Ren GeorgesAlors que, depuis des mois, les contrôles à l’encontre des chômeurs se renforcent, l’équipe de Démocratie a souhaité prendre le pouls des artistes. Vu la spécificité de leur statut et de leurs contrats, comment s’en sortent-ils ? Voici le témoignage de l’un  d’entre eux, celui de René Georges, « artiste entrepreneur, créateur d’emplois et occasionnellement chômeur ».

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Le secteur de la presse vit actuellement une période de transition : les effets conjugués des nouvelles technologies numériques et de la crise de son modèle économique rendent cette industrie de plus en plus fragile. Alors que les médias d’information se cherchent, le « slow journalisme » a fait son apparition et, petit à petit, creuse son nid. Mais ce journalisme qui enquête et prend le temps dispose de peu d’espace dans la presse belge. Pourtant, de nombreux acteurs vantent déjà les vertus de cette nouvelle approche du métier. Serait-ce la panacée ? Décryptage.

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Les centres culturels s’apprêtent à connaître un bouleversement assez considérable avec l’apparition d’un nouveau décret. Cette nécessaire réforme devrait notamment leur permettre de se focaliser davantage sur la qualité et la pertinence de leurs projets culturels plutôt que de mener une course effrénée aux subventions. Mais ces évolutions ne sont pas sans dommages pour le secteur de l’éducation permanente qui pourrait en payer les pots cassés. Retour sur les enjeux de ce nouveau décret.

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Il y a près de 90 ans étaient enregistrés, aux États-Unis, les tout premiers disques de jazz. Cette nouvelle musique, que découvre alors la société occidentale américaine et européenne, tire ses lointaines origines des chants d'esclaves noirs « importés » dans les champs de coton et de cannes à sucre du Sud des USA. De la rencontre entre ces worksongs, dérivés de la musique africaine, l'influence de la société américaine et la musique européenne naîtra peu à peu un nouveau genre musical qui exprime le plus souvent, pour les Noirs, la souffrance, la solitude, la révolte mais dont la société américaine percevra assez rapidement le profit commercial qu'elle peut en tirer (*).

 

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Première ligne de clivage entre les amis : que faire de l’héritage ? Grosso modo, deux thèses s’affrontent. Celle dont Hugues Dayez s’est fait le plus éloquent porte-parole (1) versus celle des propriétaires actuels des droits, la veuve d’Hergé et son mari, Fanny et Nick Rodwell (2).

 

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"La culture est un lien social fondamental qui doit être accessible à tous. Le nier c’est parachever au bulldozer les fossés d’exclusion déjà existants. L’art, tout comme l’engagement social, n’est pas une chose innocente. C’est pourquoi il faut que les artistes et les travailleurs sociaux s’unissent et mettent tout en œuvre pour faciliter aux plus démunis l’accès à la culture, sous toutes ses formes. Pour que les lieux de spectacle ne deviennent pas – comme c’est souvent le cas – des boutiques de luxe réservées aux seuls nantis. Pour que la culture ne devienne pas – comme la médecine ou la justice – de classe. Pour que les exclus reviennent parmi les autres. En espérant que bientôt on puisse voir ou imaginer – et cela sans la moindre démangeaison démagogique – bourgeois et plus démunis assis côte à côte dans des fauteuils de théâtre, de cinéma, d’opéra… avec, ensemble, le même plaisir ou la même exigence artistique." Roland Mahauden, Président de l’asbl Article 27.

 

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Doit-on (encore) aider la presse écrite en Communauté française ? À quel titre, pourquoi et comment ? Ces questions reviendront au devant de l'actualité politique de chez nous dans les prochains mois. Plutôt que d'adapter les systèmes d'aide actuels en reventilant les acquis historiques entre les éditeurs de presse, il est en effet souhaitable que le pouvoir politique redéfinisse son rôle dans un paysage médiatique considérablement bouleversé. C'est dans ce contexte que la spécificité de la presse écrite doit être envisagée avec les justifications éventuelles que celle-ci fournirait à un soutien public. Cette interrogation radicale s'impose d'autant plus que l'on doit conclure à la relative inefficacité des différents systèmes d'aide mis en place par le passé, avant même d'examiner la question de l'équité de la répartition des moyens distribués.

 

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Curieuse destinée que celle d’Edgar Pierre Jacobs. Il ne vient à la bande dessinée que par obligation mais n’en signe pas moins l’une des œuvres les plus importantes du genre. Aux côtés de Hergé, de Jacques Martin et de Bob de Moor, il fait partie de ce que l’on appelle communément l’école de Bruxelles.

 

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Si le palmarès de Cannes 99 représente une victoire incontestable pour le cinéma belge, en couronnant “Rosetta” et “L’Humanité”, le jury cannois a aussi consacré le triomphe du film humaniste et social, un cinéma à la marge mais dont le succès va s’amplifiant. Témoin des tressauts de notre société contemporaine, le cinéma social n’est pourtant pas issu des années 90 mais remonte jusqu'à l’invention du cinématographe. Petite histoire d’un cinéma dérangeant, provocant et qui aime mettre le “poing” sur les “i”.


Le cinéma a-t-il vocation à témoigner de la réalité sociale d’un pays? Posée en ces termes, la question ne manquera pas de susciter, chez nombre de “professionnels de la profession”, soit une certaine perplexité, soit une franche hilarité. Non que la profession cinématographique dans son ensemble exclue cette hypothèse: certains la revendiquent même assez volontiers. Mais il reste que le cinéma est avant tout une industrie de divertissement, sa vocation demeure aujourd’hui plus que jamais, de divertir pour gagner de l’argent. L’art et la responsabilité sociale suivent parfois, mais “par ailleurs”, pour reprendre une formule célèbre.
À cet égard, il y a belle lurette que sociologues et humoristes ont remarqué que si l’on devait observer notre univers quotidien par le seul biais de la production cinématographique, on en arriverait à la conclusion que nos sociétés sont composées majoritairement de policiers (ripoux ou non), de voyous (vrais ou faux) et de dames à la cuisse légère (dotées ou non d’un grand coeur). Ce qui, convenons-en, n’est pas tout à fait exact.
Il reste que dans les fluctuations de l’histoire du cinéma (ou peut-être dans celle du marché cinématographique), il y a des périodes durant lesquelles la réalité sociale semble revendiquer sa place avec plus de force: c’est le cas du cinéma français du Front populaire, d’un certain cinéma américain né du New Deal et de la guerre, du cinéma néoréaliste italien de l’immédiat après-guerre, ou celui des nouveaux cinémas apparus un peu partout dans le monde, durant les années 60.
Peu de temps s’est écoulé entre la création du cinéma et les premières apparitions du monde ouvrier à l’écran. Si le brevet du cinématographe est déposé en 1895 par les frères Lumière, leur premier essai, daté lui de 1894, est La sortie des usines Lumière à Lyon. S’agit-il pour autant du premier film social? En enregistrant la sortie des ouvriers au terme d’une journée de travail, les auteurs n’expriment aucune opinion sur la condition des travailleurs. Or, le cinéma social semble par essence un art d’opinion, défini par son contenu et non par le style ou par des codes précis comme le western ou le fantastique. Bien des films sociaux relèvent d’ailleurs d’autres genres (comédies, mélodrames, thriller, documentaires…). Exprimer une opinion dans un film présente le risque de s’aliéner le public qui ne la partage pas. Dans ce contexte, le cinéma social est resté circonscrit dans des périodes clés ou des modèles de production indépendants du système dominant.

L’expressionnisme allemand

 

Le cinéma né à la fin du siècle dernier, est très tôt sensible aux réalités sociales et recueille les témoignages des misères de la nouvelle société industrielle. Mais il les présente de façon conservatrice et bien-pensante, en accord avec les idées morales dominantes de la grande presse capitaliste. Il faut attendre la fin de la première guerre mondiale pour voir à l’écran les premiers exemples réalistes de tensions sociales et de luttes de classes. C’est, d’une part, la fin d’une époque qui croyait naïvement en la machine et en la bonté naturelle de l’homme, et d’autre part, l’époque où la révolution bolchevique triomphe en Russie, tandis que l’Allemagne, rongée par l’inflation, présente de tels bouleversements que beaucoup croient en la possibilité d’une grande révolution socialiste.
Ce qui explique que ce soit dans ces deux pays qu’à l’époque du muet, on trouve les exemples les plus explicites et les plus combatifs du cinéma politique et social. Il faut citer l’œuvre du social-démocrate allemand G. W. Pabst qui réalise, en 1925, La rue sans joie, témoignage impressionnant des drames de l’inflation qui se jouent à Vienne avec dans un des rôles principaux Geta Garbo. Toute cette période du cinéma allemand, le cinéma “expressionniste” et le “Kammerspiel”, témoigne de cette réalité sociale et forme un constat impitoyable de la mort d’une société bourgeoise et corrompue, de la fin de certaines valeurs dites “morales”. Un film comme L’ange bleu de Joseph vont Sternberg (1930) qui révéla Marlène Dietrich fait preuve lui aussi d’une vision sociale, d’une étude approfondie d’une société et d’une civilisation en proie à de profonds bouleversements.
Considérable par ses apports dramatiques et thématiques, le cinéma social revêt également une importance esthétique. Tantôt pour des raisons économiques, tantôt pour des questions de sens, la plupart des mouvements de cinéma social se sont en effet affirmés à contre-courant du style dominant, proposant de nouvelles façons de raconter, dont l’influence aura marqué le septième art dans son ensemble.
Ce constat est particulièrement vrai pour le cinéma soviétique.En exigeant de son cinéma nationalisé qu’il relaye la pensée officielle du régime, l’Union soviétique a engendré un cinéma social dont Sergueï Eisenstein a donné les exemples les plus célèbres avec La Grève (histoire de la répression d’un mouvement social spontané), Octobre (sur les événements de 1917), Le cuirassé Potemkine, etc. Indépendamment du sens de l’image forte et du montage qui s’y expriment et qui continuent à faire école, ces films privilégient le plan collectif, les personnages étant souvent des symboles représentatifs des enjeux sociaux (patrons, ouvriers, victimes, syndicalistes…). Autre représentant du cinéma russe social: Dziga Vertov, ancien opérateur d’actualités. Inventeur de la théorie du ciné-oeil (kino-glaz), il rejetait les artifices et refusait la “composition du réel devant la caméra”. Cette école se proposait de saisir la réalité sur le vif, le réalisateur s’effaçant complètement derrière l’objectivité absolue. Il nous a laissé entre autres chefs d’œuvre L’homme à la caméra.

Histoires américaines

 

De 1947 à 1955, le cinéma américain est lui aussi sous influence politique. Considérant, en plein guerre froide, Hollywood comme un repaire communiste et un foyer de corruption des valeurs conservatrices, le sénateur Mc Carthy incite à “la chasse aux sorcières” menée contre les gauchistes (ou supposés tels) de la profession.
En 1952, dans cette saine ambiance, Herbert Biberman tourne Le sel de la terre. Basé sur des faits réels, il décrit la lutte des mineurs pour l’obtention de conditions de travail acceptables et la violente répression de leur mouvement. Le film subit des pressions de toutes parts: acteurs harcelés par le département d’Émigration, refus d’autorisation de tourner, figurants (dont certains anciens grévistes) agressés par des extrémistes… L’industrie du cinéma prendra même position en ordonnant aux laboratoires de refuser de développer les négatifs. Le département d’État chercha à entraver l’exportation de ce film fort et émouvant, finalement projeté en Europe grâce au festival de Cannes…1
Autre victime du maccarthysme: Charlie Chaplin quitta le territoire américain, las de ses démêlés avec la Commission des activités anti-américaines.
L’œuvre de l’acteur-réalisateur repose toute entière sur une conscience sociale aiguë. Le Kid, La ruée vers l’or, Les lumières de la Ville… montrent un revers du rêve américain peuplé de laissés pour comptes. Emblème de la comédie sociale, Les temps modernes met en pièce (si l’on ose dire) la mécanisation et ses conséquences sur le monde ouvrier (licenciements, cadences inhumaines, répression des individus qui empêchent littéralement la machine de tourner en rond…). Le cas de Chaplin démontre que l’idéologie sociale ne s’exprime pas seulement dans les productions comme Le sel de la terre, réfractaires au système des studios. Au fil des époques bien d’autres exemples le confirment: John Ford (Les raisins de la colère), Elia Kazan (Sur les quais), Martin Ritt (Norman Rae)…
Les années 80 ont vu l’émergence, toujours au sein des “majors”, d’une vague de cinéastes noirs qui dénoncent la façon dont le racisme, la drogue, la violence, un enseignement négligé… gangrènent leur propre culture. En tête, Spike Lee avec Do the right thing, Jungle fever… et dans son sillage John Singleton (Boyz’n the hood), Mario Van Peebles (New Jack City), etc.
Il nous faut aussi mentionner le documentaire, moins soumis aux considérations commerciales et donc terrain privilégié d’un cinéma militant. Témoins de cette activité importante: Roger and me, féroce reportage de Michael Moore sur la fermeture arbitraire d’une usine pourtant rentable de la General Motors ou encore Harlan County USA de Barbara Kopple sur la répression d’une grève de mineurs.

Le réalisme poétique français

 

Petit retour en arrière après cette parenthèse américaine avec le réalisme poétique, situé par convention entre 1936 et 1946. Comme d’autres Français –Duvivier (La belle équipe), Renoir (La bête humaine) –, le tandem Carné (réalisateur)/Prévert (scénariste dialoguiste) démontra, avec Le jour se lève, Hôtel du Nord et autres, que l’on pouvait toucher le public en parlant de gens ordinaires dans un environnement quotidien. Le commun des mortels y prend le visage des Gabin, Arletty, Signoret, Michel Simon… et sous les lumières de Curt Courant, la musique de Kosma, les décors de Trauner, le sordide devient photogénique… On disait alors qu’un pavé chez Carné n’était pas un cube de pierre mais un bloc d’ouate aux formes molles gorgées d’huile 2. Dans ce mouvement, le social n’est d’ailleurs plus une fin scénaristique, mais un contexte qui détermine les destins individuels.

Le néoréalisme italien

 

En 1946, les Italiens négocient le grand virage du cinéma social. Marquée par la guerre et le fascisme, la Botte se cherche une nouvelle identité culturelle légitime. Le contexte économique rend les spectacles coûteux (péplums, films d’aventures) impossibles. Les réalisateurs se tournent alors vers les réalités populaires italiennes, occultées durant la période fasciste. Exit les stars pour incarner l’homme de la rue ou des bas-fonds. Le spectateur doit pouvoir s’y reconnaître. Et, si héroïsme il y a, c’est l’héroïsme anonyme du quotidien. Le traitement scénaristique peut confiner au conte de fées (Miracle à Milan), au film de guerre (Paysa), au drame psychologique (Europe 51). Mais tous procèdent des mêmes choix formels: tournage en décors naturels avec des moyens légers, acteurs professionnels et amateurs au générique, sujets puisés dans la vie de l’Italie profonde…
L’influence du néoréalisme ne s’est jamais démentie. La nouvelle vague française, le Free cinema anglais, le cinéma tchèque des années soixante, la comédie à l’Italienne lui doivent quelque chose… Les cinémas du tiers-monde et en particulier le cinéma novo au Brésil et la récente vague iranienne ont trouvé dans l’exemple des Italiens de l’après-guerre un modèle de production peu coûteux adapté à leur conjoncture et à leur propos. Dans tous les cas, les décors sont naturels, les équipes légères, les sujets sont ancrés dans le réel, mais ne relèvent pas systématiquement de considérations sociales.
Dans les années 60 et 70, la comédie italienne s’est démarquée du néoréalisme en cherchant plus systématiquement la caricature, y compris sur les sujets les plus risqués (la misère des bidonvilles dans Affreux, sales et méchants…). "La réussite populaire internationale des Scola (Nous nous sommes tant aimés), Monicelli (Les camarades), Brusati (Pain et Chocolat), Comencini (Délit d’amour) tient sans doute à leur sens du trait juste, mais aussi à leur regard féroce quoique exempt de cynisme, de complaisance et d’ambiguïté morale"3.

Le “social britannique”

 

Depuis quelques lustres, le cinéma britannique s'est acquis la réputation, au moins pour une bonne part de la critique, d'aborder de front des sujets et des personnages marginaux, notamment dans le domaine social. Il est vrai que des cinéastes comme Stephen Frears, Ken Loach ou Mike Leigh ont signé des films tels que My beautiful laundrette, Raining stones, ou Naked, qui sont restés dans les mémoires. Evoquant le film Riff Raff (de Ken Loach) dans les colonnes du Monde, Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit, écrivait par exemple: "(…) Pourquoi l'Angleterre d'après-Tatcher donne-t-elle l'impression que les individus ont encore une histoire?… Pourquoi montre-t-elle mieux que la France que la question sociale n'a pas disparu subitement? Cette comparaison éclaire une faiblesse française: à ne voir dans l'exclusion qu'une affaire d'individus, on oublie que l'exclusion a une signification sociale et politique (…)4"
Paradoxe: grand consommateur de cinéma américain, le public anglais n'accorde le plus souvent qu'un intérêt distrait à ses cinéastes, surtout lorsqu'ils abordent le domaine social ou politique et l'œuvre d'un Ken Loach trouve un écho plus large en Europe qu'en son propre pays. Faut-il en conclure qu'un certain exotisme rend supportable la présentation d'une crise qu'on n'accepte mal - ou qu'on refuse de voir - chez soi?
Quant au renouveau du cinéma britannique, il est apparu il y a plus de trente ans! Pour le grand public britannique des années 60, c'est probablement à la télévision qu'a lieu l'événement le plus important. Le 16 novembre 1966, soirée choc sur BBC/TV: le public anglais découvre, avec Cathy come home, l'histoire de Cathy et de son mari qui, à la suite d'un accident, perdent leurs ressources, leur logement, et finalement leurs enfants que leur retirent, en toute bonne conscience, les services sociaux. La réalisation est signée Kenneth Loach. Trente ans avant Ladybird Ladybird mêlant séquences de fiction et séquences documentaires, Cathy come home raconte comment on peut devenir un marginal, un laissé-pour-compte de la société. Ce film bouleverse en un soir la bonne conscience britannique: campagne de presse, débats, interpellations au Parlement. On créa une association pour aider les sans-abri, "Shelter". Dès lors, tant à la télévision qu'au cinéma; Ken Loach va poursuivre, non sans difficultés, une carrière d'"assistant social du cinéma" comme il le dit lui-même avec humour. À l'occasion, il empruntera la voie du documentaire: par exemple avec Wich side are you on?, film tourné en 1984, lors de la tragique grève des mineurs du charbon, et plus récemment, avec The Flickering flame (1996), consacré au combat d'un groupe de dockers de Liverpool.
Au milieu des années 80, en pleine euphorie tatchérienne, le succès inattendu de My beautiful laundrette (histoire d'un homosexuel pakistanais propriétaire d'une wasserette) marquera également un tournant dans le film social britannique. Mais ce qui va distinguer de leurs confrères, la moisson de films plus récents venus d'Outre-Manche et symbolisée par Beautiful thing, Secrets and lies et Brassed off, c'est un certain sens de l'espoir, une approche affectueuse et même joyeuse de la classe ouvrière, par opposition aux classiques discours sur les problèmes sociaux de la société britannique. En ce sens, on est loin du travail d'un Ken Loach ou de ces films consacrés à la misère des premières années Tatcher, comme Bloody kids de Stephen Frears (1979). Autre nouveauté: longtemps circonscrit géographiquement à Londres et à sa région, le cinéma britannique se déplace soudain dans les autres parties du Royaume-Uni pour mettre en scène des mineurs du Yorkshire (Brassed Off), des travailleurs de Glasgow (Small faces) ou des jeunes paumés d'Edimbourg (Trainspotting).
Cette émergence de la classe ouvrière tient moins à des changement politiques qu'à une évolution de la société elle-même, marquée par une prise de conscience de la légitimité culturelle des travailleurs, à laquelle la télévision a apporté une contribution décisive. Le petit écran a joué un rôle-clé dans le financement de la production cinématographique récente, presque chaque film ayant bénéficié d'un investissement significatif, soit de Channel 4, soit de la BBC. La télévision britannique, contrairement au cinéma, n'a jamais marginalisé ni la classe ouvrière ni les régions. Au contraire, ses grands soap operas ont pour cadre des quartiers populaires.
Mais si nombre de réalisateurs puisent leur inspiration dans la réalité sociale du pays, peu d'entre eux s'engagent ouvertement: après le désespoir de l'ère tatchérienne, on observe comme un profond vide politique - seul Brassed off prend explicitement position contre les conservateurs (sur fond de fermeture de mine au début des années 90, le film raconte l'histoire d'une fanfare houillère confrontée au chômage de masse) . Si chacun s'accorde tacitement à considérer les années Tatcher comme une période tragique pour la classe ouvrière traditionnelle, rares sont cependant ceux qui s'identifient au Parti travailliste, défenseur supposé des intérêts ouvriers.

 

Un cinéma salutaire

 

Les nuits fauves, En avoir ou pas, La vie rêvée des anges, La vie de Jésus, Jeanne et le garçon formidable, L 627, Cela commence aujourd’hui, Karnaval, La haine, Y aura-t-il de la neige à Noël?, Marius et Jeannette, My name is Joe, La promesse, Brassed Off, Raining stones, Naked, Vivre au paradis, Secrets and lies, Full monty quelques exemples récents, en vrac, parmi des centaines, de films français, belges et britanniques à petit budget, de réalisateurs connus ou pas, qui sans battre des records, connaissent un certain succès lors de leur sortie en salle. Une production pléthorique qui témoigne à suffisance d'une inspiration qui puise la fertilité de son terreau dans les réalités sociales de notre époque: chômage, drogue, sida, exclusion sociale, culturelle, sexuelle,… Ce n'est pas un hasard si apparaissent aujourd'hui dans les génériques des noms à consonance étrangère ou maghrébine, ce n'est pas non plus un hasard si ces immigrés osent plus que les autres dénoncer les conditions de vie acculturées et sans perspectives. Ce n'est pas non plus un hasard si aujourd'hui l'homosexualité est présente au cinéma. La communauté gay, parce qu'elle n'est pas tout à fait immigrée, a eu plus tôt le courage de sortir des toilettes et de s'affirmer avec des possibilités d'être heureux. Ce n'est pas non plus un hasard si le chômage, qu'il soit traité sur le mode comique comme dans Raining stones de Ken Loach ou cynique comme dans Naked de Mike Leigh constitue la clé de voûte de nombreux scénarios.
Qu'ils soient issus de la banlieue londonienne, marseillaise, ou liégeoise, les héros de ces films sont profondément humains, ils nous parlent du monde tel qu’il est et nous donnent envie de le secouer. C’est peut-être cela aujourd’hui qui manque le plus aux grandes machines qui camouflent à coups de dollars ou d’euros, un vide abyssal dans lequel, le public, loin d’être aussi “mouton” qu’on le dit, n’a pas nécessairement envie d’aller se jeter, du moins on l'espère…

Catherine Morenville

1. Dictionnaire Larousse du Cinéma, 1986, p. 658.
2. D’après Edgar Fary, “Le cinéma américain militant”, in Positif, octobre 1954.
3. “Un cinéma en mouvements, thèmes et esthétiques du cinéma social”, André Joassin, in La Revue générale, octobre 1998, p. 35.
4. In Le Monde du 24/01/92.

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