L’actualité sociale estivale a été marquée par des grèves de pilotes de Ryanair basés en Belgique. Déterminés et nombreux, ils exigent une restauration des salaires, amputés de 17 % pendant le Covid. Ils s’insurgent aussi contre la décision unilatérale, et contre l’avis du Ministère du Travail, de changer les horaires de travail faisant passer les jours de récupération entre leurs périodes de travail de 4 à 3 jours.L’actualité sociale estivale a été marquée par des grèves de pilotes de Ryanair basés en Belgique. Déterminés et nombreux, ils exigent une restauration des salaires, amputés de 17 % pendant le Covid. Ils s’insurgent aussi contre la décision unilatérale, et contre l’avis du Ministère du Travail, de changer les horaires de travail faisant passer les jours de récupération entre leurs périodes de travail de 4 à 3 jours.« Les pilotes sont mobilisés et prêts à un combat long s’il le faut », ont-ils communiqué. Au point de faire trembler le colosse irlandais ? Pas sûr… Pour tenter de faire face aux grèves de ses employés, la compagnie aérienne low cost n’a pas perdu le Nord. Via des mails dont la fréquence vire au spam, elle invite ses clients à signer une pétition pour demander à la Commission européenne « d’exiger que tous les États de l’UE protègent les survols pendant les grèves des contrôleurs aériens ». On en rirait presque quand on voit des « passagers-clients » prendre la plume pour défendre les « bienfaits » sociaux de Ryanair dans un quotidien belge. Mais la palme revient quand même à Ryanair qui retourne les moyens d’action des mouvements sociaux contre eux-mêmes en opposant vicieusement des employés aux consommateurs, et par la même occasion s’attaque une fois de plus au droit de grève des travailleurs qui faut-il le rappeler, ne se croisent jamais les bras par plaisir.#

« Flemme ! », « Chill…» Ces expressions qui ponctuent le parler des jeunes en disent long sur leurs attentes. Dans ce numéro, une brève histoire du rapport au travail nous enseigne que l’interdiction du travail des enfants a été l’une des premières conquêtes pour réduire le temps de travail. Mais quand repenser le travail fait des pieds de nez aux droits conquis, cela se passe même dans certaines contrées développées. En Australie, le café « The Long Pantry » engage des enfants à partir de 11 ans pour faire la plonge, les confitures et servir les clients. Ils sont payés 37 % du salaire minimum sans perte de sourire. Au Canada, la tradition des jobines d’adolescent·es n’est pas neuve, mais la proportion de jeunes employé·es ne fait qu’augmenter et la catégorie des jeunes travailleur·ses s’est étendue à présent aux 11-14 ans. Le travail dans les champs est autorisé à partir de 12 ans… Et aux ÉtatsUnis ? Pas mieux. Là aussi, on déplore un détricotage des lois sur le travail des mineur·es dans certains États conservateurs. Troquer son habit de lycéenne pour devenir serveuse la nuit y est à présent considéré comme « adapté ». L’argument de la pénurie de main-d’œuvre sert à justifier la déréglementation du travail des enfants. En France, les jeunes sont de plus en plus nombreux·ses à ne pas pouvoir partir en vacances. Certain·es « profitent » de leur temps libre pour « offrir » leur service à l’une ou l’autre plateforme. La flemme n’est-elle que rhétorique ? Ou le droit à la flemme à géométrie variable ? Le post-capitalisme parviendra-t-il à enfanter une société du temps libéré pour toutes et tous ? Il le faut. #

© Rebecca Siegel / Flickr CC

« Pour dépasser le capitalisme, il faut se demander comment se construire un avenir désirable. Il faut réanimer le désir », a suggéré le sociologue français Christian Laval, spécialiste des
« communs », de passage à Bruxelles. Intéressante invitation, qui laisse aussi perplexe car… Comment jouir dans un monde injuste ? Une piste de réponse se trouve peut-être dans Le Balai Libéré, documentaire de Coline Grando qui revient sur une lutte menée dans les années 1970 par les femmes de ménage de l’Université Catholique de Louvain. Elles ont mis leur patron à la porte pour créer leur coopérative de nettoyage. Dans ce film, les souvenirs de la lutte victorieuse d’hier se heurtent à la dure réalité du système de sous-traitance à des entreprises adopté par l’UCL depuis trente ans. Et de ce dialogue surgissent chez les travailleur·ses des envies de se rassembler, recréer de la solidarité ; jaillit – au-delà des peurs – une aspiration collective à « faire autrement ». Le 22 mai, des milliers de personnes défilaient dans les rues de Bruxelles en front commun pour soutenir les travailleur·ses de Delhaize et dénoncer les attaques portées au droit de grève. Les regards se sont soudain tous tournés vers une immense bannière déployée du fronton du Palais de justice par des grimpeur·ses militant·es affichant « Profits partout, justice nulle part ». Au-delà de la prouesse, du risque, du message, leur geste n’est-il pas aussi puissant parce qu’il nous a donnés, l’espace de quelques minutes, la possibilité de relever la tête et même l’espoir qu’un jour désirable était en train de se lever ? 

Dans un an, les travailleurs et travailleuses de Delhaize risquent bien de perdre leur premier mai. Du moins, si le scénario du passage des magasins intégrés aux franchisés se confirme.
Mais aujourd’hui, comme à ses origines, c’est un vrai premier mai de lutte qu’ils vivent. Ils doivent faire face aux décisions iniques d’une justice porte-étendard des intérêts économiques. Le droit de propriété, de commercer librement et de travailler l’emporte à ses yeux sur celui de revendiquer. Après l’ubérisation de la société, c’est la « delhaizisation »
du monde du travail qui est en marche, tout autant à rebrousse-poil de l’Histoire. Dans cette affaire, c’est le droit de grève qu’on bâillonne et la voix des travailleur·ses qu’on étouffe. Mais soyez certain, « le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ! ». Cette phrase aurait pu être la réponse d’une Delhaizienne au juge interdisant les piquets de grève. Elle a été toutefois prononcée par August Spies, l’un des sept militants pendus après la manifestation de Chicago en faveur de la réduction du nombre d’heures de travail, du premier mai 1886. Leur histoire a donné naissance à cette journée de solidarité internationale et de combat pour les droits des travailleur·ses. Et de la solidarité, c’est aussi ce dont ont besoin les travailleurs et travailleuses en lutte pour renverser le cours de choses. Chez Delhaize et partout dans le monde. #

Peut-être avez-vous déjà croisé ce slogan. En plus d’être l’une des nombreuses punchlines (dont la plus célèbre encore « L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ») compilées par l’auteur David Snug dans un croustillant ouvrage « La lutte pas très classe », elle résume aussi les racines historiques du 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Car sa naissance est précisément située au croisement des luttes féministes et des luttes des travailleurs et des travailleuses. La première occurrence de cette idée remonte à 1910, lorsque Clara Zetkin, socialiste féministe allemande, propose à l’Internationale socialiste des femmes qu’elle préside alors de célébrer la première « Journée internationale des femmes ». Cette sorte de
1er mai féminin – qui a lieu
le 19 mars 1911– vise à défendre le droit de vote des femmes (qui était encore vu comme une revendication de « bourgeoises » à l’époque dans le mouvement ouvrier) le droit au travail et la fin des discriminations au travail. Pour le 8 mars, il faut se tourner vers Petrograd, en 1917, ce jour où des ouvrières se mettent en grève et descendent en masse dans la rue pour réclamer du pain et de la paix. C’est donc en souvenir de cette 1re manifestation de la Révolution russe que le 8 mars 1921 est décrété en Russie journée
« Journée internationale des femmes ». Maintenant que vous le savez, travailleurs, laverez-vous nos chaussettes pendant que nous lutterons pour une vie meilleure ? # #

 

Vox Populi, Vox Dei. Voilà comment le tout nouveau patron de Twitter a justifié le rétablissement du compte de Donald Trump. 52 % des répondant·es à son sondage ont voté pour son retour sur le réseau social. Elon Musk est donc un démocrate ! Ah oui ? Pas si vite... La formule étonne d’abord. Veut-il juste faire étalage de sa culture avec une formule latine datant du Moyen-Âge ? Ou sa référence à Dieu annonce-t-elle l’avènement du règne de Elon 1er, souverain mondial de droit divin ? Ou peut-être qu’il prépare sa transformation en Dieu lui-même... En effet, Elon Musk n’est-il pas également un chantre du transhumanisme ? Avec sa société Neuralink, il vise à créer des hommes et des femmes augmenté·es avec des implants cérébraux. Et après ? Quelques cobayes ont déjà des clés de Tesla implantées en sous-cutané pour ne plus risquer de les perdre... De quoi se demander si changer de voiture coutera encore un bras, mais un vrai cette fois ! Mais nous nous égarons. Ce sondage est-il réellement démocratique ? Non bien entendu et vous aurez vite fait de trouver les arguments pertinents pour affirmer que les répondant·es à un sondage sur Twitter ne représentent nullement le peuple. Finalement, ce sondage d’Elon Musk permet de se poser la seule question qui fasse sens : si la régulation de Twitter dépend du bon vouloir du Sire Musk, quelles sont les raisons qui nous font rester sur ce réseau social qui finalement ne vaudra pas beaucoup mieux que le Truth Social de ce Donald Trump fraichement amnistié ? #

 

310473236 1033752920625240 4943219572394723128 nCet automne, les quais de la gare du Nord ont perdu un supplément d’âme. Adieu les longues assises en bois patiné. Une succession de sièges individuels métalliques d’un blanc trop blanc remplace désormais ces banquettes sans frontière. Plus facile pour se relever, certes. Mais il n’est plus possible de se frôler, de se bécoter, de déposer sa jambe fatiguée, de s’allonger ou d’y dormir. Ce type de mobilier, comme les assis-debout qu’on voit aussi fl eurir partout, compose ce qu’on appelle le mobilier dissuasif, que sont aussi les moins subtils grillages ou jets d’eau mis en place pour décourager l’arrêt, l’errance ou pour éloigner l’indésirable. Un phénomène de plus en plus visible et palpable, mais pourtant loin d’être neuf. En témoigne une chronique de George Orwell, écrivain, mais aussi journaliste des gens ordinaires. Dans « À ma guise » écrite dans les années 1940, il se demande, en croisant dans une gare une famille tellement chargée de bagages qu’il lui est impossible de monter dans un autobus : « Pourquoi n’existe-t-il pas de service bon marché pour le transport des bagages entre les gares ? ». Et de répondre : « Notre société est organisée de façon à ce que ceux qui n’ont pas d’argent soient obligés de le payer tous les jours par des humiliations mesquines et des inconforts absolument inutiles – comme de devoir rentrer chez soi à pied, les doigts sciés par la fi celle de leur valise ». Qu’est-ce qu’une société sans bancs (et services) publics suffisants ? Une société de la mise au ban. 

© Design For Everyone

 

Bonne nouvelle. Le baromètre de la générosité vient de révéler ses résultats chez nos voisins. Malgré les multiples crises, les Français restent généreux. Ils se montreraient même plus généreux qu’en 2019 avec 4,5 % de dons en plus que l’année dernière.

Chez nous, la générosité n’est pas en berne non plus. Les donateurs belges le savent particulièrement bien en cette fin d’année scolaire. Voici venu le temps des fancy-fairs. Une toute dernière occasion d’organiser une grande collecte de fonds pour soutenir les divers projets pédagogiques des écoles, après l’achat des fournitures, le paiement des activités extrascolaires, les frais de piscine, de garderie, de cantine… Ce n’est pas ça, je n’ai rien contre les fancy-fairs.

C’est chouette les fancy-fairs : l’effervescence dans la cour de récré, les spectacles attendrissants, les profs qui se démènent. Et puis viennent les pêches aux canards, les châteaux gonflables, les pains-saucisses, les tickets de bingos, les repas à un, deux, trois, quinze euros… Qui dit mieux ? Comment ils font ceux qui ne savent pas payer tout cela à leurs enfants ? Ils les privent de fancy-fair ? Ils se saignent pour y aller quand même ? Et les écoles dans les quartiers pauvres ? Elles ne récoltent pas de sous ? Alors pas d’extras pour ces enfants ?

C’est bien la générosité, c’est humain. Ça nous rapproche… Mais l’école primaire gratuite souhaitée dans la Convention des droits de l’enfant ne se fera pas à coup d’une telle générosité de l’entre-soi. 

Dimanche passé, l’Histoire française a bien failli basculer. Et pas seulement vers l’extrême droite... Si on y pense, l’égalité homme-femme a presque été atteinte. Une femme, de surcroit
une femme apparaissant comme incompétente, a frôlé l’accession à la présidence de la république. Ben oui, d’habitude, les femmes qui sont pressenties pour ces postes de pouvoir doivent exceller
bien plus que les hommes pour y arriver. Et là, on ne peut pas vraiment dire que ce fut le cas... Bon d’accord, sur le reste, cette candidate est aux antipodes d’une incarnation des idées progressistes.

Pour voir et comprendre ce qu’est une vraie société en marche vers l’égalité, c’est à un autre meeting qu’il fallait assister la semaine dernière. Mais non, pas chez Macron non
plus... Il fallait aller au Cirque royal de Bruxelles. Ah ! Quel bonheur d’écouter Angela Davis, cette icône féministe américaine noire ! C’est un futur radicalement différent de celui de Le Pen qu’elle propose : un monde sans ségrégation, sans prison, sans police. On s’y sent nettement mieux, là... 

Et elle nous dit que c’est du côté des luttes des personnes sans papiers qu’il faut regarder pour y arriver : « ces luttes sont parmi les plus importantes au monde parce qu’elles challengent le concept d’Étatnation et prouvent que nous nous situons dans l’après-vie du colonialisme ». Et d’affirmer
aussi : les sans-papiers nous aident « à imaginer un monde qui ne serait pas défi ni par des frontières structurées par le capitalisme raciste ». C’est peut être ce qu’a voulu dire Conner Rousseau, quand il a dit qu’il ne se sentait pas en Belgique quand il traversait Molenbeek ? P’têt qu’il évoquait ce monde sans classes et sans races de la Sweet Black Angel(a)...

Enfin, on peut toujours rêver. 

Ça fait la Une de tous les journaux depuis des mois : le prix de l’énergie flambe, alors que les ménages sont obligés de rester chez eux. La facture d’électricité et de gaz explose doublement. Alors, que faire pour aider les plus précaires à faire face ? Il y a bien des pistes sur la table du gouvernement mais à l’heure d’écrire ces lignes, toujours pas d’accord. Ça traine, ça discutaille. On connait maintenant la chanson...

On ne veut pas d’un « chequeke » par ci, d’une baisse de la TVA par là… Il y a pourtant urgence. Mais dans cette crise, pardon ma naïveté, il n’y a pas que les tergiversations du gouvernement qui m’échappent… Chez nous, l’énergie provient en majorité des centrales nucléaires. En 2021, elles ont produit 52 % de notre consommation. Ce qui semble une très bonne performance. Pourquoi le prix de l’électricité grimpe-t-il si fort alors, si les conditions de productions n’ont pas changé ? À cause du prix du gaz qui augmente ? Alors, parce que le prix du gaz augmente pour des raisons que l’on ne maitrise pas, il faut admettre que les fournisseurs d’électricité décident de faire la même chose, juste pour suivre la logique de l’offre et de la demande.

En toute simplicité et au mépris de la population. Ah la libéralisation de l’énergie, que du bonheur ! Et quid des énergies renouvelables, n’en deviennent-elles pas plus rentables ? Et les fournisseurs de ces énergies, ils suivent aussi la tendance à la hausse ? Tiens, en Chine, ils augmentent la production du charbon pour faire face à l’augmentation des prix de l’électricité. Le changement climatique appréciera. Quitte à rester courtermiste, on n’a qu’à le faire aussi tant qu’on y est… 

Le Gavroche

« Enseignants, oui. En saignant, non »

« Enseignants, oui. En saignant, non », scandent les profs en colère face aux nouvelles… Lire la suite
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