Alors que l’été a été marqué par l’incroyable incurie du gouvernement dans la question des sans-papiers et, en conséquence, la multiplication d’actions désespérées de certains d’entre eux (grèves de la faim, de la soif, occupations de grues...), Jean-Marie Faux propose dans les lignes qui suivent un regard rétrospectif sur la politique d’asile menée par la Belgique depuis les années 1950. Un regard qui met en lumière la principale cause des difficultés actuelles : lenteurs des procédures et climat de méfiance croissant entre les différents protagonistes de ce difficile dossier.

 La Belgique a ratifié la Convention de Genève de 1951 par une loi en date du 26 juin 1953. Cette loi confiait la compétence de reconnaître la qualité de réfugié au ministre des Affaires étrangères. Elle autorisait celui-ci à déléguer cette compétence à « l’autorité internationale investie par les Nations Unies de la mission de protéger les réfugiés », c’est-à-dire au Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR). Ce fut chose faite par l’Arrêté Royal du 22 février 1954. Ce système de délégation des pouvoirs, propre à la Belgique, devait entrer en vigueur le 21 avril 1954 et le demeurer jusqu’au 1er février 1988. Pendant longtemps ce système a fonctionné sans problème. Les demandes d’asile concernaient soit des personnes isolées qui réussissaient à passer le Rideau de fer et étaient en général accueillies à bras ouverts, soit les victimes de crises violentes et ponctuelles bien identifiées, dans des pays communistes (Hongrie, Vietnam…) ou dans des dictatures (Grèce, Chili…), qui suscitaient la solidarité internationale. En Belgique, cette arrivée de demandeurs d’asile ne représentait qu’une part infime du flux d’immigrés. Après la Seconde Guerre mondiale, le pays a connu une forte immigration de main-d’œuvre, en provenance d’abord d’Italie, puis d’Espagne et de Grèce, enfin de Turquie et du Maroc. Une politique favorable aux familles a encouragé l’implantation stable d’une nombreuse population d’origine étrangère. En 1974, en raison de la récession économique, l’immigration de main-d’œuvre a été arrêtée et cette mesure, bien qu’elle n’ait fait l’objet ni d’une loi, ni même d’un arrêté royal, est encore en vigueur. Paradoxalement, c’est seulement le 15 décembre 1980, six ans après l’arrêt de l’immigration, que fut enfin votée la loi « sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers », qui permettait de sortir d’un flou juridique qui laissait trop de champ à l’arbitraire de l’administration. Le chapitre 2 de cette loi (art. 48 à 57), consacré aux réfugiés, entérinait la pratique en cours.
Avec l’arrêt de l’immigration économique, deux voies d’accès demeuraient ouvertes : le regroupement familial et l’asile. Parmi les immigrés les plus récents, Turcs et Marocains surtout, il y avait encore beaucoup d’hommes seuls qui ont fait venir leurs familles dans les années qui ont suivi. L’arrêt de l’immigration de travail a été effectif pendant environ 10 ans. La gestion de l’asile continuait sans problème. C’est au milieu des années 1980 que la situation a changé. En 1981, notre pays avait enregistré 2 400 demandes d’asile dont 81,5 % furent reconnues ; dès 1985, les demandes s’élevaient à 5 300 et le taux d’acceptation était tombé à 38 %. L’accroissement du nombre des demandes s’accompagnait d’une diversification des pays d’origine et d’une moindre évidence des causes d’exil. On peut dire que chaque crise du Tiers Monde envoyait vers l’Europe son contingent de candidats réfugiés. Dès 1989, la tendance fut encore accentuée avec l’effondrement du monde communiste et l’embrasement de l’ex-Yougoslavie. L’État dut faire face à cette situation par des mesures d’urgence ; le système d’accueil en usage jusqu’alors fut débordé, les CPAS, notamment dans la Région bruxelloise, se déclaraient incapables d’assurer la subsistance des candidats réfugiés et se plaignaient des retards des remboursements de l’État. Le 13 novembre 1986 est inauguré à Bruxelles le Centre d’hébergement du Petit Château qui sera vite surpeuplé et Mme Miet Smet, Secrétaire d’État à l’émancipation sociale, ébauche un « plan de répartition » des candidats réfugiés entre les communes du Royaume.

 Nouvelles instances

C’est dans ce contexte que l’ancien système qui confiait au représentant du HCR à Bruxelles la reconnaissance du statut de réfugié fut abandonné et que furent créées les instances nationales appropriées, à savoir le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) et la Commission permanente de recours des réfugiés. La nouvelle loi fut votée le 14 juillet 1987. Le système mis en place prévoyait un examen préliminaire par l’Office des étrangers, examen qui pouvait déjà écarter une demande comme « manifestement non fondée » et portait donc en fait sur le fond de la question. Le CGRA entra en fonction en février 1988, la Commission de recours ne fut mise en place que plusieurs mois plus tard. La procédure mise en place était longue et compliquée. Comme en outre le gouvernement avait grossièrement sous-estimé les moyens nécessaires à cette nouvelle administration, en moins d’un an, les arriérés furent considérables. L’administration et les gouvernements n’ont pas cessé depuis lors de tenter d’améliorer la situation : pas moins de trois lois nouvelles ont vu le jour en moins de dix ans : la loi Wathelet en 1991, la loi Tobback en 1993, la loi Vande Lanotte en 1996. Chaque modification prétend simplifier la procédure, mais vise aussi à la rendre plus stricte. Les lenteurs de procédure et le climat de méfiance qui y règne trop souvent sont sans doute les causes principales de l’augmentation du nombre des illégaux ou sans-papiers : beaucoup de ceux-ci sont des demandeurs d’asile déboutés après une longue procédure.
Depuis l’automne 1986, période où se produisit le premier flux sensible de demandeurs d’asile marquée notamment par l’ouverture du Petit Château, les organismes spécialisés, les services sociaux, les associations n’ont cessé de se mobiliser pour le respect du droit d’asile et un accueil humain des candidats réfugiés. Le 15 novembre 1986, le Forum droit d’asile, « association momentanée de réfugiés et de personnes et organisations impliquées dans leur accueil », organise une journée de réflexion et de sensibilisation, dont le communiqué final formule, d’une part, l’inquiétude des participants concernant les garanties d’indépendance des organes prévus (le futur CGRA) et, d’autre part, leur préoccupation sur les conditions d’accueil par les CPAS. Ces deux thèmes et ces deux combats vont marquer les années suivantes. Les coordinations et plateformes se succèdent : en 1987, le Comité de l’appel pour le droit d’asile ; à partir de 1989, le Comité réfugiés 89-92 ; à partir de 1992, des comités de vigilance se créent dans les différentes villes et régions du pays, avec un organe de liaison, la Plateforme de vigilance ; en 1995 enfin, la plateforme pour le retrait de la loi Vande Lanotte. À chaque projet de modification de la loi, comme à chaque changement dans la gestion de l’accueil, répondent des réactions des services et associations concernés qui mobilisent plus ou moins largement l’opinion publique. Ces services et associations spécialisés dans l’accueil des réfugiés sont la Croix Rouge, Caritas, Aide aux personnes déplacées, etc., regroupés dans un organisme de coordination : le Comité belge d’aide aux réfugiés (CBAR). Avec l’évolution institutionnelle de la Belgique, les compétences qui concernent l’insertion des réfugiés dans la société sont communautarisées : en 1987, du côté flamand, est créé l’OverlegCentrum Integratie Vluchtelingen (OCIV), aujourd’hui VluchtelingenWerk Vlaanderen. Du côté francophone, les nouvelles missions sont confiées au CIRÉ — Centre d’initiation pour réfugiés et étrangers —, une organisation d’éducation permanente qui existait depuis 1954, avec pour principale mission l’enseignement du français et autres activités de formation (depuis 1996, le sigle signifie Coordination et initiatives pour et avec réfugiés et étrangers).

Début de la contestation

Il est notoire que ces organismes qui, jusqu’alors, travaillaient en bonne et étroite collaboration avec les autorités publiques, sont sur la défensive dès 1986 et vont participer, plus ou moins ouvertement suivant les cas, aux mouvements de contestation des projets ou décisions gouvernementales. Au même niveau de l’aide spécialisée, se retrouvent beaucoup de services sociaux locaux qui seront parfois les chevilles ouvrières des comités de vigilance. S’engagent aussi, dès le début, les associations de défense des droits comme la Ligue des droits de l’homme et le MRAX, ou encore, plus spécialisée, l’Association pour la défense des droits de l’étranger. Du côté chrétien, se mobilisent notamment la Commission Justice et Paix, Vivre ensemble et les différentes composantes du Mouvement ouvrier chrétien. Enfin des organisations et partis de gauche : Solidarité socialiste, Parti du travail de Belgique… Les syndicats ne paraissent pas présents comme tels à ce stade.
En novembre 1995, un document des évêques de Belgique suscitera une très vive réaction du commissaire général de l’époque, Mark Bossuyt, à cause d’une phrase où ils osaient affirmer : « Le danger de mourir de faim, pour ceux qu’on appelle les réfugiés économiques, ne diffère pas essentiellement du danger de mort résultant de persécutions pour des motifs politiques ou religieux ». On entrait alors dans une nouvelle phase, et de la politique d’asile, et de la résistance. En raison des retards accumulés, le nombre des personnes en situation irrégulière devenait considérable. Le centre de l’attention s’est peu à peu déplacé de l’accueil des demandeurs d’asile vers la protection des déboutés ou la résistance aux centres fermés, puis vers la question plus générale des illégaux. Dès 1993 a été créée à Bruxelles la structure Steunpunt begeleiders uitgeprocedeerden (Point d’appui aux personnes déboutées) qui deviendra en 1997 Steunpunt Mensen zonder papieren.
Annoncé en septembre 1995, le projet de loi Vande Lanotte soulève une opposition sans précédent : 240 organisations signent la Plateforme pour le retrait. Une grande manifestation, le 31 mars 1996, scande le slogan : « Les étrangers ne sont pas un danger, ils sont en danger ». La Commission de l’Intérieur de la Chambre procède à de larges auditions, mais la loi est finalement votée le 4 avril 1996. Les services sociaux, les associations, certains milieux politiques prennent conscience qu’il n’y a pas seulement un problème de gestion de l’asile, mais, plus largement, la réalité d’un nouveau mouvement migratoire complexe et aux contours essentiellement mouvants. On commence à parler des illégaux, à envisager la nécessité d’une opération de régularisation comme il y en eut une en 1974 en Belgique, comme il en est beaucoup d’exemples alors en divers pays européens, afin d’assainir la situation. C’est dans ce contexte que se constitue en juin 1998 le Mouvement national pour la régularisation des sans-papiers et des réfugiés (MNRSPR). Mais, avant même que cette coordination ait commencé sa campagne, la naissance d’un autre groupe, le « Collectif contre les expulsions » et, surtout, la fin tragique de Sémira Adamu, étouffée par des gendarmes lors d’une tentative d’expulsion le 22 septembre 1998, auront donné à leur combat une intensité nouvelle.

Concertation et actions

Le MNRSPR se présente à la presse le 14 juillet 1998. Il rassemble à sa création 32 associations, flamandes et francophones, parmi lesquelles l’OCIV et le CIRÉ qui en sont les chevilles ouvrières ; on voit apparaître la FGTB et la CSC. Le Mouvement propose un plan en quatre points : une mesure ponctuelle de régularisation pour tout étranger qui peut attester d’un séjour de cinq ans en Belgique, et des mesures structurelles : régularisation de toute personne qui est depuis trois ans en procédure, examen individualisé de la demande pour les autres, et statut de protection complémentaire pour les personnes provenant de pays en crise grave. Mais, tandis que cette vaste concertation se met laborieusement en place, des militants de base se sont engagés dans une action plus directe en s’en prenant à l’aspect le plus odieux de la politique d’asile, les expulsions forcées. Depuis le 20 avril, des membres du Collectif contre les expulsions d’étrangers se rendent régulièrement à l’aéroport de Zaventem, lorsqu’ils apprennent que des étrangers vont être rapatriés contre leur gré ; ils parlent avec les passagers et les pilotes, sachant que si des passagers s’opposent à cet embarquement, l’avion ne décollera pas. Le Collectif soutient notamment Semira Adamu, une jeune femme nigériane, qui a fui son pays pour ne pas être mariée de force à un homme de 65 ans ; en juin, il a fait échouer une première tentative de rapatriement. Le 22 septembre, lors d’une nouvelle tentative, les gendarmes réduisent la résistance de la jeune femme par la technique du coussin ; étouffée, elle doit être transférée à l’hôpital où elle décède quelques heures plus tard. L’émotion est vive. Le ministre de l’Intérieur, Johan Vande Lanotte démissionne ; il est remplacé par un autre socialiste flamand, Luc Van den Bossche. Celui-ci essaie de faire face : il crée une commission pour étudier les conditions d’expulsion ; il fait part des critères qu’il entend suivre pour d’éventuelles régularisations. Mais il maintient le cap de la politique de ses prédécesseurs, notamment en ce qui concerne les centres fermés. Celui de Vottem est créé fin 1998 et un Arrêté Royal officialise le régime des centres. C’est dans ce contexte que la campagne du MNRSPR démarre et se poursuit. En octobre 1998, des sans-papiers occupent des églises à Bruxelles (Béguinage), Liège, Anvers, Verviers et Mons. Certains d’entre eux entreprennent des grèves de la faim. Plusieurs actions de sensibilisation et manifestations vont ponctuer les mois suivants. Mais le mouvement de résistance est traversé par une tension : le MNRSPR, et surtout les grandes organisations qui l’animent, sont contestés par le Collectif contre les expulsions et d’autres associations radicales qui revendiquent des papiers pour tous, la suppression des centres fermés, la fin des expulsions. C’est le slogan « Frontières ouvertes ». La tension se fait sentir aussi à l’intérieur d’associations comme la Ligue des Droits de l’Homme ou le MRAX. C’est une donnée qui s’avèrera permanente dans la suite et qu’on ne peut sans doute pas éliminer dans une société démocratique.
Après quatre ans d’une législature marquée par le dysfonctionnement des institutions dans l’affaire Dutroux et qui se termine avec la crise de la dioxine, les élections du 13 juin 1999 donnent naissance à un gouvernement de composition inédite, « l’arc-en-ciel ». Au sein de celui-ci, les écologistes (Écolo et Groen) qui s’étaient fort engagés notamment contre les centres fermés, soutenus surtout par le Parti socialiste, vont faire adopter ce qui jusque-là avait été rejeté systématiquement : le principe d’une opération de régularisation. La déclaration gouvernementale promet, en matière d’asile, d’unir humanité et fermeté. Pourtant, le nouveau ministre de l’Intérieur, Antoine Duquenne (MR), souffle d’abord le froid en organisant une opération d’expulsion de Roms slovaques qui vaudra à la Belgique une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme. Il provoque aussi la panique de l’administration en annonçant une refonte complète des institutions et des procédures — réforme qui n’aboutira, partiellement, qu’en juin 2006. Mais, après quelques péripéties, il met tout de même en route l’opération de régularisation.

La régularisation de 2000

C’est une loi votée le 22 décembre 1999 qui organise l’opération. Quatre catégories de personnes pourront bénéficier de la régularisation : les demandeurs d’asile qui n’ont pas reçu de décision exécutoire dans un délai de quatre ans (trois s’ils ont des enfants en âge d’école) ; les personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne peuvent retourner dans leur pays ; celles qui sont gravement malades ; enfin les personnes qui peuvent faire valoir des circonstances humanitaires et ont développé des attaches sociales dans le pays. Ces critères recoupent en partie ceux que défendait le MNRSPR, mais restent en retrait par rapport à ceux-ci en abandonnant notamment l’idée d’une régularisation possible à titre ponctuel pour toute personne vivant dans le pays depuis cinq ans, quel que soit son statut. L’opération démarre le 10 janvier 2000, il faut bien le dire, dans un certain scepticisme : les critères semblent limitatifs, difficiles à établir, la décision finale dépend toujours du ministre… Certains services sociaux déconseillent même à des illégaux de se manifester de peur que cela ne se retourne contre eux… Pourtant, entre le 10 janvier et le début février quelque 32 000 dossiers sont déposés, concernant plus de 50 000 personnes. L’opération met du temps à s’organiser : elle était censée durer un an, mais en prend plus du double. Globalement, elle est positive. Environ 80 % des demandes ont été acceptées. Dans un moment de grâce, un traitement humain des dossiers a pu s’imposer à l’administration et se faire reconnaître du monde politique. Du point de vue des associations, c’était une victoire, la preuve qu’une politique raisonnable et généreuse n’était pas impossible. Du point de vue officiel, n’avait-on pas atteint l’objectif qui avait justifié la mesure : assainir la situation et pouvoir repartir d’un bon pas dans un traitement rapide, équitable et efficace des dossiers qui exclurait à l’avenir tout encombrement ? C’était compter sans les aléas de la vie internationale et les pesanteurs de l’administration.

Arriérés

L’année 1999 avait connu un premier pic dans le nombre des demandes d’asile : 35 778. 75 % d’entre elles proviennent de l’Europe centrale et orientale, 37,2 de l’ex-Yougoslavie. En 2000, il y en aura 42 691. Le projet de réforme de la procédure, annoncé par le ministre Duquenne dès l’automne 1999, est l’objet de critiques de la part des associations et de discussions au sein même du gouvernement. Mais deux circonstances vont changer la donne. Le gouvernement inscrit dans la loi-programme de 2000 la décision de ne plus donner l’aide sociale en espèces aux demandeurs d’asile en procédure de recevabilité, mais de les héberger dans des centres ouverts. En même temps, un nouveau Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides entrait en fonction : M. Pascal Smets qui avait jusque-là au cabinet de l’Intérieur la supervision de ce qui concernait l’asile. Celui-ci entreprend de donner à la procédure un rythme beaucoup plus rapide. Il applique le principe Last in First out : les dernières demandes introduites après le 1er janvier 2001 sont traitées en priorité et rapidement afin de donner un signal aux éventuels demandeurs. Le nombre des demandeurs d’asile diminue fortement : alors que, pour les six derniers mois de 2000, on avait enregistré 26 726 demandes, on n’en compte plus que 12 673 au premier semestre de 2001. Dans les premiers jours de 2002, le ministre fait état de cette diminution ainsi que du rapatriement de 15 000 déboutés dans l’année écoulée. « Devant des évolutions si encourageantes », il informe que le gouvernement ne croit plus nécessaire de mettre en œuvre la réforme projetée. Mais on ne dit rien des 47 500 dossiers déposés avant le 1er janvier 2001. Ainsi, pendant que l’opération de régularisation qui était censée assainir la situation arrive péniblement à son terme, on laisse sans vergogne s’accumuler à nouveau les arriérés avec toutes les conséquences pénibles que cela entraîne.
C’est devant cette situation de blocage que plusieurs des protagonistes de l’ancien MNRSPR vont prendre l’initiative de susciter une nouvelle concertation pour réclamer une politique de l’asile plus efficiente, plus juste et plus humaine. Le Forum Asile Migrations (FAM) se constitue à l’automne 2002 : à partir de novembre, plusieurs groupes de travail élaborent un ensemble de propositions qui représentent « une véritable alternative à la politique du gouvernement ». Cinq chapitres abordent successivement les causes des migrations, les migrations (différents statuts), l’asile, la non-discrimination et tout ce qui concerne l’accès au territoire et l’éloignement (centres fermés, éloignements forcés, double peine…). Le champ est large. La participation aussi : autour des quelque vingt organisations qui portent l’initiative, il y aura bientôt jusqu’à 120 adhésions, organisations grandes et petites, des deux communautés linguistiques. Aux manettes, les deux « spécialistes » : l’OCIV, qui deviendra bientôt Vluchtelingenwerk Vlaanderen, du côté flamand, le CIRÉ du côté francophone. En 2004, naît l’Union de défense des sans-papiers (UDEP), qui va s’organiser dans plusieurs villes et sera la cheville ouvrière de la grande vague d’occupations d’églises et autres lieux publics qui se développe entre mars et juin 2006. Le FAM met au point une revendication bien précise en la matière : inscription dans la loi de critères de régularisation et institution d’une commission permanente et il se tiendra fermement à cette position. Il maintient la pression sur le monde politique par des actions significatives de 2004 à 2007. Il s’agit aussi de maintenir le problème présent dans l’opinion publique.


(*) Centre Avec.
De nombreuses analyses de la politique belge d’asile et d’immigration sont disponibles sur le site www.centreavec.be

Défaillances, cafouillages, et autres
irresponsabilités...

La question de la régularisation des sans-papiers constitue une importante pomme de discorde entre les organisations membres du Forum Asile et Migrations (FAM) et le gouvernement Leterme. L’accord dudit gouvernement annonce un cadre clair pour une circulaire sur la régularisation des sans-papiers. Le FAM a travaillé avec différents cabinets ministériels pour concrétiser les modalités de cette régularisation. Sans succès. En lieu et place d’un gouvernement — c’est-à-dire d’une équipe, avec un projet —, ce sont des ministres se renvoyant la responsabilité sur fond de manœuvres politiques pour revenir sur des accords établis qui ont jusqu’à présent géré le dossier. Le FAM ne demande pas la lune, simplement la mise en œuvre de l’accord de gouvernement dans une circulaire. Le projet de la ministre Turtelboom de « permis à point » discuté en mai et juin proposait des critères déséquilibrés, voire absurdes, de régularisation. Le 25 juillet, le gouvernement part en vacances sans apporter de réponse à la crise. Des actes désespérés sont posés (grues prises d’assaut), et l’on assiste au débat hallucinant de savoir quelle autorité publique est responsable de la sécurité ! Défaillance du politique, irresponsabilité, mauvaise gouvernance : le dossier des sans-papiers a, cet été, offert le décor d’un très mauvais spectacle politique.
C.D.

Le Gavroche

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