À suivre les débats politiques sur les soins de santé outre-Atlantique, on ne pourrait, à la suite du chroniqueur et prix Nobel d’économie Paul Krugman, qu’être fier de notre système de soins et d’assurance maladie universelle. Pourtant, malgré les importants investissements qui y sont consacrés, certaines prestations ne sont pas remboursées pour différentes raisons, parfois pertinentes mais aussi parfois peu cohérentes. Notre système connaît également quelques lacunes qui, notamment, expliquent l’existence d’assurances complémentaires proposées par des assureurs commerciaux ainsi que des prestations complémentaires des mutualités. Dans les lignes qui suivent, Paul Palsterman analyse le système légal et le rôle que jouent de facto les couvertures complémentaires.

 

Pourquoi y a-t-il des assurances complémentaires ? L’assurance légale ne suffit-elle pas ? La Belgique possède un système assez performant d’assurance maladie, qui couvre quiconque réside légalement en Belgique. On ne peut pas accuser la Belgique de ne pas investir dans ce domaine, puisqu’elle y consacre près de 23 milliards d’euros. Ce chiffre est en croissance rapide : il n’était « que » de 12 milliards en 2000, et 7,5 milliards en 1990. L’assurance soins de santé absorbe environ 38 % des dépenses pour prestations sociales, contre 33 % en 2000 et 28 % en 1990. En même temps, la Belgique se caractérise par une proportion relativement élevée de dépenses de santé qui ne sont pas remboursées par le régime, et cette proportion a aussi augmenté au cours des dernières années. Il n’est pas facile de dresser le catalogue de ces prestations non remboursées, ni même de trouver une logique uniforme en fonction de laquelle une prestation est remboursée ou non. C’est ce qui rend compliqué le débat politique sur les assurances complémentaires. Certaines prestations ne sont pas remboursées parce qu’elles sont considérées comme du luxe. Tel est par exemple le cas de l’hospitalisation en chambre à un seul lit, lorsqu’il n’y a pas de nécessité médicale. Non seulement l’hôpital peut facturer plus pour la chambre, mais les médecins ne sont pas obligés de respecter les tarifs de l’assurance maladie pour ceux qui choisissent une chambre à un lit.
D’une façon générale, l’assurance maladie rembourse dans les limites d’un tarif. Les médecins peuvent décider de ne pas adhérer aux accords négociés avec les mutuelles. C’est le cas de certains médecins particulièrement réputés ou, tout simplement, de médecins qui ont une clientèle aisée. Si on recourt à un médecin non conventionné, il faut payer soi-même le supplément. Dans le même ordre d’idées, on ne rembourse pas certains « soins » qui ne sont pas vraiment destinés à soigner une « maladie », par exemple les soins de chirurgie plastique, lorsqu’il ne s’agit pas de « reconstruction » après un accident ou une opération, etc.
Cette notion de « luxe » est évidemment relative. Par exemple, jusqu’il y a peu, on considérait que l’hospitalisation en chambre à deux lits relevait d’une sorte de « demi luxe », autorisant certains dépassements. Dans le cadre du budget 2010, on a décidé de supprimer ce qui était devenu une anomalie. Certains soins d’orthodontie, remboursés par le système belge, sont considérés comme du « luxe » dans d’autres pays.
Certaines prestations ne sont pas remboursées parce que, selon les experts, elles ne sont pas nécessaires, ou pas performantes. Par exemple, le système belge ne rembourse que des prestations de la médecine dite traditionnelle. Elle ne rembourse pas les prestations de médecine dite alternative, ou « parallèle », parce que le fondement scientifique de ces pratiques n’est pas assez attesté. Si on croit dans ces médecines, il faut se les payer soi-même. Dans le même ordre d’idée, certaines prestations — par exemple certains médicaments — sont remboursées selon le prix de la marque la moins chère. Si on veut avoir la prestation la plus chère, il faut payer le surcoût. On peut considérer qu’il s’agit là des créneaux normaux des assurances complémentaires : le système légal permet un accès à des soins de qualité, mais si on veut du luxe, ou des prestations qui n’intéressent pas la plupart des gens, il faut se les offrir soi-même.

Lacunes

Malheureusement, le système belge comporte aussi certaines lacunes. Par exemple, certaines prestations ne sont pas remboursées parce que, pour des raisons de procédure, voire pour des raisons de priorité budgétaire, certaines prestations effectuées ou prescrites par les médecins ne sont pas, ou pas encore, remboursées, ou ne le sont que pour une faible partie du montant. Ce problème se rencontre surtout dans le domaine des prothèses, et spécialement dans celui des prothèses implantables.
Certaines prestations ne sont pas remboursées ou ne sont remboursées qu’à un taux très faible parce que, pour la majorité des gens, il s’agit de simples soins « de confort », par ailleurs peu coûteux. Tel est notamment le cas de la plupart des médicaments antidouleur. Mais ce raisonnement ne peut s’appliquer à certains malades chroniques, pour lesquels cet élément de « confort » est un élément essentiel de leur qualité de vie, voire une nécessité pour se soigner. De même, certaines prestations peu coûteuses si elles sont utilisées occasionnellement peuvent devenir très chères si elles doivent être prises régulièrement. Au cours des dernières années, le système légal a été adapté, pour prévoir des forfaits spécifiques pour certaines maladies chroniques. Dans le même ordre d’idée, la maladie peut entraîner des frais divers qui ne sont pas couverts par l’assurance. Par exemple, les déplacements du malade ou de ses proches, la location du téléphone ou d’un appareil TV dans la chambre d’hôpital, etc.
Jusqu’en 2008, le régime des travailleurs indépendants ne couvrait pas de façon obligatoire les « petits risques ». Les travailleurs indépendants pouvaient couvrir ces petits risques en souscrivant une assurance complémentaire auprès de leur mutuelle ; cette assurance complémentaire était d’ailleurs fortement subsidiée par l’État. Dans la pratique, la majorité des assurés du régime indépendant avaient souscrit cette assurance. Les exceptions concernaient essentiellement les travailleurs qui se sentaient en bonne santé (et n’avaient pas charge de famille !)… ou ceux qui n’avaient pas les moyens de la payer. Depuis le 1er janvier 2008, les travailleurs indépendants ont les mêmes droits (et la même obligation de cotisation !) que le reste de la population, et cette forme d’assurance complémentaire a donc disparu.
Enfin, une caractéristique du système belge est que les prestations ne sont en principe pas intégralement remboursées : le patient doit prendre une partie à sa charge. En moyenne, cette partie s’élève à 25 %. Elle est moins élevée pour certaines prestations très lourdes, mais peut être plus élevée, comme il a été dit ci-dessus. Divers dispositifs veillent à protéger les ménages fort consommateurs de soins (le « maximum à facturer », qui garantit que le total des tickets modérateurs ne dépasse pas un plafond par an), ou à faibles revenus (le « bénéfice de l’intervention majorée » et le « statut OMNIO », qui consistent en une dispense ou une réduction de l’intervention personnelle).
La partie à charge du patient est appelée « ticket modérateur », parce que, dans sa logique, il s’agit d’une façon de limiter la surconsommation médicale. Mais cette appellation est hypocrite, notamment parce que ce ticket modérateur peut être « réassuré » auprès d’un assureur privé. De surcroît, comme le ticket modérateur est un pourcentage du tarif, et non un pourcentage des revenus, il ne frappe pas de la même manière les ménages à hauts revenus et les ménages à faibles revenus. Il ne limite donc guère la consommation de ceux qui ont des hauts revenus et/ou bénéficient d’une assurance complémentaire (les deux vont souvent de pair !), et peut au contraire freiner l’accès à des soins nécessaires par des personnes dont les revenus dépassent le seuil permettant de bénéficier de l’intervention majorée, mais qui ne sont pas nécessairement élevés.

Assurances complémentaires ?

Actuellement, le marché des prestations complémentaires est partagé entre deux catégories d’acteurs. Il y a d’une part les assureurs commerciaux. Dans la pratique, ceux-ci offrent principalement une couverture complémentaire en cas d’hospitalisation. Il peut s’agir d’assurances individuelles (une personne s’assure directement, pour elle et éventuellement ses proches) ou d’assurances collectives (une personne, par exemple un employeur, assure d’autres personnes, par exemple son personnel).
Les mutualités, qui sont les « organismes assureurs » dans le cadre de l’assurance légale, proposent également diverses prestations complémentaires, soit dans le cadre d’une couverture directement liée à l’affiliation mutuelliste, soit sur une base facultative. Il s’agit toujours d’assurances individuelles, réservées aux affiliés de la mutualité. Ce qui n’interdit pas de prévoir, par contrat de travail voire par convention collective, une intervention de l’employeur dans le coût de ces assurances. La plupart des mutualités imposent à leurs membres une cotisation obligatoire. Contrairement à ce que l’on pense souvent, il ne s’agit pas d’une condition d’assurance dans le cadre du système légal. Certaines mutualités ne proposent d’ailleurs que des assurances complémentaires facultatives. La « caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité » (CAAMI) est un organisme public qui s’occupe uniquement de l’assurance légale, ne propose aucune assurance complémentaire, et ne prélève de cotisation que lorsque c’est une condition d’ouverture des droits dans le régime légal (par exemple pour certaines personnes en « assurance continuée » ou assurées en tant que « inscrites au registre national »).
Cette cotisation obligatoire couvre une très grande variété de services qui soit améliorent les remboursements du système légal (logopédie, pédicure, orthodontie, lunettes et prothèses, thérapies alternatives…), soit relèvent de l’assistance aux personnes (rapatriement de l’étranger, prêt de matériel, assistance sociale et juridique, etc.). Certaines mutualités offrent dans ce cadre une assurance hospitalisation (par exemple l’« Hospi-solidaire » des mutualités chrétiennes francophones), qui garantit que la facture d’hospitalisation (en chambre commune ou double) ne dépassera pas un certain montant.
Les mutualités peuvent aussi proposer des assurances complémentaires sur une base facultative, contre paiement d’une cotisation spécifique. Sur ce plan, leur activité se rapproche de celle d’une assurance classique.
Sur le plan juridique, la principale différence entre ces prestations « mutuellistes » et une assurance est que ces prestations ne font pas l’objet d’un « contrat » spécifique. Elles sont une conséquence de l’affiliation mutuelliste. Elles résultent des choix et des priorités des membres de la mutualité concernée, tels qu’ils s’expriment dans leurs instances. Ces choix peuvent en tout temps être revus, dans un sens ou dans l’autre. En comparaison, une assurance classique fait l’objet d’un contrat qui, pendant sa durée de validité, ne peut pas être modifié, sauf de l’accord des deux parties. L’assuré a en principe la garantie que sa couverture ne va pas diminuer pendant la durée du contrat. Mais il ne peut pas revendiquer non plus que son contrat soit adapté si ses besoins évoluent ou si apparaît « sur le marché » une prestation non prévue par le contrat. Par ailleurs, certains contrats d’assurance réservent explicitement la possibilité, pour l’assureur, de revoir certains éléments, y compris la prime. L’assuré n’a alors parfois d’autre choix que d’accepter une révision de la couverture, pour éviter ces augmentations de prime. L’affilié mutuelliste, de son côté, n’a pas la garantie formelle que les prestations ne seront pas revues, mais il peut aussi spéculer que « sa » mutuelle ne va pas réduire des prestations auxquelles il tient, et pourrait au contraire proposer des prestations qui l’intéressent.

Régime légal

Actuellement, les mutualités et les assureurs commerciaux sont soumis à des régimes juridiques différents. Les assureurs sont soumis à une loi du 25 juin 1992 sur le « contrat d’assurance terrestre », dont un chapitre concerne les « contrats privés d’assurance maladie ». Ce chapitre a été introduit par une loi du 20 juillet 2007 (« loi Verwilghen »), qui, en raison de nombreuses imperfections, a été revue par une loi du 17 juin 2009. La loi contient quelques règles intéressantes pour les assurés, mais comporte tout de même plusieurs lacunes fondamentales, même après la « loi de réparation » de 2009. Les assureurs sont soumis au contrôle de la « commission bancaire, financière et des assurances » (CBFA).
Les mutualités sont soumises à une loi du 6 août 1990 « relative aux mutualités et aux unions nationales de mutualités ». Elles sont contrôlées, pour ce qui concerne leurs prestations complémentaires, par un « Office de contrôle des mutualités et des unions nationales de mutualités ». En ce qui concerne leur activité dans le cadre du système légal, elles sont contrôlées par l’INAMI (Institut national d’assurance maladie invalidité). S’agissant des assurances hospitalisation, cette loi a été complétée par une loi du 11 mai 2007 (« loi Demotte ») qui prévoit des règles analogues à celles qui figurent dans la législation sur les assurances, et même sur certains points plus protectrices de l’assuré.
La différence de traitement entre les mutualités et les assureurs privés a été jugée par la Commission européenne contraire aux règles de l’Union européenne en matière d’assurances (directives 73/239CEE et 92/49CEE).
La Commission admet le monopole des mutualités dans le cadre du système légal, et admet aussi la spécificité des « services mutuellistes ». Mais s’il s’agit d’assurances complémentaires dont le contenu est similaire à celui d’assurances privées, les règles devraient être les mêmes. Après de nombreuses discussions, un avant-projet de loi, adopté par le Conseil des ministres le 13 novembre dernier, organise la transposition des directives pour ce qui concerne les mutualités. Ce projet implique l’abrogation des dispositions de la « loi Demotte » et la soumission des produits proposés par les mutualités à la législation générale des assurances. Cette opération se traduit en fait par une diminution de la protection des affiliés mutuellistes !

La loi sur les assurances

La loi sur le contrat d’assurance terrestre distingue selon que le contrat d’assurance soins de santé est, ou non, lié à l’activité professionnelle du preneur d’assurance. Sont notamment liées à l’activité professionnelle du preneur d’assurance les assurances collectives souscrites par un employeur au profit de son personnel. Au départ, la loi de 2007 distinguait d’ailleurs les assurances « collectives » et « individuelles ». La loi de 2009 a remplacé ce critère pour soumettre au même régime les assurances souscrites par une société au profit de ses dirigeants, par un groupe de travailleurs indépendants pour ses membres, etc. La loi prévoit essentiellement que de telles assurances peuvent être poursuivies à titre individuel par leur bénéficiaire, si la relation professionnelle prend fin, suite par exemple à un licenciement, à un départ à la pension ou à la prépension, etc.
Relèvent des assurances non liées à l’activité professionnelle, notamment, les assurances individuelles souscrites par une personne à son profit et au profit des membres de sa famille. Il peut y avoir aussi des assurances collectives, notamment des assurances souscrites par une association au profit de ses membres. La loi prévoit essentiellement que ces contrats sont conclus à vie. Elle prévoit également une certaine protection du consommateur par rapport aux clauses relatives à l’état de santé au moment de la conclusion du contrat.
Le droit à la continuation des assurances liées à la profession : la personne qui a été affiliée à une assurance « liée à l’activité professionnelle » a le droit de continuer cette assurance après la perte de l’assurance. Pour bénéficier de ce droit, elle doit avoir été affiliée sans interruption à un ou plusieurs contrats successifs pendant les deux années qui précèdent la perte de l’assurance. La raison pour laquelle l’assurance a été perdue n’a pas d’importance : départ à la pension ou à la prépension, licenciement, démission, résiliation de l’assurance par l’employeur, etc. L’assureur ne peut pas soumettre l’assuré à un nouveau stage. Il n’est pas tenu d’accorder à l’assuré individuel le tarif consenti collectivement. La prime individuelle peut tenir compte de l’âge et de la profession de l’assuré au moment de la poursuite du contrat. Et bien entendu, la personne devra payer elle-même l’ensemble de la prime, y compris la partie qui, antérieurement, était éventuellement prise en charge par l’employeur.
Par contre, l’assureur ne peut pas soumettre la personne à un nouvel examen médical, ni refuser la couverture en raison du fait que le risque serait réalisé, ni augmenter la prime en fonction de l’évolution de l’état de santé depuis l’affiliation à l’assurance liée à la profession. Le nouveau contrat individuel doit offrir une couverture au moins « similaire » à celle du contrat d’origine. La couverture est considérée comme similaire si elle reprend les éléments suivants du contrat lié à la profession :
— le choix de la chambre : uniquement chambre commune ? Prise en charge des suppléments pour chambre individuelle ou à deux lits ?
— la formule de remboursement : frais réels ? Tarif INAMI ? Forfait ? Total ou partiel ?
— pré et post-hospitalisation : couverture des soins ambulatoires avant ou après l’hospitalisation ? Si ces frais sont couverts, ils doivent l’être pendant au moins 1 mois avant et 3 mois après l’hospitalisation ;
— prise en charge des soins ambulatoires pour maladies graves ?
L’employeur est tenu d’avertir le bénéficiaire, au plus tard dans les 30 jours de la perte de l’assurance, de la possibilité de continuer le contrat. Le bénéficiaire a 30 jours pour informer l’assureur de son intention de continuer la couverture. Ce délai prend cours le jour de la réception du courrier de l’employeur. Il expire en toute hypothèse 105 jours après la perte de la couverture. Le bénéficiaire peut demander à l’assureur de prolonger le délai de 30 jours supplémentaires. L’assureur a 15 jours pour faire une offre. L’assuré a 30 jours pour accepter l’offre. Toutes les communications prévues pour cette procédure se font par écrit « ou par voie électronique ».
La loi prévoit également diverses dispositions pour avertir le bénéficiaire de la possibilité de préfinancer la continuation de son assurance liée à la profession… si cette possibilité est offerte par l’assureur. Les assureurs se tâtent encore pour savoir s’ils offriront cette possibilité.

Assurances non liées à la profession

L’assuré peut, comme pour toutes les assurances, résilier annuellement son contrat. L’assureur, par contre, ne peut pas résilier le contrat, sauf pour faute de l’assuré (non-paiement des primes, faute dans la déclaration du risque). Il ne peut pas non plus modifier la prime ou les conditions de la couverture, notamment en fonction de l’âge ou de l’évolution de l’état de santé. La prime peut, par contre, être indexée. Elle peut aussi être adaptée en fonction d’un indice, à établir par arrêté royal, d’évolution du coût de l’assurance en raison du coût des soins de santé et de la couverture de la sécurité sociale.
En ce qui concerne les affections préexistantes, le principe général des assurances privées est qu’on ne couvre pas les risques existant au moment où l’assurance est souscrite. On notera que ce principe ne s’applique pas au régime légal, et que certaines assurances solidaires, notamment certaines assurances mutuellistes, n’appliquent pas ce principe ! Si l’assureur applique ce principe, ce qui est généralement le cas des assureurs privés, la loi prévoit quelques règles de protection du consommateur. D’une part, l’assureur ne peut appliquer cette règle que pour les affections diagnostiquées dans un délai de 2 ans après l’affiliation, même si des symptômes s’étaient déjà manifestés avant.
D’autre part, il ne peut pas refuser d’assurer une personne handicapée ou un malade chronique. Il peut par contre exclure de la couverture le coût lié à ce handicap ou à cette maladie, étant entendu que, dans ce cas, la prime doit être établie abstraction faite de ce handicap ou de cette maladie. Cette dernière mesure est temporaire : elle est en vigueur jusqu’au 30 juin 2011 ; en fonction d’une évaluation, elle peut être maintenue par arrêté royal.

Des critiques

Même si ces dispositions offrent une protection au consommateur, le système comporte des lacunes fondamentales, relevées notamment par le CRIOC. D’une façon générale, la loi n’oblige pas à créer une solidarité entre les personnes en fonction de leur état de santé. Les protections qu’elle accorde consistent essentiellement dans le droit, pour l’assuré, de continuer aux mêmes conditions un contrat conclu alors qu’on était en bonne santé, même si l’état de santé se détériore. Mais puisqu’on n’interdit pas d’une façon générale de tenir compte de l’état de santé, cela revient à « river » l’assuré à son contrat d’origine : il est illusoire de penser que, devenu malade, il trouvera un assureur qui proposera un contrat couvrant mieux ses besoins spécifiques. Certaines protections semblent relativement faibles. Le CRIOC relève par exemple que la loi permet d’exclure d’une façon générale les soins liés à un handicap ou à une maladie chronique préexistante, même si ce lien n’est qu’indirect.
La même observation peut être faite en ce qui concerne la prise en compte des facteurs très corrélés à l’état de santé, notamment l’âge. Certes, si on souscrit une assurance « non liée à la profession », la prime ne peut pas être adaptée en fonction de l’âge… tant qu’on reste dans le cadre de la même assurance. Mais elle peut l’être si on change d’assureur, si on passe d’une assurance collective à une assurance individuelle, etc.
Les assurances privées coûteront plus cher au moment où on en a le plus besoin… et au moment où les revenus diminuent en raison du passage à la retraite. Le conseil de l’égalité entre hommes et femmes relève que ce risque atteint proportionnellement plus les femmes, dont les pensions sont en moyenne inférieures à celles des hommes.
En ce qui concerne le sexe, la loi n’interdit pas formellement de faire des différences dans la couverture ou dans le taux de prime, sur la base du genre, ou sur la base du risque de grossesse ou de maternité. Une telle interdiction se trouve dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre les discriminations entre hommes et femmes. On a critiqué le fait qu’on s’est abstenu de rappeler cette interdiction dans la législation des assurances ; certains se sont demandé si cela ne manifestait pas la volonté de déroger implicitement à la législation anti-discrimination.
En ce qui concerne les assurances pour autrui, notamment les assurances collectives souscrites par les employeurs au profit de leur personnel, la loi ne prévoit pas d’action directe du bénéficiaire contre l’assureur. Contrairement à ce que prévoit, par exemple, la législation sur les accidents du travail, un litige avec l’assureur au sujet de l’étendue de l’assurance devient donc un litige avec l’employeur, ce qui peut dissuader le travailleur de faire valoir ses droits.
Du côté des mutualités, on critique à juste titre le fait que, contrairement à ce qui se passe dans le système légal, et aussi dans le cadre de certains systèmes complémentaires proposés par les mutualités, les assureurs privés ne font guère d’efforts pour obtenir des prestataires de soins des engagements tarifaires, et se contentent de répercuter sur les assurés — ceux du moins qui peuvent se le permettre — les suppléments de coûts réclamés par les prestataires. Leur action contourne tous les efforts faits dans le cadre du système légal pour maîtriser les dépenses et contribue à l’inflation des dépenses et à l’opacité du financement des hôpitaux.
C’est cette caractéristique qui est à l’origine de l’inefficacité souvent relevée des systèmes de santé basés sur les assurances privées, comme le système américain, beaucoup plus cher que les systèmes européens, et qui laisse sans protection suffisante une proportion élevée de la population. Une autre explication relève de tout ce que l’on peut ranger sous l’appellation de « frais d’administration », beaucoup plus élevés que dans un système public de santé, ou même que dans un système mutuelliste comme le système belge. Un document de l’OCDE, datant déjà de la présidence de Bill Clinton, relevait qu’il y a davantage d’employés d’assurance soins de santé dans la seule ville de Boston (600 000 habitants) que d’employés du système de santé pour l’ensemble du Canada (34 millions d’habitants).

En conclusion

Aucun système privé, et a fortiori aucun système fonctionnant sur une base commerciale, ne sera jamais plus solidaire et plus équitable, ni même moins cher ou plus efficace, qu’un système légal. Ce qui ramène à l’efficacité du système légal lui-même. Comme on l’a relevé en introduction, il est jusqu’à un certain point logique que le système légal ne couvre pas l’ensemble des prestations, lorsqu’il s’agit de « luxe » ou de prestations non « nécessaires » (étant entendu que ces mots sont sujets à interprétation !).
Par contre, il est moins acceptable que le système légal ne couvre pas correctement des soins de base, comme ceux couverts par des produits comme l’Hospi-solidaire des mutualités chrétiennes francophones (hospitalisation en chambre commune ou à deux lits moyennant franchise).