Ah, les vacances... Avoir le temps de souffler un peu et se reposer. La quasi-amnésie totale et la léthargie que ces moments de délassement entraînent ont quand même du bon. Mais pour atteindre ce nirvana, cet été, il valait mieux partir loin. Loin du florilège de bêtises auquel ont eu droit les malheureux restés au pays. Entre une opération de communication et de marketing aux relents nauséabonds et des huiles socialistes qui ne veulent pas de migrants dans leur commune, le choix est cornélien. Sirop de Liège halal ou ville de Tournai ? Je vous laisse décerner votre palme. Et on peut malheureusement craindre qu’il y en ait beaucoup d’autres à distribuer dans les prochains mois. Car la tendance est lourde : les médias et/ou les politiques allument la mèche et le racisme latent s’enflamme. Sur les forums de presse, au café du commerce et dans les salons de thé. C’est si facile de « taper » sur le migrant. Et tellement tendance. Une brillante manière de ne pas trouver de solution aux (autres) sujets qui fâchent : énièmes diminutions du pouvoir d’achat des travailleurs, tax shift qui conforte les richesses de ceux qui les possèdent déjà, asphyxie du peuple grec, etc. La liste n’en finit plus. Vivement l’hiver. On verra alors tout ce beau monde s’indigner pour de « bonnes raisons ». Et courir participer à une opération de distribution de soupe pour les sans-abris... du coin. Histoire d’avoir bonne conscience pour Noël. Au fait, chérie, la dinde, elle est halal ?
Le refrain est connu : en Belgique, tout va pour le mieux. Socialement, économiquement, écologiquement. Budgétairement, c’est aussi le nirvana : d’après le gouvernement fédéral, il n’y a que 12 petits milliards d’économies à réaliser d’ici à 2018. Dans notre petit îlot de paix et de tranquillité, tout est tellement rose que le gouvernement fédéral a même décidé de remplacer ses vieux avions de combat F16 par de flambants neufs F35. Coût estimé de l’opération : 6 milliards d’euros. Heureux hasard, 6 milliards, c’est aussi, à quelques euros près, la somme qui a échappé au contrôle de l’État belge dans le cadre du « Swissleaks », une fraude fiscale à grande échelle connue de longue date par les autorités.
Pris par une subite envie de simplisme, nous serions tentés de régler rapidement les problèmes budgétaires en se rappelant que 6+6 font 12. Mais non. D’ailleurs, pourquoi s’échiner à traquer les milliards de la fraude fiscale quand on peut trouver quelques malheureux millions en stigmatisant le chômeur. Une question de choix, assurément. Mais des choix qui en disent long. Ainsi, au nom d’une illusoire sécurité, il est bien plus facile d’assumer la présence de 300 soldats dans la rue. Le tout pour la modique somme de 1,8 million d’euros pour un mois. Or l’armée devrait rester au total un minimum de sept semaines. Faites le calcul... Tiens, au fait, combien ça coûterait de mettre plus de travailleurs sociaux dans ces rues ?

D’où ils sont, ils doivent bien se marrer Cabu, Charb, Wolinski et Tignous. Dire qu’il y a quelques semaines encore, ils multipliaient les appels aux dons pour sauver leur « canard ». Aujourd’hui, l’avenir est assuré haut la main grâce à des millions de numéros vendus. Et à autant de lecteurs qui n’avaient jamais eu (ou voulu avoir) ce journal entre leurs mains. Voilà Charlie en tête de gondole. Beau pied de nez que leur offre le système consumériste, vous ne trouvez pas ? Et puis, on pourra dire ce qu’on veut de François Hollande, mais organiser une manifestation aussi cynique d’une telle ampleur pour un journal satirique, c’est une prouesse que peu auraient pu accomplir avec autant de panache. On en serait presque venu à croire que les personnalités politiques invitées au premier rang ont dû lui montrer « patte noire ». Il se murmure même que la lutte a été féroce entre Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, et l’ambassadeur d’Arabie saoudite pour figurer à ses côtés. Le CV du premier n’est plus à étayer. Mais rappelons que le pays du second vient notamment de condamner un homme, Raif Badawi, pour avoir créé un forum sur internet dans lequel il dénonçait notamment les emprisonnements pour motifs politiques à une peine de 10 ans de prison, 230.000 euros et 1.000 coups de fouet. Rien que ça... Si la France n’a plus rien de « normal » depuis quelques semaines, François Hollande reste imperturbablement fidèle à lui-même. Mais au fond, n’est-ce pas le plus bel hommage qu’il pouvait rendre à Charlie ?

Cette année 2015 se termine donc en beauté. Que de chemin parcouru au cours des derniers mois. Qui l’eut crû ? Sous la pression des syndicats et de divers mouvements de la société civile, le gouvernement de Charles Michel a donc rendu les armes. Il faut se rappeler que, dès le départ, cet attelage politique inédit était mal parti avec la présence en son sein de ministres N-VA dont les accointances avec l’extrême droite flamande ont été largement démontrées. Et, alors que de nombreux dirigeants de pays européens affirmaient en choeur que l’austérité ne fonctionnait pas, la Belgique décidait, elle, de se lancer aveuglément dans cette voie. Avec des solutions qui ressemblaient à des emplâtres sur une jambe de bois : saut d’index, pension à 67 ans, etc. Dans ce contexte, les actions syndicales ont pris une ampleur historique, tout comme le mouvement « Tout autre chose » qui est parvenu à rencontrer un vrai succès de foule en fédérant l’ensemble des forces progressistes de notre pays et en proposant un vrai projet de société alternatif. Au Proche- Orient, les négociations entre la Palestine et Israël semblent enfin sortir de l’ornière. Devant la politique volontariste menée (enfin) par l’Union européenne, la pression s’est considérablement accentuée sur Israël, qui, pour la première fois depuis longtemps, commence à faire des concessions... Là-bas comme ici, la partie était loin d’être gagnée. Mais les mobilisations citoyennes nous laissent entrevoir de meilleurs lendemains. Enfin ! En espérant que cette nouvelle année soit annonciatrice de prouesses tout aussi inattendues...

 Franchement, on y a tous cru. Par optimisme ou naïveté, c’est selon. Mais ce « Yes, we can » incarnait tant d’espoirs et de meilleurs lendemains. Six ans plus tard, Barack Obama s’est, à peu de choses près, fondu dans le moule de ses prédécesseurs. Et les manifestations dans la ville de Ferguson nous rappellent, si besoin en est, que la ségrégation raciale est toujours bien présente au pays de l’Oncle Sam. Ça fait quand même tache pour un pays qui se dit être la première puissance du monde. Heureusement, l’Europe et notre plat pays ne souffrent pas des mêmes maux. Il suffit de voir l’accueil très enthousiaste réservé par les parlementaires européens au discours du pape François dans leur enceinte lorsqu’il dit que l’Europe doit être plus humaine, notamment dans sa politique migratoire. Selon le Saint-Père, « on ne peut tolérer que la mer Méditerranée ne devienne un grand cimetière ». Gageons qu’au vu de leur ovation nourrie, les parlementaires vont tout faire pour rectifier la politique (anti-)migratoire menée par leur Union depuis des années... Ou pas ! En Belgique, malgré la crise, l’ « étranger » n’est pas devenu le bouc émissaire idéal. Jour après jour, les discours en faveur de plus d’égalité gagnent du terrain. C’en est fini du temps où il suffisait d’être « basané » et de se déplacer avec une crosse de cricket pour susciter une hystérie collective et être taxé de « terroriste ». Non, aujourd’hui, en Europe et en Belgique, ces combats sont d’un autre temps. Chez nous, c’est bien connu, tout va très bien, Madame la Marquise.

Je dois vous faire une confidence : l’écriture d’un « Gavroche » n’est pas toujours un exercice facile. Il faut trouver l’info qu’on va pouvoir décortiquer pour en débattre. Mais ces dernières semaines, je suis gâté :  formation du gouvernement Michel, liens douteux de Théo Francken avec l’extrême droite et dérapages verbaux, manifestations à répétition de la police (si, si). Et j’en passe. C’est toutefois une information différente qui a retenu toute mon attention. En effet, début octobre, 200 employés de la Banque mondiale ont manifesté pour dénoncer un plan d’économie interne qui pourrait entraîner la suppression de nombreux emplois. Le tout dans un contexte où le directeur financier de l’institution s’est vu accorder un bonus financier de 94.000 dollars pour l’année 2014. Avouez qu’il y a de quoi l’avoir mauvaise. Mais, en l’espèce, c’est un peu « l’hôpital qui se fout de la charité », comme on dit. Pendant des années, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont contraint de nombreux pays du Sud à adopter des plans d’ajustement structurel. Ceux-ci ont dû privatiser leur économie à outrance. Et, ce faisant, de nombreux travailleurs se sont retrouvés sur le carreau. Ironie de l’histoire : ceux- là même qui défendaient cette idéologie en sont aujourd’hui victimes. Peut- être se rendent- ils enfin compte combien la chute est douloureuse. Et, qui sait, peut-être seront- ils, dans les semaines qui viennent, à nos côtés pour montrer au gouvernement « suédois » tout le non-sens de ces politiques d’austérité. On peut toujours rêver, non ?
Vous l’avez peut-être entraperçu sur les réseaux sociaux : le hashtag #notinmyname. Cela ne vous dit rien ? Il s’agit d’une « campagne » lancée par une ONG britannique ; le but étant que des musulmans se désolidarisent publiquement des actes barbares commis par l’État islamique en Irak. Le sous-entendu est consternant et potentiellement explosif : démontrez-nous que vous n’êtes pas tous des islamistes convaincus. Et tant pis pour ceux qui ne participeront pas à la campagne... Cette action médiatique était probablement affublée des meilleures intentions. Son résultat, par contre, risque d’être dramatique. Tout comme celui de l’intervention militaire en Irak. Certes, la barbarie de l’État islamique est sans nom. Mais que proposent les chefs d’État occidentaux ? Une bonne vieille intervention militaire avec ses missiles, ses destructions, ses civils tués et ses millions d’euros dépensés. Tout cela pour quoi ? La question (pourtant de première importance) ne reçoit jamais de réponse.Car aucune stratégie politique à long terme pour éviter la résurgence de l’islamisme n’est mise sur pied. Comme si les représentants politiques rechignaient constamment à tirer les leçons du passé. Absence totale de projet politique à moyen terme ; amnésie par rapport à l’histoire récente : bienvenue dans le règne de l’immédiateté et de l’entêtement stérile ! Pour le meilleur. Et surtout pour le pire.
Les jeux sont presque faits. La coalition « suédoise » devrait voir le jour très prochainement. Evidemment, la gauche et les mouvements sociaux s’attendent à des lendemains qui déchantent. Il y aura assurément de nombreuses occasions de battre le pavé. Mais on ne pourra pas reprocher à notre probable futur gouvernement de ne pas assurer l’avenir de l’approvisionnement énergétique de notre plat pays. Quoi !? Comment !? Vous n’avez pas entendu ? Pour la future coalition fédérale, la solution est toute trouvée et réside dans le...nucléaire. Pour celles et ceux d’entre vous qui, depuis 2003, attendaient avec impatience la fermeture de certains réacteurs, il faudra retourner à vos chères études. Car vraisemblablement, « nos » réacteurs continueront à fonctionner au-delà de 2025. La N-VA envisage même de prolonger la présence du nucléaire sur le sol belge jusque 2065 via la construction d’une nouvelle centrale (dont le coût avoisine 9 milliards d’euros). 11 ans que la loi de sortie du nucléaire a été votée. 11 ans ! 11 années durant lesquelles quasi aucune politique d’approvisionnement énergétique plus saine n’a été mise au point par les gouvernements qui se sont succédé. Et moi qui croyais que gouverner, c’était prévoir...
Ne soyons tout de même pas trop médisants : la coalition « suédoise » prépare l’avenir. Elle planche d’ailleurs sur l’achat de nouveaux avions de chasse afin d’être en mesure de transporter les bombes nucléaires (encore, lui !) américaines stockées sur notre sol. Coût de l’opération : 4 milliards d’euros. Décidément, le royaume de Suède ne semble pas connaître la crise.Amen au
Au lendemain de la défaite des Diables rouges en coupe du monde, le peuple belge semble groggy. Cela se comprend. Au fur et à mesure de la compétition, on y croyait. On se prenait presque à en rêver de plus en plus. Pourtant, il n’en sera rien. Adieu les téléviseurs gratuits et les casiers de bières offerts. Adieu aussi aux drapeaux ornés de marques publicitaires, aux offres promotionnelles plus farfelues les unes que les autres... et au nationalisme exacerbé auquel on a assisté (une première pour notre pays, non ?).
La pilule avalée, je suis soudain assailli de doutes. Cet engouement sans précédent n’est- il pas davantage dû à un marketing savamment orchestré plutôt qu’à un amour inconditionnel du drapeau (ou du maillot, c’est selon) et de la Brabançonne ? Avec son marketing, ses lobbies et son public de plus en plus trié sur le volet, le football n’est-il plus qu’une machine économique qui broie tout sur son passage ? Sans notre dose quotidienne d’opium et d’hérésie collectifs, va-t-on pouvoir à nouveau se concentrer sur le sort d’une immense partie de la population brésilienne, littéralement aux abois ? Ou bien sur celui des centaines de morts sur les chantiers des futures enceintes du mondial 2022 au Qatar ? À moins que notre dépendance à l’élixir du ballon rond ne soit décidément
trop forte et qu’elle nous fasse
tout oublier ?
Je dois bien avouer que la rubrique « économie » des journaux n’est pas ma préférée. Sans la vigileance d’un de nos lecteurs, les informations publiées dans Le Soir du 30 mai dernier m’auraient donc probablement échappé. Pourtant, elles valent le détour. On y lit que la Belgique n’a qu’à bien se tenir. Eurostat a en effet décidé d’intégrer les sociétés de logements sociaux dans le calcul de la dette publique. Mais pas seulement. Les partenariats public-privé (vous savez, cette pseudo panacée face à la crise permanente des finances publiques) sont aussi visés. Et vlan, 22 milliards d’euros en plus pour la dette de notre pays et de ses contribuables. De quoi faire allégrement repasser notre taux d’endettement au-delà du seuil fatidique des 100 % du PIB. Par effet domino, de futures sanctions de l’Union européenne et de nouvelles mesures antisociales sont donc à craindre. Mais dans le même temps, ce même quotidien nous annonce que le Royaume-Uni se porte bien mieux que nous. Et pour cause : les revenus générés par le trafic de drogue et la prostitution, qui seront intégrés en septembre dans le calcul du PIB, pourraient doper celui-ci de 12,3 milliards d’euros. Eurêka ! La solution était devant nos yeux. Avis à nos futures coalitions...

Le Gavroche

« Enseignants, oui. En saignant, non »

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