La Belgique n’est pas passé loin de la crise de nerfs, le 22 avril dernier lorsque culminait le psychodrame communautaire. Une fois de plus, le conflit communautaire nous amènera aux urnes le 13 juin prochain, même si, pour la plupart des citoyens, ce conflit devient chaque jour plus incompréhensible. À la veille des élections, nous avons donc souhaité faire un tour approfondi de la question, sous les angles historiques et politiques, pour tenter d’en comprendre les enjeux stratégiques et la dynamique des acteurs politiques belges. Pour ce faire, le directeur du CRISP, Vincent de Coorebyter, a aimablement accepté de répondre en détail à nos questions. Un dossier de Démocratie à lire pour mieux comprendre ce qui nous attend après les élections…


– Quels sont selon vous les enjeux stratégiques de BHV pour le monde politique flamand et francophone ?

Si l’on veut démarrer sur les enjeux, la première chose à dire, c’est que la demande de scission est flamande. Si les francophones étaient seuls dans le jeu politique, on ne parlerait pas de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), en tout cas pas de la manière dont on en parle. Il faut donc forcément commencer par ce qui se passe en Flandre. Et il me semble qu’il y a trois lectures possibles.

La première est une lecture minimaliste qu’il faut, je pense, écarter d’emblée. C’est celle qui consisterait à dire : avec BHV, on a affaire à une circonscription électorale utilisée pour les élections de la Chambre, du Sénat et du Parlement européen, donc à un enjeu électoral pour les partis flamands, auquel s’ajoute l’arrêt de la Cour d’arbitrage (aujourd’hui Cour constitutionnelle) du 26 mai 2003, qui impose de régler une question juridique. Cette interprétation minimaliste, que l’on entend de temps en temps, n’est pas recevable. Un enjeu électoral et juridique fondé sur un arrêt aussi ambigu que celui de la Cour d’arbitrage ne conduit pas à faire tomber un gouvernement et à la crise politique majeure qu’on a connue le 22 avril, jour où l’Open VLD annonçait qu’il quittait le gouvernement et où l’on a assisté à cette séance de la Chambre qui a failli mal tourner. Cette thèse est d’autant plus irrecevable qu’à côté de la demande de scission de la circonscription électorale, il y a aussi une pression flamande pour la scission de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, arrondissement qui couvre également à la fois les 19 communes de Bruxelles et l’arrondissement de Hal-Vilvorde. La simple présence de la demande de scission de l’arrondissement judiciaire montre qu’on est largement au-delà d’une problématique étroitement partisane ou strictement juridique.

À l’autre extrême, on a la thèse maximaliste, c’est-à-dire l’interprétation qui donne le plus d’impact à la scission de BHV. Une interprétation qui n’est pas forcément fausse, mais qui ne peut sans doute pas valoir pour l’ensemble des acteurs politiques flamands ou des groupes de pression qui demandent la scission de BHV. Cette thèse, c’est l’idée que des forces politiques en Flandre préparent l’autonomie pure et simple de leur Région, et donc la fin de la Belgique. Et elles souhaitent avoir l’assurance que le jour où la Belgique éclate, la frontière linguistique sera la base de la frontière du nouvel État flamand. Ce qui est sous-jacent à ce raisonnement, c’est l’idée qu’il y a en droit international une règle, majoritairement admise, selon laquelle, en cas d’éclatement d’un pays, ce sont les frontières administratives internes préexistantes à l’éclatement qui servent de base à la fixation des nouvelles frontières externes des différentes composantes du pays éclaté, et ce, dans un souci de continuité et de pacification. Sur la base de ce principe, les Flamands auraient tout intérêt, pour ceux qui visent l’indépendance, à ce que la frontière judiciaire et électorale coïncide avec la frontière administrative, avec la frontière linguistique, avec la frontière des Régions et avec la frontière des Communautés. Si toutes ces frontières ne coïncident pas, il y a une discussion possible sur Hal-Vilvorde en général, et sûrement sur les six communes à facilités en particulier. Car il y a là une succession de reconnaissances des droits des francophones (circonscription électorale, arrondissement judiciaire et régime des facilités).

La frontière linguistique fixée en 1962-1963 est administrative. Son sens est de permettre de situer en toute clarté toute commune dans une des quatre régions linguistiques (régions unilingues de langue néerlandaise, de langue française, de langue allemande, et région bilingue de Bruxelles-Capitale), et donc de lui attribuer un statut administratif clair sur le plan linguistique. Le sens initial de la frontière linguistique est donc très réduit, selon l’article 4 de la Constitution 1. Mais elle a servi de base pour dessiner les territoires des Régions, ainsi que pour délimiter les territoires sur lesquels les Communautés sont compétentes. Dès lors, si l’on se situe dans une perspective d’éclatement de la Belgique, tout indique que la frontière linguistique est la base d’un futur État flamand autonome. Sauf que, sur le plan électoral et sur le plan judiciaire, on ne suit pas strictement le tracé de la frontière linguistique : avec BHV, il y a une sorte d’extension de la région bilingue de Bruxelles-Capitale à un arrondissement de la Région flamande (Hal-Vilvorde). En cas d’éclatement de la Belgique, les habitants francophones de la périphérie pourraient, à bon droit, dire que la Flandre ne peut pas partir avec le territoire de Hal-Vilvorde sans discussion, et certainement pas avec les six communes à facilités de la périphérie bruxelloise. L’entorse à la fixation d’une frontière à usage multiple que constitue Hal-Vilvorde pourrait donc empêcher une Flandre indépendante de revendiquer de plein droit Hal-Vilvorde comme appartenant à son territoire national.

— Cette interprétation maximaliste signifierait que l’importance du dossier BHV est étroitement liée à la vigueur des revendications indépendantistes flamandes ?

C’est l’interprétation de certains, dont Olivier Maingain. Le FDF s’inquiète publiquement de cette hypothèse d’éclatement de la Belgique et de cette revendication de voir toute la région de langue néerlandaise, y compris la périphérie bruxelloise, appartenir de plein droit à la Flandre. Dans le positionnement du FDF, il y a le souci de préserver, sinon BHV en tant que tel, ce qui paraît politiquement impossible, du moins les droits des francophones de la périphérie. Ce qui, en cas d’éclatement de la Belgique, permettrait d’entamer une négociation sur le futur pays auquel certaines de ces communes devraient appartenir. Cet enjeu maximaliste est un mobile crédible pour les partis indépendantistes, c’est-à-dire le Vlaams Belang et, pourquoi pas, la N-VA. Mais c’est beaucoup plus hypothétique pour les autres. On peut imaginer que ceux-ci se disent qu’effectivement, à moyen terme, ils ont tout intérêt à faire coïncider toutes les frontières « au cas où ». Mais il est douteux que cela soit le mobile principal de leur pression actuelle pour la scission de BHV. En effet, des partis flamands peuvent très bien vouloir scinder BHV tout en étant convaincus que l’on va préserver le cadre belge. Pour les francophones, c’est presque s’illusionner ou se rassurer que de se dire qu’ils veulent scinder BHV parce qu’ils veulent l’indépendance de la Flandre. Cela signifierait que si on pouvait convaincre les Flamands qu’il vaut mieux garder la Belgique, ils pourraient renoncer à la scission de BHV.

Les deux scénarios extrêmes me paraissent de nature à rassurer les francophones à bon compte. Soit, on minimalise en se disant que ce sont juste des intérêts particratiques, électoraux, et une question juridique, et que tout est réglé. Soit, on maximalise l’enjeu, en se disant que cela fait partie du rêve des séparatistes. Mais dans les deux cas, on passe à côté de pressions spécifiques sur BHV.

— Quels seraient les motifs selon vous de cette pression flamande qui ne s’inscrirait ni dans le scénario minimaliste, ni dans le maximaliste ?

L’Histoire et les déclarations des acteurs suggèrent que la scission de BHV au plan électoral et au plan judiciaire n’est, du point de vue flamand, que la conséquence naturelle et trop longtemps différée de la fixation définitive de la frontière linguistique, qui s’est opérée en 1962-1963. Fondamentalement, je pense que c’est aussi simple que cela.

On a en fait trois grandes lois qui se succèdent au début des années 1960. En 1961 : la suppression du volet linguistique du recensement de la population. En 1962 : la fixation de la frontière linguistique sauf la délimitation de la région bilingue de Bruxelles-Capitale. En 1963 : on achève de fixer la frontière linguistique en déterminant l’appartenance des communes bruxelloises et des communes de la périphérie qui faisaient discussion, et en même temps, on revoit profondément la loi sur les facilités administratives.
Du point de vue flamand, toutes ces mesures, sauf celles sur les facilités, vont dans le même sens. Il s’agit d’obtenir ce qui est leur principe de base, à savoir la fixation définitive de la frontière. C’est ce qui explique l’abandon du volet linguistique du recensement de la population. La question posée sur l’emploi des langues dans le recensement de la population n’a de sens que si l’on envisage de maintenir le régime de 1921 et de 1932, c’est-à-dire une frontière linguistique mobile qui, pour un certain nombre de communes, va bouger en fonction des réponses des citoyens à la question sur l’emploi des langues dans l’espace familial. Or du point de vue flamand, il faut en finir avec cette question qui détermine le statut linguistique des communes, de sorte que, une fois que la frontière n’est plus fixée par le résultat du recensement, elle doit être fixée par la loi. Mais elle doit être fixée par une loi qui du point de vue flamand est une loi un peu particulière, dite « définitive ». C’est particulier parce que par principe, en démocratie, une loi peut toujours être abrogée par une loi ultérieure. Mais politiquement parlant, ce dont on discutait dans la législature entamée en 1961, c’était bien une fixation définitive de la frontière linguistique. La déclaration gouvernementale de Théo Lefèvre qu’il lit à la Chambre et au Sénat le 2 mai 1961 énonce que « le gouvernement demandera au parlement de fixer la frontière linguistique ». Du point de vue flamand, « fixer » avait un sens définitif, alors que les francophones acceptaient de fixer la frontière dans l’espoir, avant tout, de vider cette question linguistique et de préserver l’unité de la Belgique.

— Pour quels motifs le point de vue flamand est-il d’avoir une frontière définitive ?

L’objectif est de lutter contre ce qu’on appelait à l’époque la « tache d’huile », l’olievlek. L’observation flamande était que Bruxelles, la ville et ses communes attenantes, était jusqu’au XIXe siècle majoritairement flamande. Au cours du XXe siècle, elle s’est progressivement francisée en même temps que l’agglomération bruxelloise s’étendait géographiquement. Ce mouvement de francisation ne connaissait pas de frein naturel.
La loi linguistique de 1932, avec le volet linguistique du recensement, conduisait donc mécaniquement à voir s’étendre la région bilingue de Bruxelles au détriment de la reconnaissance exclusive du néerlandais dans les communes proches de Bruxelles. Des communes officiellement néerlandophones basculaient vers un statut bilingue en étant rattachées à la région bruxelloise. Le dernier recensement de la population a été réalisé en 1947, mais, en raison de résistances flamandes, il a fallu 7 ans (1954) pour qu’on en tire les conséquences à Bruxelles. L’agglomération bilingue de 16 communes passa à 19 avec Evere, Ganshoren et Berchem-St-Agathe. Le spectre est donc de voir cette tache d’huile grignoter la périphérie flamande de Bruxelles. L’obsession flamande était de ne pas perdre à Bruxelles ce qu’ils étaient parvenus à gagner pendant plusieurs décennies en Flandre : le combat flamand sur le plan de la reconnaissance de l’emploi des langues au quotidien (dans la justice, l’administration, à l’école, etc.) a été un combat pour l’homogénéité linguistique de la Flandre. C’est un combat pour que les poches de français et de reconnaissance officielle du français sur le territoire flamand disparaissent les unes après les autres. On a deux grands moments emblématiques : la flamandisation de l’université de Gand dans les années 1930 ; et le transfert forcé de la section francophone de l’Université catholique de Louvain en 1968.
Du point de vue flamand, en 1961, 1962, 1963, on va vers l’homogénéité linguistique intégrale de la Flandre. Et quand les francophones acceptent de discuter du principe de la fixation d’une frontière linguistique, ils reconnaissent, aux yeux des Flamands, la légitimité de leur combat.

— Mais nous sommes dans un contexte politique très différent : il n’y a pas encore de scénario de scission du pays ou d’indépendance de la Flandre…

Non, et on n’est même pas encore dans un contexte fédéral ! Les jeunes CVP en 1962 viennent de défendre un scénario fédéraliste, et cela provoque à l’époque une rupture interne au CVP. On est pleinement dans le combat pour l’homogénéité linguistique, et c’est notamment ce combat qui anime les groupes de pression qui organiseront les deux grandes marches sur Bruxelles au début des années 1960.
Mais les Flamands vont aussi tenter de faire basculer dans leur Région des communes qui n’ont pas si naturellement que cela vocation à s’y trouver. Il est évident que pour les Fourons, cela ne va pas de soi, car il y a à peu près la moitié des habitants qui parlent le français et des patois romands, que géographiquement les Fourons sont tout à fait à leur place dans la province de Liège, et qu’il n’était pas évident de les faire basculer vers un statut unilingue flamand. Mais ils savaient aussi qu’autour de Bruxelles, il y avait des communes où la présence du français était déjà importante et où il y avait des facilités reconnues aux francophones dans certaines d’entre elles. Il n’allait donc pas de soi de placer ces communes purement et simplement en région de langue néerlandaise. À Linkebeek en 1947, la proportion des habitants qui déclaraient parler préférentiellement ou exclusivement français était presque de 40 % déjà. Au début des années 1960, on était au-delà. Donc dans l’esprit des négociateurs et des groupes de pression flamands, on pouvait admettre de reconnaître un certain nombre de droits aux francophones dans la périphérie, mais sans handicaper le principe général d’une frontière linguistique fixe et d’une homogénéité linguistique de droit.

Du côté flamand, on va rapidement vouloir aller plus loin que ce qui avait été obtenu en 1962-1963, en plaidant d’une part pour la scission de BHV, et en donnant d’autre part, et de manière sincère, une interprétation spécifiquement flamande des facilités, à savoir que c’était un régime transitoire destiné à permettre aux francophones de s’adapter, le temps d’une génération, à leur vie dans la région de langue néerlandaise. Or la loi de 1963 sur les facilités ne dit rien de tel. Elle ne donne aucune limite dans le temps au statut des facilités, et ne prévoit même pas un mécanisme d’évaluation de ses effets qui indiquerait que l’on peut revenir sur la loi et ses dispositions. Ce qu’a toujours confirmé Arthur Gilson, ministre PSC de l’Intérieur de l’époque.

Quoi qu’il en soit, très vite en Flandre, on essaie de tirer toutes les conséquences de ce qui se passe en 1962-1963, donc de revenir sur les facilités et sur BHV. Avec la conviction qu’on est dans la simple continuité de ce que les francophones ont accepté en 1961-1963. On estime donc avoir une pleine légitimité à poursuivre le mouvement vers son accomplissement naturel. Or, la lecture francophone est inverse. Des francophones ont certes accepté les lois de 1961-1962-1963. Mais cette acceptation était pour eux le résultat d’un rapport de force, d’une pression flamande extrêmement intense — pèlerinage de l’Yser, actions du VAK, marches sur Bruxelles, etc. — et constante — qui s’était déjà manifestée dans l’entre-deux-guerres — dont ils ont bien dû tirer les conclusions. En finissant par faire droit à certaines revendications flamandes, les francophones n’en admettaient pas nécessairement la légitimité ni toutes les conséquences potentielles. Il fallait certes trouver une solution politique, mais, dans leur esprit, ce n’était pas une manière d’avaliser la vision flamande et toutes ses conséquences.

Par ailleurs, il faut rappeler que les francophones se sont opposés à la fixation de la frontière linguistique. Celle-ci donna lieu à un vote tout à fait particulier en 1962 : la quasi-totalité des parlementaires flamands votant pour la frontière telle que définie (avec notamment le basculement des Fourons), et l’écrasante majorité francophone votant contre. Toute l’opposition francophone au gouvernement social-chrétien/socialiste de l’époque vota contre, mais aussi… la moitié des parlementaires socialistes et sociaux-chrétiens de la majorité ! En outre, en réaction au nouveau tracé linguistique des Fourons, un ministre francophone, le socialiste liégeois Joseph-Jean Merlot, démissionna.
La loi de 1962 est donc typiquement une loi adoptée par une communauté contre l’autre. Ce que, par parenthèse, les francophones ont fait pendant des décennies sans se poser de question au parlement national (tant qu’ils avaient le quasi-monopole de la représentation parlementaire). Toujours est-il que les francophones gardent de ce qui s’est passé en 1962-1963 un souvenir très différent des Flamands. Beaucoup de Flamands ont cru sincèrement qu’on avait fait droit à leur exigence légitime et qu’ils pouvaient donc en tirer toutes les conséquences ; tandis que les francophones ont en fait dû se plier à un rapport de force.

En 1963, du point de vue francophone, on ne peut pas vraiment dire qu’il y ait eu un grand compromis sur la base d’une négociation ouverte de communauté à communauté. Les négociations sont en réalité très tendues, et limitées à la seule majorité gouvernementale. Les francophones sont toujours sous la pression flamande. Ils sont mal préparés. Au départ, ils résistent, et le gouvernement Lefèvre-Spaak finit par remettre sa démission au roi en juillet 1963. Mais le roi la refuse. On a donc une crise politique majeure, de même ampleur que celle qu’on vient de connaître.
Et puis, il y a enfin un vrai temps de négociation entre la remise de démission et la loi du 2 août 1963 : le laps de temps est donc très court. Ce sont les négociations de Val Duchesse, à marche forcée, et au terme desquelles on définit le territoire de la région bilingue de Bruxelles et le régime des facilités pour une série de communes. Donc pour les francophones, il y a bien eu un « compromis » dans ce court laps de temps, mais dans le cadre d’un processus long relevant plutôt du rapport de force. Le résultat est qu’aux yeux des francophones, tout ce qu’on a préservé en 1962-1963 doit l’être par la suite. On ne peut plus rien lâcher des droits des francophones maintenus, parce qu’on a déjà dû concéder tellement aux thèses flamandes. Et l’on parle bien des droits des francophones dans les communes de la périphérie bruxelloise et les Fourons, communes dont il ne va pas de soi qu’elles appartiennent à la région de langue néerlandaise puisque les francophones y constituent plusieurs dizaines de pour cent de la population (même si c’est très variable). Le minimum, pour eux, est que ce qu’on a préservé à ce moment-là soit aussi définitif que la frontière linguistique. Tandis que les Flamands tirent des conclusions exactement inverses de la fixation définitive de la frontière linguistique : il faut aller jusqu’au bout de la logique d’homogénéité linguistique.
Du côté francophone, une force politique va même être créée en 1964 — ce n’est pas un hasard — afin d’essayer de revenir en arrière. Le FDF naît en réaction exclusive aux lois de 1961-1963, avec deux points à son programme : la suppression de ces lois (donc de la frontière linguistique) et la consultation populaire pour déterminer le territoire de Bruxelles et son statut linguistique. Le FDF ne veut donc pas seulement préserver les droits des francophones, mais élargir la Région de Bruxelles en consultant les populations concernées.

À ce contexte, il faut ajouter un élément important. En 1963, outre l’obtention des facilités et le maintien de BHV, on fait une exception à la nouvelle règle générale de l’homogénéité linguistique en créant par la loi un « Arrondissement spécial de Bruxelles » qui englobe les six communes à facilités de la périphérie. Donc on reconnaît qu’il y a une spécificité linguistique des six communes au-delà des facilités et au-delà de BHV électoral et judiciaire. Mais avec une formidable ambiguïté : personne ne peut définir le contenu exact de cet arrondissement. Selon l’expression de l’époque, il « est en l’air ». Or cet arrondissement spécial disparaît dès 1970, avec la grande réforme constitutionnelle. Du point de vue du FDF, en 1970 se referme donc le carcan bruxellois. Il y a là, du point de vue des francophones, un premier recul, même si c’était sur un point ambigu.

DEUXIÈME PARTIE - BHV : UNE VALSE À TROIS TEMPS


– À ce jour, il y a eu trois grands moments de négociation autour de BHV : en 1977-1978, en 2005, et en 2010. Pourquoi et comment ces tentatives de trouver une solution ont-elles toutes échoué ?

Le premier grand temps est le Pacte d’Egmont (1977) et les accords du Stuyvenberg (1978). Ce sont des accords très formels, annexés à des déclarations gouvernementales. Ces accords prévoient que l’on scinde la circonscription électorale de BHV : Bruxelles d’un côté, Hal-Vilvorde de l’autre. On fait droit à la thèse flamande ; on poursuit la logique d’homogénéisation. Mais, dans les six communes à facilités de la périphérie bruxelloise, ainsi que sur quelques sections de communes et quartiers alentour, les électeurs francophones peuvent élire domicile à Bruxelles pour pouvoir voter pour des listes francophones présentées à Bruxelles. C’est ce qu’on appelle le droit d’inscription. C’est la même technique qu’on emploiera pour les Fourons (droit d’inscription à Aubel) et pour Comines-Warneton (droit d’inscription à Heuveland) en 1988. Ce droit d’inscription ne sera pas effectif puisque le Pacte d’Egmont disparaît avec la démission de Léo Tindemans. Mais il reflète tout de même la reconnaissance d’un droit électoral pour les francophones de la périphérie. On maintient aussi un régime de facilités.

En outre, on prévoit de créer dans chacune des 19 communes de Bruxelles et dans les six communes à facilités deux « commissions communautaires communales », une flamande et une francophone. Cela signifie qu’on met les 25 communes sur le même pied. Ces commissions ont pour mission de stimuler les initiatives culturelles des communes et de donner un avis obligatoire sur les projets culturels de la commune et du CPAS. Elles sont donc une sorte de vigie : par exemple, la commission communautaire communale francophone dans une commune à facilités peut agiter une sorte de sonnette d’alarme si la politique communale est jugée trop favorable aux intérêts flamands, et vice-versa. Il est donc intéressant de voir qu’en 1977-1978, on consacre la présence des francophones dans la périphérie malgré la scission de BHV : droit d’inscription électoral, facilités judiciaires et administratives, et commissions communautaires.

— Suite à l’échec du Pacte d’Egmont en 1978, il faudra attendre 2005 pour voir les négociations sur BHV relancées…

En effet, mais il faut d’emblée souligner que les discussions de 2005 n’ont pas abouti à un accord, et que donc les éléments dont on va parler n’avaient pas été formellement adoptés — contrairement aux accords d’Egmont-Stuyvenberg. Les éléments de discussion en 2005 sont assez proches de ceux de 1978. Il s’agit de scinder l’arrondissement administratif et judiciaire de BHV, de préserver les droits électoraux des francophones dans les six communes à facilités ainsi que dans 16 autres communes de Hal-Vilvorde (mais, pour ces dernières, sous la forme d’un droit d’inscription « extinctif », c’est-à-dire accordé aux habitants actuels, mais non à ceux qui viennent s’installer dans la commune). En outre, on accorde à la Communauté française la possibilité d’exercer certaines compétences dans les six communes à facilités : en matière d’enseignement, de sport, de politique de la jeunesse, et dans certaines matières personnalisables. Il faut noter que la culture en est exclue. Une fois de plus, donc, il y a une reconnaissance du fait francophone dans ces communes. Et c’est vraisemblablement cela qui amènera Spirit à refuser l’accord.

Par ailleurs, les discussions de 2005 prévoient de maintenir les droits des francophones sur le plan judiciaire, et d’annuler les circulaires flamandes de 1997-1998 sur les facilités. Pour rappel, ces circulaires obligent les francophones à demander chaque fois leurs documents administratifs en français, plutôt qu’une fois pour toutes. Elles sont donc utilisées par le gouvernement flamand pour vider les facilités de leur substance autant que la loi le permet. Car dans l’optique flamande, le régime des facilités est toujours considéré comme provisoire. Mais comme il ne leur est pas possible d’abolir ce régime (depuis 1988, avec ce qu’on a appelé la loi de pacification linguistique, la Constitution prévoit que la modification du statut linguistique des communes situées sur la frontière ne peut se faire qu’avec une loi spéciale, c’est-à-dire avec l’accord des francophones), les Flamands vont en modifier l’interprétation par voie de circulaires. Ce qui représente, pour les francophones, une modification unilatérale du « compromis » de 1962-1963. Ces circulaires sont aujourd’hui à la base de la non-nomination des trois bourgmestres des communes de la périphérie : on leur reproche d’avoir envoyé d’initiative, sans attendre de demande en ce sens, des convocations électorales en français à des électeurs francophones. Or, en 2005, la négociation prévoyait de revenir sur ces circulaires et de réaffirmer le sens initial des facilités. Mais Spirit la fera échouer.

— Le troisième temps de la négociation est celui auquel l’Open VLD a mis fin le 22 avril dernier. Quelle en a été la dynamique ?

Dans la négociation qui vient d’avoir lieu, l’effort des partis francophones a été une fois de plus de préserver malgré la scission de BHV l’essentiel des « acquis » de 1962-1963. On ne connaît pas exactement le contenu de la note du médiateur royal, Jean-Luc Dehaene, mais on avait, selon la presse, la scission de BHV à tous les niveaux, c’est-à-dire pour les trois élections (Chambre, Sénat et Parlement européen), et pour l’arrondissement judiciaire. Donc le point de vue flamand était pleinement pris en compte. Mais il y avait une série de garanties et compensations pour les francophones. On prévoyait sur le plan électoral un système semblable à celui de 2005 : les habitants des six communes à facilités pouvaient sans limite dans le temps choisir de voter pour des listes bruxelloises francophones. Dans d’autres communes, il y aurait eu la même possibilité, mais uniquement pour les habitants actuels.

Mais sur le plan judiciaire, apparemment, on était en deçà de ce qui se négociait en 2005 : en 2005 on scindait officiellement l’arrondissement, mais en pratique on le dédoublait. Cela signifie qu’il y avait deux parquets, à Bruxelles comme à Hal-Vilvorde, et deux régimes linguistiques. Et les francophones de la périphérie pouvaient faire le choix de rattacher leur dossier au parquet francophone et au régime linguistique français. Alors qu’apparemment, dans ce qui se discutait autour de la note Dehaene, les garanties obtenues sur le plan judiciaire risquaient d’être temporaires et moins larges.
Autre grande différence : on ne prévoyait pas de revenir sur les circulaires interprétant les facilités. Donc on ne réglait pas le problème sur le fond de la non-nomination des bourgmestres. On prévoyait simplement des mesures qui avaient pour effet que certains contentieux linguistiques dans les communes de la périphérie seraient traités par des instances paritaires : le gouvernement fédéral, le collège des gouverneurs (qui réunit cinq gouverneurs flamands et cinq gouverneurs francophones), des chambres bilingues du Conseil d’État. Autre point à relever : on a évoqué le fait que les écoles francophones de la périphérie flamande échappent à la tutelle flamande pour ce qui concerne l’inspection (alors qu’un récent décret de la Communauté flamande attribue l’inspection de ces écoles à la Communauté flamande), mais sans étendre les compétences de la Communauté en périphérie dans d’autres domaines, comme il en avait été question en 2005.

Donc, même s’il faut être très prudent puisqu’on n’a pas le détail des textes de 2005 et de 2010, quand on fait la comparaison entre ces deux temps de négociation, on était cette année en deçà de ce que les francophones avaient pu mettre sur la table des négociations en 2005. Cela éclaire l’attitude des francophones jugeant la note Dehaene déséquilibrée, trop flamande, et demandant d’y ajouter des garanties et compensations.

— Comment expliquer qu’alors que ce sont les Flamands qui sont demandeurs d’une scission, ce sont également eux qui ont fait, à chaque fois, échouer les négociations : démission de Tindemans en 1978, blocage de Spirit en 2005, et départ de l’Open VLD en 2010 ?

En 1978, il est clair que le CVP et la Volksunie (VU) se sont divisés. Ce sont d’ailleurs les divisions internes de la VU qui donneront naissance aux comités Egmont qui dénonceront le Pacte d’Egmont, ainsi qu’au Vlaams Blok. Officiellement, à l’époque, le point d’achoppement, c’est la périphérie bruxelloise. Officieusement, c’est aussi la reconnaissance même de Bruxelles et la création des institutions bruxelloises. Dans le Pacte d’Egmont, la victoire flamande sur le projet de scission est plus que compensée par les droits reconnus aux francophones des six communes à facilités. C’est donc une victoire à la Pyrrhus. Voire, à leurs yeux, une défaite. Car il serait finalement moins gênant de laisser subsister un héritage datant de 1831 que de le voir disparaître en devant consacrer de nouveaux droits pour les francophones.

En 2005, c’était un peu le même ordre d’idées. Dans ce qui était en discussion (il ne s’agissait pas d’un accord), la scission était à nouveau une victoire flamande, mais l’extension des compétences de la Communauté française dans la périphérie flamande demeurait une nouvelle entorse à ce que veulent les Flamands. En outre était discutée la suppression des circulaires flamandes, ce qui aurait consacré la vision francophone des facilités — permanentes et souples. Dans l’optique flamande, donc, ces concessions annulaient en quelque sorte l’objectif fondamental d’homogénéité linguistique.

Quant à l’épisode de 2010, je serais plus nuancé. D’une part, l’ultimatum de l’Open VLD n’a pas porté sur le fond des négociations, mais uniquement sur une question de calendrier. Le seul argument dont l’Open VLD a tiré prétexte pour faire tomber le gouvernement a été : ces négociations durent depuis trop longtemps, les francophones utilisent tous les moyens pour les faire traîner en longueur.

Par-delà ce jeu tactique d’un parti, il ne faut pas sous-estimer ce facteur « temps ». Les Flamands s’agacent de voir les francophones faire continuellement capoter leurs demandes depuis les années 1960. L’impatience croît d’autant plus que dans l’optique flamande, leurs revendications ne font que s’inscrire dans la logique des lois de 1961-1963. À ce calendrier « long » s’ajoute un calendrier court : l’arrêt de la Cour d’arbitrage de 2003 n’est toujours pas appliqué et le travail parlementaire est bloqué. Le vote sur la scission de BHV le 7 novembre 2007 a donné lieu à quatre procédures en conflit d’intérêt, ce qui amène l’Open VLD à parler de « carrousel », en référence claire au carrousel fouronnais. Pour les francophones, à l’inverse, cette notion de temps reflète la résistance contre les assauts flamands répétés depuis bientôt cinquante ans.
Enfin, il me semble qu’il existe un contraste assez important entre les négociations de 2005 et celles de 2010. En 2005, les négociations visaient à parvenir à des clarifications juridiques sur les facilités. Tandis qu’en 2010, au vu de ce que l’on sait de la note Dehaene, il n’y a pas de volonté de régler ces problèmes sur le fond en droit, mais plutôt de les renvoyer à diverses instances paritaires. Autrement dit, on ne tente pas de se mettre d’accord sur le fait que les facilités sont extinctives ou non, qu’elles sont souples ou non, mais on crée des instances paritaires flamands/francophones vers lesquelles peut être renvoyé le contentieux. Mais à quoi cela peut-il bien servir, lorsqu’on sait que sur des questions telles que la nomination des bourgmestres ou la tutelle, les francophones et les Flamands au sein de ces instances paritaires risquent de se prononcer toujours bloc contre bloc ? Ce changement me paraît une différence importante entre 2005 et 2010 : c’est comme s’il était devenu impossible politiquement pour les Flamands d’accepter un retour en arrière quant au régime des facilités, alors que c’est un sujet incontournable notamment pour le MR et le FDF. Dehaene devait être conscient de cette « dérive des continents ».

TROISIÈME PARTIE - L’APRÈS ÉLECTION DE JUIN 2010 : LA QUATRIÈME SERA-T-ELLE LA BONNE ?


– Vu le contexte historique et la tendance actuelle à la radicalisation des acteurs (un sondage récent donne la N-VA premier parti de Flandre aux prochaines élections), l’hypothèse d’un accord institutionnel qui satisfasse les deux Communautés est-elle encore crédible ? N’a-t-on pas « tout essayé » ?

Je dirais que la question n’est pas de savoir si un accord est possible : un accord doit être trouvé. Le dossier BHV est lié à la réforme de l’État. S’il n’y a pas d’accord sur BHV, il n’y aura pas d’accord sur la réforme de l’État. Si l’on se dirige vers un nouvel échec, la situation deviendra inacceptable aux yeux des Flamands. Par ailleurs, je ne dirais pas qu’on a « tout essayé ». Après tout, il n’y a eu que trois tentatives : 1978, 2005, et 2010. Cela étant, on a chaque fois échoué pour les mêmes raisons. Il semble qu’on va réessayer, après les élections, ce qu’on a fait en 1977-1978, c’est-à-dire lancer une méga-négociation englobant BHV et réforme de l’État. L’une des hypothèses est que les Flamands pourraient accepter des garanties pour les francophones des communes à facilités si la négociation permet par ailleurs une grande réforme de l’État.
Ce scénario comporte un danger pour les partis francophones : celui que cette grande réforme soit fondée sur les exigences flamandes, mettant en péril l’intérêt général des francophones sur d’autres dossiers : financement de la Communauté française, refinancement de Bruxelles, sécurité sociale et solidarité interpersonnelle… La difficulté serait alors de ne pas troquer les droits des 120 ou 130 000 francophones de la périphérie contre le recul généralisé des intérêts des quelque 4 millions de francophones. C’est, pour les partis francophones, une équation infernale. D’autant plus qu’ils n’ont pas tous les mêmes intérêts dans la périphérie. Il y a donc des divisions politiques potentielles devant cette équation infernale.

Par ailleurs, se pose la question de savoir qui va participer aux négociations institutionnelles. En 2005, Olivier Maingain s’est peut-être un peu trop vite réjoui de l’échec des négociations, ou en tout cas de l’absence de défaite francophone. Car à l’époque, les interlocuteurs flamands étaient le VLD et le cartel SP.A-Spirit. On savait qu’un échec entraînerait automatiquement de nouvelles négociations. Or les élections régionales de 2004 avaient montré le succès du cartel CD&V/N-VA et le tassement du VLD. On pouvait donc pressentir que l’échec de 2005 allait amener à la table des négociations des partenaires plus difficiles, à savoir le CD&V et la N-VA.
L’une des grandes questions pour l’après-élection 2010 sera la position de la N-VA. Sera-t-elle incontournable ? Si ce parti se retrouve dans l’opposition avec le Vlaams Belang et la LDD, ce sera une opposition de, sans doute, quelque 35 à 40 %, qui pèsera énormément sur l’atmosphère politique flamande.

— Face, qui plus est, à un « front » francophone qui n’a plus rien d’évident…

Si les francophones étaient demandeurs clairs et déterminés d’une réforme de l’État, on verrait des lignes de convergence se dessiner. Dans les équilibres belges, on a souvent additionné les revendications des deux grandes communautés, par exemple lorsque l’une voulait la création de Communautés et l’autre de Régions, on a créé les deux. Mais ici, on ne sait pas quelles sont les lignes de force des revendications francophones (à part celles des petits partis régionalistes, mais minoritaires). Et on ne voit pas toujours leurs lignes rouges au-delà desquelles ils ne veulent pas aller. Pour le dire autrement : les francophones sont unis sur la question des contreparties en cas de scission de BHV ; mais sur une négociation plus large liée à la réforme de l’État, personne ne peut dire quelle forme prendra un éventuel front francophone. Cela étant, il ne faut pas non plus imaginer que les partis flamands ont tous exactement la même liste de revendications sur la réforme de l’État.

— Comment percevez-vous le débat en Flandre sur le scénario d’indépendance ?

Aucun des trois partis traditionnels ni Groen! ne s’inscrivent dans une perspective d’éclatement du pays, perspective assumée par les trois partis nationalistes. Mais du côté du CD&V au moins, on va très loin dans les demandes de transferts de compétences. Moins qu’un scénario d’indépendance, on se trouve plutôt face à une perspective ambiguë de confédéralisme avec un niveau fédéral belge aux compétences très réduites. C’est ce que certains appellent le « jackpot flamand » : les avantages de l’indépendance (un maximum d’autonomie) sans ses inconvénients (pas de perte de Bruxelles, maintien d’une reconnaissance internationale de la Belgique, etc.). Au CD&V, certains sont prêts pour ce scénario. Moins à l’Open VLD, au SP.A et chez Groen! Pour les francophones, le grand défi sera donc d’accompagner le mouvement sans basculer dans le confédéralisme.

À cet égard, il faut être conscient que si la N-VA est à la table de la prochaine négociation, elle posera sans doute comme préalable l’application de l’article 35 de la Constitution. Un article qui n’est pas appliqué pour l’instant et qui dit que le niveau fédéral n’a de compétences que celles qui lui sont attribuées. En d’autres termes, les compétences sont régionales ou communautaires, sauf celles qu’on décide de laisser au fédéral. Cet article 35 est né d’une exigence de la VU lors de la réforme de l’État de 1992-1993. Or, son application renverserait la logique et la charge de la preuve : il reviendrait à ceux qui veulent maintenir le fédéral de convaincre, et non à ceux qui veulent régionaliser ou communautariser. Ce serait bien entendu une tout autre dynamique…



1 Qui énonce que la Belgique comprend quatre régions linguistiques et que « chaque commune du Royaume fait partie d’une de ses régions linguistiques ».