (103), anti-immigration (98), terrorisme (83), féminisme (79), extrémisme religieux (72), homophobie (71), antisémitisme (63), nationalisme (49), islamisme (47), fascisme (44), sexisme (33), extrémisme écologique (30), islamophobie (28) et véganisme (22).

Au travers des termes et des exemples mobilisés, nous pouvons observer une prédominance de l’univers de l’extrémisme de droite.

Les jeunes peuvent citer plusieurs personnalités, partis ou mouvements historiques et actuels. Les plus cités sont : Éric Zemmour (136 occurrences), Vlaams Belang (124), Adolf Hitler (118), Marine Le Pen (94), Joseph Staline (57), le Rassemblement National (56), le Parti du Travail de Belgique (39), Daech (34), la Corée du Nord (32), la Nieuw-Vlaamse Alliantie (31), Donald Trump, (30), Vladimir Poutine (29), le Ku Klux Klan (26), Vladimir Ilitch Lénine (26) et Giorgia Meloni (25). Cependant, lorsque nous leur demandons pourquoi ils qualifient une formation d’extrémiste, leurs justifications restent incertaines. Ils·elles nous disent qu’ils·elles l’ont entendu à la radio, à la télévision, dans la bouche de leurs parents ou l’ont lu sur Internet.

À la question « Pouvez-vous identifier des idées, des discours ou des mouve ments / partis / acteurs extrémistes ? », l’« extrémisme féministe », l’« extrémisme écologique » et le véganisme sont cités respectivement par 79, 30 et 22 jeunes sur les 789 qui ont répondu. Ces deux exemples sont également systématiquement abordés durant les Focus Groups. Ceci renvoie à ce que les professeur·es nous avaient expliqué durant les entretiens, à savoir que les jeunes se sentent davantage concernés par ce qui les touche directement. L’« extrémisme féministe » et l’« extrémisme écologique », contrairement à d’autres « extrémismes » rapportés par les jeunes, ne sont cependant pas nécessairement perçus comme des phénomènes foncièrement négatifs. Certains jeunes considèrent qu’il peut y avoir des « extrémismes positifs », notamment en ce qui concerne la lutte pour le climat et la lutte contre les discriminations.

Extrait d’un Focus Group : 

-« Le problème des débats à notre époque, c’est qu’ils ne mènent pas à grand-chose. Les politiques vont euxmêmes prendre les décisions et, pour le moment, les décisions sont contraires à l’écologie. Il y a beaucoup d’hypocrisie. Mais du coup, je pense qu’un extrémisme écologique peut être une bonne chose dans certains cas […] » z « C’est triste à dire, mais la violence est très médiatisée. Quand c’est violent, tout le monde sait partout.

-C’est triste à dire, mais, du coup, on sent que la violence est le seul moyen pour se faire entendre. Et c’est dommage, ça ne devrait pas être comme ça. Un cake sur une oeuvre d’art ou quoi. Mais, du coup, l’extrémisme, ça peut paraitre une bonne solution. C’est le seul moyen d’arriver à se faire entendre pour qu’il se passe quelque chose. »

Pour certains jeunes, la violence peut être un ultime moyen de se faire entendre. Des jeunes nous expliquent ne pas se sentir écoutés ni représentés dans la société. Dans ce contexte, le blocage d’une autoroute ou la dégradation d’une oeuvre d’art peuvent augmenter la visibilité d’une cause. Ces deux exemples ont suscité des débats animés dans les Focus Groups. La question de l’utilité et de la pertinence de ces moyens divise les jeunes.

Extrait d’un Focus Group : 

-« Moi j’ai pensé aux manifestations, en France, où on détruit les magasins, c’est exagéré, mais ils le font pour être entendus. » 

-« Au final, c’est juste ceux qui ont leur magasin qui sont impactés. Et ça donne une mauvaise image à une cause juste. Donc c’est toujours négatif. » z « Ça va juste avoir un cycle de haine on va dire. La violence s’arrêtera pas jusqu’à ce que quelqu’un aura la présence d’esprit d’arrêter ces bêtises. »

-« Après, c’est vrai, si un dirigeant persécute son peuple, si lui aussi il est violent, s’il n’y a pas moyen de l’arrêter. »

-« Oui, comme la Révolution française. » 

-« C’est de la défense plus que de l’attaque. » 

-« Il y a toujours de la violence. »

-« Il y a deux parties. Il y a toujours, mais il y en a aussi sans violence. Comme avec les Noirs avec Rosa Parks, elle s’est assise dans un bus en étant pacifiste. Ça a quand même engagé une réelle réflexion qui a fait changer les choses, donc pas besoin de violence. » Nous avons constaté que le degré d’acceptation du recours à la violence dépend des groupes. Plus les groupes partageaient un sentiment de ne pas être entendus et d’impuissance, d’inutilité, de fatalité, de résignation, plus ils acceptaient le recours à la violence comme outil de changement de la société.

« S’ils·elles semblent désabusé·es par le " monde politique ", les« S’ils·elles semblent désabusé·es par le " monde politique ", lesjeunes manifestent cependant un réel intérêt pour les enjeux desociété, souhaitent pouvoir en débattre, être écouté·es, rassuré·eset "réenchanté·es" sur la prise en compte de leurs opinions. »

 

Faut-il laisser s’exprimer les extrémistes ?

En ce qui concerne la liberté d’expression, les jeunes estiment majoritairement que tout peut être dit. « Chacun·e a le droit d’exprimer ce qu’il pense. » Selon eux, l’extrémisme se manifeste par le refus d’écouter l’autre. Le cordon sanitaire est ainsi considéré par certain·es comme une forme de censure et donc d’extrémisme. Pour eux, il est possible de convaincre en débattant.

Extrait d’un Focus Group :

-« Personne n’a envie de taire ses positions et de ne même pas avoir le droit de s’exprimer. Je pense que c’est le droit de chacun. Après, on aimerait bien aussi ne pas entendre certaines choses. Il ne faudrait peut-être pas l’interdire, mais trouver une solution. Faire en sorte que les gens se rendent compte que c’est extrémiste. » 

-« Le fait de censurer le discours, c’est aussi extrémiste. C’est ne plus vouloir écouter l’autre. C’est contradictoire en un sens de censurer quelqu’un, alors que la base c’est d’écouter la personne. » 

-« Moi je pars du principe que toute opinion est bonne à écouter, que je sois pour ou contre. J’aime bien avoir l’avis de quelqu’un même pour moi réfléchir. Mais, pour moi, la liberté d’expression, c’est typique, mais elle s’arrête quand le respect n’est plus à sa place et que ça part dans l’attaque personnelle. »

Dans une autre école, un jeune nous explique : « si on part du principe qu’on pourrait voter pour des gens qui sont plutôt extrêmes, pourquoi est-ce qu’on ne peut pas les mettre en valeur dans les médias, donc c’est un peu contradictoire ».

Le positionnement change lorsque nous abordons des convictions ou des opinions ou lorsque nous évoquons des sujets qui peuvent les toucher directement. La « méchanceté » est rejetée de façon unanime. Racisme et discrimination ne sont pas tolérés de même que tout ce qui peut blesser. Le blasphème est perçu assez unanimement par les jeunes comme une forme de racisme, de rejet et de critique envers une religion et ses adeptes. Ils et elles ne font pas de différence entre le racisme et le blasphème. Aux yeux de certain·es, les mesures visant au retrait de certains signes religieux apparaissent comme des attaques contre des individus, comme une forme de rejet et d’imposition et donc comme une forme d’extrémisme. Si les jeunes se déclarent en faveur de la liberté d’expression, ils et elles la soumettent toujours à la notion de respect. Cette limite à la liberté d’expression ne devrait cependant pas selon eux être nécessairement explicitée ou codifiée, chacun sachant ce qu’il peut ou ne peut pas dire en fonction du contexte et de la personne à qui il s’adresse : « tu peux dire ce que tu veux, mais pas devant tout le monde. »

Conclusion : s’approprier la politique

Comme ils·elles l’expriment durant les Focus Groups, les jeunes associent le terme « politique » à la corruption et à l’enrichissement personnel. Ils·elles s’intéressent peu au système et aux partis politiques belges qu’ils·elles jugent lents, complexes et inefficaces. Les jeunes se montrent toutefois positifs envers la politique dans sa dimension de « lutte pour des valeurs », genre, climat, égalité, même si, dans certains groupes, une forme de passivité semble s’être installée. S’ils·elles semblent désabusé·es par le « monde politique », les jeunes manifestent cependant un réel intérêt pour les enjeux de société, souhaitent pouvoir en débattre, être écouté·es, rassuré·es et « réenchanté·es » sur la prise en compte de leurs opinions et leur traduction en actions concrètes.

Les jeunes peuvent, d’une manière générale, identifier et définir, avec une certaine justesse, les phénomènes extrémistes. Il nous parait important cependant qu’ils·elles puissent aussi se familiariser et s’approprier des cadres d’analyse et les expérimenter entre eux·elles plutôt que de se limiter à qualifier, « par ouï-dire », des partis, mouvements ou positions d’extrémistes. Organiser des activités internes ou externes (débats, jeux de rôle, mises en situation, visites, ateliers…) autour de valeurs, d’enjeux et de problématiques de société permettrait l’enrichissement des savoirs et le développement d’une conscience politique afin que les jeunes s’approprient leur environnement sociopolitique et médiatique et y trouvent leur place.

Cela nécessite toutefois la maitrise de connaissances, de compétences et d’outils spécifiques coconstruits avec les professeur·es, les équipes pédagogiques et des ressources externes. Ces dispositifs doivent favoriser l’écoute respectueuse, la communication non violente, l’ouverture aux autres et le vivre ensemble. Nous formulons le voeu que ces actions portées par nous toutes et tous favoriseront l’inclusion des jeunes dans la société démocratique de demain. #

(*) Professeur associé ULiège, maitre assistant(*) Professeur associé ULiège, maitre assistantHELMO, chargé de cours Sorbonne-Nouvelle.


1. M. DOBRY, Le Mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin1. M. DOBRY, Le Mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, AlbinMichel, 2003.
2. C. BOURSEILLER, L’extrémisme ; une grande peur contemporaine,Paris, CNRS Éditions, 2012.
3. N. GUILLET, N. AFIOUNI, Les tentatives de banalisation de l’extrêmedroite en Europe, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles,Science politique, 2016.