Le 13 mars dernier, à la surprise générale, c’est le cardinal Jorge Mario Bergoglio qui apparait sur le balcon de la Basilique Saint-Pierre. Déjouant tous les pronostics, cet Argentin de 76 ans devient donc le pape François, en référence à Saint François d’Assise. Comme celui-ci, le nouveau pape souhaite s’engager en faveur des pauvres.Très vite pourtant, son image se ternit suite à ses supposés liens avec la dictature de Videla. Près de 4 mois après son élection, les questions sont nombreuses (quelles sont ses orientations politiques ? peut-il réformer la Curie ?...). Christian Laporte décrypte ce début de pontificat.
L’élection du pape François est un peu surprenante, non ?
C’est vrai que cela a été une assez grosse surprise de voir arriver le mercredi 13 mars dernier, vers 20 heures, le cardinal Jorge Mario Bergoglio au balcon de la Basilique Saint-Pierre. D’abord, parce que l’élection s’est passée très vite : à peine plus de 24 heures après l’entrée en conclave. Ensuite, en raison de la personnalité de l’élu puisqu’on ne s’attendait pas du tout à lui. Pourtant, on aurait dû se rappeler qu’en 2005, lors de l’élection de Benoît XVI, ce cardinal argentin avait déjà reçu un certain nombre de votes, mais personne ne le considérait comme un grand favori du conclave huit ans après. Tout le monde pensait que son heure était passée et que la lutte allait se circonscrire à une lutte entre les Italiens, ceux qui sont pour la Curie et son inertie et ceux qui s’y opposent. Contre toute attente, on a donc vu apparaitre un pape assez atypique, ne fut-ce que dans sa façon de se présenter puisqu’il était vêtu très simplement. Il a également fait preuve de beaucoup de singularité dans son premier message où il a salué la foule en italien et a fait preuve d’une grande humilité puisqu’il a demandé à ce qu’on prie pour son entrée dans cette fonction très difficile. D’emblée, les journalistes ont essayé de dresser un rapide portrait du pape. Ce qui a frappé les esprits dès le début, c’est qu’en Argentine, il avait refusé de résider dans le Palais épiscopal de Buenos Aires et avait préféré habiter dans un petit appartement et qu’il se déplaçait en métro. Ce sont des petits gestes qu’il posait en tant que cardinal et qu’il continue à pratiquer en tant que pape puisqu’aujourd’hui encore, il ne réside toujours pas dans les appartements du Palais apostolique. De même, depuis son entrée en fonction, il n’a pas voulu se mettre au-dessus de la mêlée et se conduit davantage en tant qu’évêque de Rome. C’est pour cela qu’il n’a quasiment parlé qu’en italien pour le moment. C’est donc une personnalité qu’on n’attendait pas du tout et qui rappelle, par certains aspects, celle de Jean XXIII.
Comment expliquer son élection ?
Il faut dire qu’après l’annonce du retrait de Benoît XVI, le débat s’est vite focalisé sur la Curie et sur la nécessité ou non de la réformer, ce qui a engendré beaucoup de discussions avant le conclave. Il est probable que si on avait suivi l’avis de la Curie, le conclave aurait eu lieu beaucoup plus rapidement. Mais certains ont voulu prendre le temps de la discussion. Et ce temps-là a permis à certains cardinaux de se faire connaitre et de partager leurs idées. Déjà en 2005, le pape François avait ses chances, mais les plus conservateurs se sont unis et ont choisi celui qu’il connaissait le mieux : le cardinal Ratzinger. Il est clair qu’il y a une rupture entre Benoît XVI et François. Ce dernier comprend mieux le monde qui l’entoure que certains intellectuels comme, notamment, son prédécesseur. Quelqu’un qui réaffirme son attachement aux plus pauvres était nécessaire.
Dès le début du pontificat, il y a eu polémique sur de supposés liens du pape avec la dictature de Videla (1976-1983). Qu’en est-il ?
Évidemment, à chaque nouveau pape, sa petite polémique : on avait commencé le pontificat de Benoît XVI en rappelant qu’il avait été membre de la Hitlerjugend. Ce ne fut qu’après qu’on précisa que tous les jeunes Allemands étaient enrôlés d’office au sein de cette organisation. En outre, pour ce qui est de Benoît XVI, il était certain que ce passage forcé ne s’était pas traduit par la poursuite d’autres activités au sein des structures hitlériennes ou nazies. Dans le cas du pape François, certains ont fait remarquer qu’il n’avait peut-être pas été assez courageux sous la dictature de Videla et qu’il ne serait peut-être pas venu en aide comme il aurait dû à certains de ses confrères jésuites tombés entre les mains du régime. Là aussi, la polémique s’est embrasée très vite pour s’atténuer tout aussi rapidement dans la mesure où d’importantes voix (Léonardo Boff et Gabriel Garcia Marquez, par exemple) se sont vite portées à son secours. Ces éminentes personnalités ont défendu le nouveau pape en mentionnant qu’il n’était pas du côté de la dictature. Par la suite, les analystes sérieux en ont déduit que le pape n’a été ni moins ni plus courageux que d’autres à l’époque. En tout cas, on ne pouvait pas classer le prélat latino-américain du côté de la dictature, à l’inverse de certains de ses collègues dans d’autres pays latino-américains où la hiérarchie de l’Église était souvent du côté de la dictature. Au final, cette polémique n’était qu’un feu de paille.
Comment pourrait-on classifier le pape politiquement ?
Quand la polémique s’est estompée, on a pu se concentrer sur l’essentiel. On a alors découvert que ce serait un pape social. Je n’irai pas jusqu’à dire progressiste parce qu’il est dans les normes de l’Église d’aujourd’hui, ni plus, ni moins. Ce n’est assurément pas un révolutionnaire et il ne s’est, par exemple, jamais prononcé en faveur de la théologie de la libération. Mais il s’est quand même montré favorable à ce que l’Église agisse dans un certain nombre de dossiers en faveur des plus pauvres de la société. On peut dire qu’il y a chez ce pape une option préférentielle pour les pauvres sans le combat politique. C’est surtout un combat religieux dans son chef et il a fait cela depuis le début et avec des accents qui ont surpris par rapport à l’ensemble de l’Église : il ne fait, par exemple, pas partie de ceux qui veulent rejeter une femme qui a eu un enfant hors mariage. Il s’est dit compréhensif et semble avoir parfaitement intégré que cela faisait partie de l’évolution de la société. Depuis le début de son pontificat, il garde cette ligne et tient le coup. Quatre mois après son entrée en fonction, il parvient à rester fidèle à ses convictions sociales et ne déçoit pas. C’est une vraie bouffée d’air frais dans l’Église après deux papes extrêmement rigoureux.
Et pour ce qui est des sujets qui « fâchent » (ordination des femmes…) (dans) l’Église ?
Je ne pense pas que le pape François sera davantage révolutionnaire ici, mais il plaide pour la compréhension. Mais il ne faut pas s’attendre à des ouvertures de sa part sur des sujets comme l’avortement ou l’ordination des femmes. C’est un pragmatique qui préfèrera sans doute mettre des femmes à des postes-clés de la Curie plutôt que de se battre pour l’impossible ; l’impossible étant pour le moment d’arriver à l’ordination des femmes. D’ailleurs, à ce sujet, tous les observateurs de l’Église estiment que si cela doit bouger, ce sera dans 300 ans, pas avant. Pour l’Église, il est beaucoup trop tôt pour cela. Ce qui est très intéressant aussi, c’est la manière dont il voit l’avenir et l’organisation de l’Église. Là, il revient un peu aux fondamentaux du Concile avec cette idée de collégialité qui est très importante à ses yeux et qu’il applique à lui-même puisque depuis le début, il se considère davantage comme l’évêque de Rome que comme le souverain pontife, grand patron de tous les autres. On peut donc s’attendre à des progrès et à ce que le pape fasse avancer ce qui était quand même en panne depuis pas mal d’années à la suite de Vatican II. Toutefois, je ne pense pas qu’il va organiser un Concile Vatican III. Par contre, j’ai l’impression qu’il va tout mettre en œuvre pour changer un certain nombre de choses. Pour preuve, il a posé un geste fort pour réformer la Curie et son opacité en créant une commission composée de huit cardinaux et d’un archevêque, représentatifs de tous les continents. Donc, il y a là une ouverture non négligeable. Et il faut signaler, petit cocorico, que c’est une idée du cardinal Danneels depuis de nombreuses années que de réunir de temps en temps des évêques et des cardinaux de différents continents pour venir conseiller et donner leur avis au pape sur une série de questions. Ici, cela se fait dans l’optique de changer la Curie, mais il est certain que ce geste ne lui a pas fait que des amis à Rome où un certain nombre de cardinaux qui croyaient pouvoir bénéficier de privilèges pour l’éternité vont devoir rendre des comptes. Ce genre de mesures est porteur d’espoir pour voir bouger une institution très immobile.
Est-ce que du point de vue doctrinal, on ne peut pas s’attendre quand même à quelqu’un de plus libéral ?
Je pense qu’il est effectivement plus ouvert que ses prédécesseurs au dialogue et à la discussion. On dit par exemple qu’il pourrait faire un geste vers les divorcés remariés parce que là, c’est un point qui n’est pas directement de la doctrine, mais que l’on intègre comme tel. Ce n’est pas parce qu’on a raté son mariage que l’on doit être définitivement « condamné ». Il fait partie de ceux qui estiment qu’il faut de la compréhension et de l’ouverture d’esprit sur ces sujets-là.
Au-delà d’attitudes dans le discours et la réforme de la Curie, quels sont les projets de son pontificat ?
Tout cela est très progressif. Il est là depuis moins de quatre mois. Il ne va certainement pas annoncer de grandes révolutions. On le compare souvent à Jean XXIII parce qu’après quelques mois après son élection, il avait annoncé la tenue du Concile Vatican II, mais la rupture était alors beaucoup plus forte parce qu’on sortait de Pie XII et de décennies de lourdeur de l’Église. Jean XXIII, c’était l’espoir de l’ouverture, comme Kennedy a été l’espoir d’ouverture politique aux États-Unis. Le pape François vient de la vraie vie et c’est sa force. C’est quelqu’un qui suscite une certaine sympathie. À ce propos, la proximité qui semble exister entre le cardinal Danneels et lui laisse à penser qu’il va tout mettre en œuvre pour que l’Église s’ouvre. Tous les catholiques attendent beaucoup de ce pape. Leurs espoirs ne devraient pas être déçus, mais il faut se méfier des forces d’inertie qui sont bien présentes chez les gens qui l’entourent. Cela dit, je suis certain que l’on peut s’attendre à de belles choses parce que le pape perçoit très bien l’évolution de la société et son état. Toutefois, il y aura aussi des déceptions parce qu’on ne change pas aussi facilement une institution vieille de 2000 ans.
Qu’attendre du pape au point de vue du dialogue interreligieux ?
Une chose est certaine: Benoît XVI a été assez maladroit dans ce dialogue. Le nouveau pape va certainement tirer la leçon de ces erreurs du passé et probablement se montrer très ouvert, dans la filiation de Saint François d’Assise. Il y a une nécessité de faire une alliance entre les religions. Mais pour y parvenir, il faudra mettre un peu d’eau dans son vin.
L’élection du pape François est un peu surprenante, non ?
C’est vrai que cela a été une assez grosse surprise de voir arriver le mercredi 13 mars dernier, vers 20 heures, le cardinal Jorge Mario Bergoglio au balcon de la Basilique Saint-Pierre. D’abord, parce que l’élection s’est passée très vite : à peine plus de 24 heures après l’entrée en conclave. Ensuite, en raison de la personnalité de l’élu puisqu’on ne s’attendait pas du tout à lui. Pourtant, on aurait dû se rappeler qu’en 2005, lors de l’élection de Benoît XVI, ce cardinal argentin avait déjà reçu un certain nombre de votes, mais personne ne le considérait comme un grand favori du conclave huit ans après. Tout le monde pensait que son heure était passée et que la lutte allait se circonscrire à une lutte entre les Italiens, ceux qui sont pour la Curie et son inertie et ceux qui s’y opposent. Contre toute attente, on a donc vu apparaitre un pape assez atypique, ne fut-ce que dans sa façon de se présenter puisqu’il était vêtu très simplement. Il a également fait preuve de beaucoup de singularité dans son premier message où il a salué la foule en italien et a fait preuve d’une grande humilité puisqu’il a demandé à ce qu’on prie pour son entrée dans cette fonction très difficile. D’emblée, les journalistes ont essayé de dresser un rapide portrait du pape. Ce qui a frappé les esprits dès le début, c’est qu’en Argentine, il avait refusé de résider dans le Palais épiscopal de Buenos Aires et avait préféré habiter dans un petit appartement et qu’il se déplaçait en métro. Ce sont des petits gestes qu’il posait en tant que cardinal et qu’il continue à pratiquer en tant que pape puisqu’aujourd’hui encore, il ne réside toujours pas dans les appartements du Palais apostolique. De même, depuis son entrée en fonction, il n’a pas voulu se mettre au-dessus de la mêlée et se conduit davantage en tant qu’évêque de Rome. C’est pour cela qu’il n’a quasiment parlé qu’en italien pour le moment. C’est donc une personnalité qu’on n’attendait pas du tout et qui rappelle, par certains aspects, celle de Jean XXIII.
Comment expliquer son élection ?
Il faut dire qu’après l’annonce du retrait de Benoît XVI, le débat s’est vite focalisé sur la Curie et sur la nécessité ou non de la réformer, ce qui a engendré beaucoup de discussions avant le conclave. Il est probable que si on avait suivi l’avis de la Curie, le conclave aurait eu lieu beaucoup plus rapidement. Mais certains ont voulu prendre le temps de la discussion. Et ce temps-là a permis à certains cardinaux de se faire connaitre et de partager leurs idées. Déjà en 2005, le pape François avait ses chances, mais les plus conservateurs se sont unis et ont choisi celui qu’il connaissait le mieux : le cardinal Ratzinger. Il est clair qu’il y a une rupture entre Benoît XVI et François. Ce dernier comprend mieux le monde qui l’entoure que certains intellectuels comme, notamment, son prédécesseur. Quelqu’un qui réaffirme son attachement aux plus pauvres était nécessaire.
Dès le début du pontificat, il y a eu polémique sur de supposés liens du pape avec la dictature de Videla (1976-1983). Qu’en est-il ?
Évidemment, à chaque nouveau pape, sa petite polémique : on avait commencé le pontificat de Benoît XVI en rappelant qu’il avait été membre de la Hitlerjugend. Ce ne fut qu’après qu’on précisa que tous les jeunes Allemands étaient enrôlés d’office au sein de cette organisation. En outre, pour ce qui est de Benoît XVI, il était certain que ce passage forcé ne s’était pas traduit par la poursuite d’autres activités au sein des structures hitlériennes ou nazies. Dans le cas du pape François, certains ont fait remarquer qu’il n’avait peut-être pas été assez courageux sous la dictature de Videla et qu’il ne serait peut-être pas venu en aide comme il aurait dû à certains de ses confrères jésuites tombés entre les mains du régime. Là aussi, la polémique s’est embrasée très vite pour s’atténuer tout aussi rapidement dans la mesure où d’importantes voix (Léonardo Boff et Gabriel Garcia Marquez, par exemple) se sont vite portées à son secours. Ces éminentes personnalités ont défendu le nouveau pape en mentionnant qu’il n’était pas du côté de la dictature. Par la suite, les analystes sérieux en ont déduit que le pape n’a été ni moins ni plus courageux que d’autres à l’époque. En tout cas, on ne pouvait pas classer le prélat latino-américain du côté de la dictature, à l’inverse de certains de ses collègues dans d’autres pays latino-américains où la hiérarchie de l’Église était souvent du côté de la dictature. Au final, cette polémique n’était qu’un feu de paille.
Comment pourrait-on classifier le pape politiquement ?
Quand la polémique s’est estompée, on a pu se concentrer sur l’essentiel. On a alors découvert que ce serait un pape social. Je n’irai pas jusqu’à dire progressiste parce qu’il est dans les normes de l’Église d’aujourd’hui, ni plus, ni moins. Ce n’est assurément pas un révolutionnaire et il ne s’est, par exemple, jamais prononcé en faveur de la théologie de la libération. Mais il s’est quand même montré favorable à ce que l’Église agisse dans un certain nombre de dossiers en faveur des plus pauvres de la société. On peut dire qu’il y a chez ce pape une option préférentielle pour les pauvres sans le combat politique. C’est surtout un combat religieux dans son chef et il a fait cela depuis le début et avec des accents qui ont surpris par rapport à l’ensemble de l’Église : il ne fait, par exemple, pas partie de ceux qui veulent rejeter une femme qui a eu un enfant hors mariage. Il s’est dit compréhensif et semble avoir parfaitement intégré que cela faisait partie de l’évolution de la société. Depuis le début de son pontificat, il garde cette ligne et tient le coup. Quatre mois après son entrée en fonction, il parvient à rester fidèle à ses convictions sociales et ne déçoit pas. C’est une vraie bouffée d’air frais dans l’Église après deux papes extrêmement rigoureux.
Et pour ce qui est des sujets qui « fâchent » (ordination des femmes…) (dans) l’Église ?
Je ne pense pas que le pape François sera davantage révolutionnaire ici, mais il plaide pour la compréhension. Mais il ne faut pas s’attendre à des ouvertures de sa part sur des sujets comme l’avortement ou l’ordination des femmes. C’est un pragmatique qui préfèrera sans doute mettre des femmes à des postes-clés de la Curie plutôt que de se battre pour l’impossible ; l’impossible étant pour le moment d’arriver à l’ordination des femmes. D’ailleurs, à ce sujet, tous les observateurs de l’Église estiment que si cela doit bouger, ce sera dans 300 ans, pas avant. Pour l’Église, il est beaucoup trop tôt pour cela. Ce qui est très intéressant aussi, c’est la manière dont il voit l’avenir et l’organisation de l’Église. Là, il revient un peu aux fondamentaux du Concile avec cette idée de collégialité qui est très importante à ses yeux et qu’il applique à lui-même puisque depuis le début, il se considère davantage comme l’évêque de Rome que comme le souverain pontife, grand patron de tous les autres. On peut donc s’attendre à des progrès et à ce que le pape fasse avancer ce qui était quand même en panne depuis pas mal d’années à la suite de Vatican II. Toutefois, je ne pense pas qu’il va organiser un Concile Vatican III. Par contre, j’ai l’impression qu’il va tout mettre en œuvre pour changer un certain nombre de choses. Pour preuve, il a posé un geste fort pour réformer la Curie et son opacité en créant une commission composée de huit cardinaux et d’un archevêque, représentatifs de tous les continents. Donc, il y a là une ouverture non négligeable. Et il faut signaler, petit cocorico, que c’est une idée du cardinal Danneels depuis de nombreuses années que de réunir de temps en temps des évêques et des cardinaux de différents continents pour venir conseiller et donner leur avis au pape sur une série de questions. Ici, cela se fait dans l’optique de changer la Curie, mais il est certain que ce geste ne lui a pas fait que des amis à Rome où un certain nombre de cardinaux qui croyaient pouvoir bénéficier de privilèges pour l’éternité vont devoir rendre des comptes. Ce genre de mesures est porteur d’espoir pour voir bouger une institution très immobile.
Est-ce que du point de vue doctrinal, on ne peut pas s’attendre quand même à quelqu’un de plus libéral ?
Je pense qu’il est effectivement plus ouvert que ses prédécesseurs au dialogue et à la discussion. On dit par exemple qu’il pourrait faire un geste vers les divorcés remariés parce que là, c’est un point qui n’est pas directement de la doctrine, mais que l’on intègre comme tel. Ce n’est pas parce qu’on a raté son mariage que l’on doit être définitivement « condamné ». Il fait partie de ceux qui estiment qu’il faut de la compréhension et de l’ouverture d’esprit sur ces sujets-là.
Au-delà d’attitudes dans le discours et la réforme de la Curie, quels sont les projets de son pontificat ?
Tout cela est très progressif. Il est là depuis moins de quatre mois. Il ne va certainement pas annoncer de grandes révolutions. On le compare souvent à Jean XXIII parce qu’après quelques mois après son élection, il avait annoncé la tenue du Concile Vatican II, mais la rupture était alors beaucoup plus forte parce qu’on sortait de Pie XII et de décennies de lourdeur de l’Église. Jean XXIII, c’était l’espoir de l’ouverture, comme Kennedy a été l’espoir d’ouverture politique aux États-Unis. Le pape François vient de la vraie vie et c’est sa force. C’est quelqu’un qui suscite une certaine sympathie. À ce propos, la proximité qui semble exister entre le cardinal Danneels et lui laisse à penser qu’il va tout mettre en œuvre pour que l’Église s’ouvre. Tous les catholiques attendent beaucoup de ce pape. Leurs espoirs ne devraient pas être déçus, mais il faut se méfier des forces d’inertie qui sont bien présentes chez les gens qui l’entourent. Cela dit, je suis certain que l’on peut s’attendre à de belles choses parce que le pape perçoit très bien l’évolution de la société et son état. Toutefois, il y aura aussi des déceptions parce qu’on ne change pas aussi facilement une institution vieille de 2000 ans.
Qu’attendre du pape au point de vue du dialogue interreligieux ?
Une chose est certaine: Benoît XVI a été assez maladroit dans ce dialogue. Le nouveau pape va certainement tirer la leçon de ces erreurs du passé et probablement se montrer très ouvert, dans la filiation de Saint François d’Assise. Il y a une nécessité de faire une alliance entre les religions. Mais pour y parvenir, il faudra mettre un peu d’eau dans son vin.