Pris par une subite envie de simplisme, nous serions tentés de régler rapidement les problèmes budgétaires en se rappelant que 6+6 font 12. Mais non. D’ailleurs, pourquoi s’échiner à traquer les milliards de la fraude fiscale quand on peut trouver quelques malheureux millions en stigmatisant le chômeur. Une question de choix, assurément. Mais des choix qui en disent long. Ainsi, au nom d’une illusoire sécurité, il est bien plus facile d’assumer la présence de 300 soldats dans la rue. Le tout pour la modique somme de 1,8 million d’euros pour un mois. Or l’armée devrait rester au total un minimum de sept semaines. Faites le calcul... Tiens, au fait, combien ça coûterait de mettre plus de travailleurs sociaux dans ces rues ?
D’où ils sont, ils doivent bien se marrer Cabu, Charb, Wolinski et Tignous. Dire qu’il y a quelques semaines encore, ils multipliaient les appels aux dons pour sauver leur « canard ». Aujourd’hui, l’avenir est assuré haut la main grâce à des millions de numéros vendus. Et à autant de lecteurs qui n’avaient jamais eu (ou voulu avoir) ce journal entre leurs mains. Voilà Charlie en tête de gondole. Beau pied de nez que leur offre le système consumériste, vous ne trouvez pas ? Et puis, on pourra dire ce qu’on veut de François Hollande, mais organiser une manifestation aussi cynique d’une telle ampleur pour un journal satirique, c’est une prouesse que peu auraient pu accomplir avec autant de panache. On en serait presque venu à croire que les personnalités politiques invitées au premier rang ont dû lui montrer « patte noire ». Il se murmure même que la lutte a été féroce entre Benyamin Netanyahou, Premier ministre israélien, et l’ambassadeur d’Arabie saoudite pour figurer à ses côtés. Le CV du premier n’est plus à étayer. Mais rappelons que le pays du second vient notamment de condamner un homme, Raif Badawi, pour avoir créé un forum sur internet dans lequel il dénonçait notamment les emprisonnements pour motifs politiques à une peine de 10 ans de prison, 230.000 euros et 1.000 coups de fouet. Rien que ça... Si la France n’a plus rien de « normal » depuis quelques semaines, François Hollande reste imperturbablement fidèle à lui-même. Mais au fond, n’est-ce pas le plus bel hommage qu’il pouvait rendre à Charlie ?
Franchement, on y a tous cru. Par optimisme ou naïveté, c’est selon. Mais ce « Yes, we can » incarnait tant d’espoirs et de meilleurs lendemains. Six ans plus tard, Barack Obama s’est, à peu de choses près, fondu dans le moule de ses prédécesseurs. Et les manifestations dans la ville de Ferguson nous rappellent, si besoin en est, que la ségrégation raciale est toujours bien présente au pays de l’Oncle Sam. Ça fait quand même tache pour un pays qui se dit être la première puissance du monde. Heureusement, l’Europe et notre plat pays ne souffrent pas des mêmes maux. Il suffit de voir l’accueil très enthousiaste réservé par les parlementaires européens au discours du pape François dans leur enceinte lorsqu’il dit que l’Europe doit être plus humaine, notamment dans sa politique migratoire. Selon le Saint-Père, « on ne peut tolérer que la mer Méditerranée ne devienne un grand cimetière ». Gageons qu’au vu de leur ovation nourrie, les parlementaires vont tout faire pour rectifier la politique (anti-)migratoire menée par leur Union depuis des années... Ou pas ! En Belgique, malgré la crise, l’ « étranger » n’est pas devenu le bouc émissaire idéal. Jour après jour, les discours en faveur de plus d’égalité gagnent du terrain. C’en est fini du temps où il suffisait d’être « basané » et de se déplacer avec une crosse de cricket pour susciter une hystérie collective et être taxé de « terroriste ». Non, aujourd’hui, en Europe et en Belgique, ces combats sont d’un autre temps. Chez nous, c’est bien connu, tout va très bien, Madame la Marquise.
Ne soyons tout de même pas trop médisants : la coalition « suédoise » prépare l’avenir. Elle planche d’ailleurs sur l’achat de nouveaux avions de chasse afin d’être en mesure de transporter les bombes nucléaires (encore, lui !) américaines stockées sur notre sol. Coût de l’opération : 4 milliards d’euros. Décidément, le royaume de Suède ne semble pas connaître la crise.Amen au
La pilule avalée, je suis soudain assailli de doutes. Cet engouement sans précédent n’est- il pas davantage dû à un marketing savamment orchestré plutôt qu’à un amour inconditionnel du drapeau (ou du maillot, c’est selon) et de la Brabançonne ? Avec son marketing, ses lobbies et son public de plus en plus trié sur le volet, le football n’est-il plus qu’une machine économique qui broie tout sur son passage ? Sans notre dose quotidienne d’opium et d’hérésie collectifs, va-t-on pouvoir à nouveau se concentrer sur le sort d’une immense partie de la population brésilienne, littéralement aux abois ? Ou bien sur celui des centaines de morts sur les chantiers des futures enceintes du mondial 2022 au Qatar ? À moins que notre dépendance à l’élixir du ballon rond ne soit décidément
trop forte et qu’elle nous fasse
tout oublier ?