« Pour dépasser le capitalisme, il faut se demander comment se construire un avenir désirable. Il faut réanimer le désir », a suggéré le sociologue français Christian Laval, spécialiste des
« communs », de passage à Bruxelles. Intéressante invitation, qui laisse aussi perplexe car… Comment jouir dans un monde injuste ? Une piste de réponse se trouve peut-être dans Le Balai Libéré, documentaire de Coline Grando qui revient sur une lutte menée dans les années 1970 par les femmes de ménage de l’Université Catholique de Louvain. Elles ont mis leur patron à la porte pour créer leur coopérative de nettoyage. Dans ce film, les souvenirs de la lutte victorieuse d’hier se heurtent à la dure réalité du système de sous-traitance à des entreprises adopté par l’UCL depuis trente ans. Et de ce dialogue surgissent chez les travailleur·ses des envies de se rassembler, recréer de la solidarité ; jaillit – au-delà des peurs – une aspiration collective à « faire autrement ». Le 22 mai, des milliers de personnes défilaient dans les rues de Bruxelles en front commun pour soutenir les travailleur·ses de Delhaize et dénoncer les attaques portées au droit de grève. Les regards se sont soudain tous tournés vers une immense bannière déployée du fronton du Palais de justice par des grimpeur·ses militant·es affichant « Profits partout, justice nulle part ». Au-delà de la prouesse, du risque, du message, leur geste n’est-il pas aussi puissant parce qu’il nous a donnés, l’espace de quelques minutes, la possibilité de relever la tête et même l’espoir qu’un jour désirable était en train de se lever ?