Et bien, en cette fin d’année, je me sens fatigué. Avec le télétravail, je dors pourtant plus tard le matin… C’est grave docteur ?
– Ce n’est pas négligeable… C’est une nouvelle maladie communément appelée fatigue sociale. Cette lassitude est collective, sociale et démocratique. Les gens en ont marre. Marre des isolements et des quarantaines. Marre des divisions entre les antis et les ultras. Marre de ne rien comprendre. Marre des décisions arbitraires. De la fermeture des classes, du télétravail, de l’absence de perspective. Marre de décommander leur fête de Noël à cause d’un test positif au COVID. Marre de s’ajuster. Ils sont inquiets aussi. Inquiets de voir passer des températures record (14,5 ° en décembre !), de voir leurs enfants se désocialiser, inquiets par la crise économique qui frappe les plus fragiles... Fatigue et anxiété sociales sont les symptômes majeurs de cette maladie.
Et comment en guérit-on Docteur ?
– Les gens ont besoin de retrouver du sens à leur existence. Le meilleur remède trouvé actuellement est la culture. La culture permet de se rencontrer, de sortir des divisions, de chercher collectivement du sens aux situations qu’on traverse. Mais accéder à ce remède est, hélas, aujourd’hui compliqué... Notre gouvernement veut garder les gens en vie en les laissant dépérir, n’est-ce pas absurde ?
Ça l’est. On ne peut pas en rester là. Demain, Gavroche remonte sur les barricades et, cette fois, je crierai : aux arts citoyen·nes !
Hier, comme tout le monde, j’ai été atterrée par le clip de campagne d’Éric Zemmour. Haineux, glauque, étriqué… Mais dès l’entame du discours, les mots choisis m’ont frappé : « un sentiment étrange et pénétrant »… Mais c’est du Verlaine ça ! Qu’est-ce qu’il fait là Zemmour ? Il plagie ? Il essaye de parler à l’inconscient des Français ?
Ne dites plus Facebook mais Meta. C’est le nouveau nom donné à la maison mère du géant californien: un changement qui annonce les nouveaux projets du groupe. En effet, vous pourrez bientôt rentrer dans le monde des Métavers, ces univers virtuels autonomes où les utilisateurs et utilisatrices peuvent interagir sous forme d’avatar. Facebook a ainsi annoncé la création de 10.000 emplois en Union européenne pour développer ce réseau social du « futur ». Un monde parallèle au bout de nos doigts...
Si j’étais optimiste, je pourrais l’envisager comme un lieu de rattrapage du monde réel. Un espace de rencontres, de rapprochement entre personnes qui vivent loin l’une de l’autre, un endroit où l’on pourrait construire de nouveaux rapports sociaux basés sur l’égalité par exemple, un monde où l’argent n’est pas au centre du jeu…
Ok, ok, je m’emporte. Il suffit de soulever un coin du voile sur la réalité des univers offerts par les jeux vidéo pour s’apercevoir que les failles de nos sociétés fragmentent de la même manière (voire pire encore) les mondes virtuels. Pas d’utopie à l’horizon donc. C’est sûr, on ne va pas compter sur un Marc Zuckerberg pour nous dessiner les contours d’un autre monde, lui qui préfère le profit à la santé mentale des utilisateurs et utilisatrices de ses réseaux sociaux. Et puis, j’sais pas vous, mais moi, avec l’expérience de la vie en distanciel, cette perspective d’aller faire ses courses ou d’sortir en boîte de nuit dans un monde numérique ne m’affole pas du tout. Se voir en vrai, ce n’est quand même pas pareil, hein ?
Jeudi 30 septembre 21. Nicolas Sarkozy est condamné à un an de prison ferme dans l’affaire Bygmalion. Le motif ? Le financement illégal de sa campagne électoral en 2012. C’est la deuxième condamnation pour l’ex-président français. Quelques mois plus tôt, c’est pour corruption et trafic d’influence qu’il avait été condamné. Réaction? Nicolas Sarkozy s’est exprimé tranquillement dans une libraire parisienne où se tenait une séance de dédicace de son nouveau livre… La vie semble continuer son cours, tout simplement.
Jeudi 30 septembre 21 encore. On apprend que Junior Masudi Wasso a été arrêté quelques jours plus tôt par les douaniers à l’aéroport de Zaventem. Ce jeune Congolais de 20 ans était pourtant en ordre de papiers pour entamer son année universitaire à l’UCL. Enfermé sur le champ en centre fermé, il a subi plusieurs tentatives de rapatriement. Motif ? Il n’a pas su dire qui était Dmitri Mendeleïev ni expliquer comment il comptait se rendre de chez sa sœur qui habite Termonde à Louvain-la-Neuve. Réaction ? Pour Junior Masudi, c’est l’incompréhension totale qu’il ne peut confier qu’à une poignée de personnes venues lui rendre visite au Centre Caricole.
Deux histoires qui n’ont de commun que le fait d’avoir des individus inquiétés par la justice. Le reste – la méthode, le motif et la peine – montrent à quel point le chemin vers l’égalité entre les êtres humains est encore long et que les combats pour les droits fondamentaux sont essentiels dans une société qui enferme un jeune dont le seul crime est de vouloir étudier.
À l’heure d’écrire ces lignes, les eaux diluviennes commencent à lentement se retirer des villes et villages de Wallonie laissant derrière elles la désolation et les morts. Nos pensées vont à toutes ces familles qui auront perdu soit un proche, soit une maison ou les deux, mais dans tous les cas un foyer. Face à tant de malheur, mon fils me demandait si l’épreuve du CED1 2021 de français n’avait-elle pas été préparée par une voyante ? On y parlait d’un enfant qui devait quitter sa maison en Belgique pour se réfugier à l’étranger en raison de la montée des eaux liée au changement
climatique. Sounds familiar ?
Si on n’est pas encore dans de tels extrêmes aujourd’hui que dira-ton dans 10 ou 20 ans face à la répétition de tels phénomènes ? Un tel récit doit sembler dès aujourd’hui beaucoup moins fictionnel aux habitant·es de Walcourt évacué·es à la hâte face à une Eau d’Heure qui était complètement déréglée.
Ceux et celles-là, comme malheureusement tant d’autres, doivent certainement avoir fait un sacré bond hier dans leur compréhension des motivations qui poussent tant de femmes et d’hommes ayant tout perdu ou presque sur les routes périlleuses de la migration pour venir demander l’asile chez nous. C’est beau la solidarité ! Continuons à la donner, car quand nous la donnons, nous n’en perdons pas, au contraire,nous nous enrichissons. Celui ou celle qui en bénéficie aura toute sa vie à coeur de la donner à son tour. Courage, nous serons toujours là les un·es pour les autres !
Rendons hommage à la jeunesse. Ces jeunes dont on dit volontiers qu’il·elles préfèrent passer leur temps sur les réseaux sociaux plutôt que de s’engager pour améliorer notre société. Les marches pour le climat il y a deux ans déjà nous avaient montré le contraire.
Face à un monde détruit par les générations précédentes, les jeunes exigent un changement radical de trajectoire. Et puis est venue la pandémie de Covid-19 et ses restrictions. Elles ont frappé tout le monde c’est vrai, mais face à une maladie avec un effet âge aussi marqué, on peut se réjouir de la manière avec laquelle l’immense majorité des jeunes de notre pays a joué le jeu et s’est pliée à ces mesures.
De même, face à la vaccination et ce fameux passeport sanitaire européen, il·elles sont bien gentil·les, nos jeunes, d’accepter une fois encore de laisser la priorité à leurs aîné·es alors que nombre d’entre eux auront moult difficultés pour se déplacer durant l’été, réaliser un stage rêvé à l’étranger, ou simplement voyager avec leurs amis, puisqu’on sait depuis longtemps que cela forme la jeunesse et éveille à l’autre et sa différence.
Et c’est tout ? Apparemment non. Parce que certains adultes refusent de se faire vacciner, on va demander aux jeunes de le faire alors qu’ils et elles ne risquent pratiquement rien. Une vaccination «altruiste» dit-on pour atteindre l’immunité collective qui doit protéger les adultes et les aînés ? C’est tout-de-même interpellant en termes d’inversion du sens des responsabilités. Heureusement que l’avenir est dans la jeunesse.
En ce mois de mai printanier, je vous emmène en voyage, vous en avez besoin. Direction la péninsule ibérique. Chaussez-vous bien, nous allons randonner sur des sentiers qui parcourent les montagnes du nord du Portugal. L’endroit est bucolique. Les moutons y paissent depuis des siècles. Bienvenue dans le village de Covas do Barroso. Là-bas, on vit d’agriculture et d’élevage, en harmonie avec une nature reconnue patrimoine agricole mondial par les Nations Unies. Profitez-en car il n’y en a plus pour longtemps. Sous la terre, un autre trésor que celui de Jean de La Fontaine y est enfoui, le lithium.
Ce métal rare essentiel pour les batteries électriques attire les convoitises d’un grand groupe minier anglais avec la bénédiction des autorités nationales. La Commission européenne, qui n’est plus à un paradoxe près, sera fière d’affirmer une autonomie accrue face à la Chine pour assurer la transition énergétique de son parc automobile et dépolluer l’air grâce au sacrifice d’une agriculture durable millénaire.
On changera de source d’énergie, mais pas le modèle d’accaparement des profits par le capital. Et on continuera à détruire des territoires façonnés par des paysan·es qui ont su transmettre leur outil de travail et leurs modes de vie en parfaite concordance avec la définition du Développement durable du rapport Brundtland. Sans doute qu’un célèbre professeur dont on taira le nom, spécialiste de l’énergie, nous dira que les paysan·es portugais·es seront bien content·es que l’on fasse un petit trou dans leur jardin pour gagner un peu d’argent de poche…
Un Traité international pour lutter contre les pandémies. En voilà une bonne idée ! Macron, Merkel, Michel l’ont bien compris. Ils l’ont déjà signé. Défendre la santé à un niveau international dans un contexte de pandémie, ça semble tellement évident… c’est un peu comme défendre les énergies renouvelables dans un contexte de catastrophe climatique. Ça tombe sous le sens. Et pourtant…
On ne peut pas dire que ce soit l’orientation qui ait été choisie par nos gouvernements jusqu’à présent. Au Royaume-Uni, l’université d’Oxford avait annoncé qu’elle ferait d’AstraZeneca un bien public avant de se rétracter un peu plus tard. C’est par le truchement d’un certain Bill défendant la propriété intellectuelle que l’option du brevet aura finalement été retenue. Ce même Bill qui détient une fondation qui porte son nom, principal bailleur du GAVI... l’alliance du vaccin qui a pour but d’accélérer les progrès des pays pauvres dans les possibilités d’accès aux vaccins. Étrange... Et dans l’UE ? C’est à peu près pareil. Elle se lance dans la défense d’un accès garanti universel et équitable aux vaccins et aux médicaments. On imaginerait donc qu’elle défende un accès universel aux brevets des vaccins.
Et bien non ! C’est même l’inverse. L’Union s’oppose farouchement à l’utilisation ouverte de ces brevets. Incroyable, non ? Et que dire de ce principe de non-discrimination dans l’accès au vaccin ? Une vaste foutaise quand on voit comment les pays se tirent dans les pattes pour assurer leur propre approvisionnement, au mépris des pays du Sud. On se demande dans quel jeu on joue. Le jeu de dupe peut-être ?
L’édition 2021 du Petit Larousse de la Novlangue va bientôt sortir en librairie. Parmi les nouveaux mots, celui de « village prison » ou « village pénitentiaire » fait son apparition grâce à la régie des bâtiments, avec la complicité de Assar Architects, de la société de construction Denys et de certains media. Bien plus bucolique que celui de « méga-prison » pour désigner la nouvelle implantation harenoise où seront déménagé·es les détenu·es de Saint-Gilles et Forest.
En parlant de « village prison », ces sinistres utilisateurs occultent la réalité qui se cache derrière et par là même les individus qui peuplent les prisons. Est-ce que l’utilisation du mot «village » accolé à prison signifierait que notre vision de l’enfermement a changé ? Que l’institution s’est humanisée ? Que les relations en son sein s’apparentent à celles qui se lient dans un village ? Et puis quoi encore, tant qu’on y est, on nommera dans ces « villages prisons » des « happiness managers » à l’instar des start up modernes, pour rendre les « prisonnier·ères villageois·es » plus heureux·ses et productif·ves. On a peine à y croire quand on sait que le « village » a été implanté dans une zone difficile d’accès et qui rendra les visites des proches très compliquées.
Finalement, quand on parle de « village » pour une vraie prison, on pousse la Novlangue à son paroxysme, en anéantissant notre capacité de penser qu’une prison aussi villageoise soit-elle reste une prison et on parachève la destruction du·de la détenu·e, puisqu’on finit par annihiler à nos yeux son véritable statut, celui d’une personne privée de sa liberté.
Est-ce que la Flandre c’est la NVA qui honore deux nazis pour célébrer le mouvement flamand ? Est-ce que l’Amérique c’est Trump qui envoie ses troupes marcher sur le Capitole ? Est-ce le Brésil qui a tué Marielle ?
Oui, les populistes et l’extrême droite gagnent du terrain dans le monde. Oui, nos Démocraties sont frêles et vulnérables. Oui, nous sommes inquiets de la montée de ces mouvements nationalistes, conservateurs et identitaires. Oui, la lucidité doit nous éclairer. Oui, mais pas que… Car la Pologne, ce sont aussi ces milliers de femmes qui sans relâche battent le pavé des rues de Varsovie pour clamer leur colère face à la quasi-interdiction de l’avortement. Car la Flandre montre aussi le chemin de l’intégration notamment quand elle revisite ses référentiels scolaires pour orienter l’enseignement de l’Histoire dans une direction plus inclusive et une dimension plus multiculturelle. Car les États-Unis, c’est maintenant une vice-présidente femme, un premier sénateur afro-américain en Géorgie, et Rachel Levine, une première femme transgenre dans une administration présidentielle de l’histoire des États-Unis. Et le Brésil, ce sont ces maires et gouverneurs qui font fi du négationnisme bolsonariste et luttent avec acharnement contre le Covid-19.
Pour démarrer 2021, faisons donc raisonner les mots de la poétesse Amanda Gorman et tentons de grimper la colline, d’avoir le courage de voir la lumière. Car «La démocratie peut être temporairement supplantée, mais jamais définitivement défaite.»