Les jeunes sont l’avenir… Mais les reconnaît-on comme acteurs responsables ? Où et comment leur permet-on de construire et déployer leur potentiel de citoyenneté ? Le soutien public aux organisations de jeunesse, l’engagement de tous les jeunes dans les associations et dans la vie culturelle et sociale doivent être privilégiés et valorisés.

Lors des élections régionales de 2004, le MOC en appelait à un soutien aux organisations de jeunesse (OJ), via un refinancement prenant en compte leur réalité de terrain, une réforme du décret de 1980 relatif aux OJ, en vue notamment de permettre le subventionnement de trois permanents, la mise sur pied d’un Conseil de la jeunesse d’expression française (CJEF) ouvert, participatif et représentatif, et enfin un soutien à la rénovation et à la construction d’infrastructures des OJ.
La déclaration de politique communautaire s’était inscrite dans cette ligne. On y trouvait la volonté de « mettre en place une véritable politique de jeunesse, encourager la participation des jeunes, soutenir l’engagement bénévole, assurer le financement de la vie associative et investir dans les partenariats et accessibilités aux infrastructures ». On pouvait y lire que le gouvernement adopterait un projet de décret relatif aux Conseils consultatifs locaux de jeunes (CCLJ) et qu’il veillerait à réformer le Conseil de la jeunesse d’expression française (CJEF) afin qu’il devienne « le lieu de l’expression de la parole de tous les jeunes et de la défense de leurs intérêts, et ce, dans les processus de décision des autorités publiques, à tous les niveaux de pouvoir ». Par ailleurs, le gouvernement s’engageait à garantir le financement des politiques structurelles de l’associatif jeune, à réviser le mode de subventionnement des OJ afin de mieux prendre en compte leur réalité, et à porter une attention particulière à la rénovation et à la mise en conformité des infrastructures accueillant les activités des jeunes. Il affirmait vouloir soutenir les partenariats avec les écoles et investir dans le centre de prêts de matériel de la Communauté française. Enfin, au niveau logistique, il voulait poursuivre l’équipement des centres de jeunes et des OJ en matériel et logiciel informatique afin que ceux-ci « concourent à l’utilisation active et réfléchie des nouvelles technologies par les jeunes, et tout spécialement par les jeunes issus des milieux les plus défavorisés ».

Aide à la jeunesse

En matière d’aide à la jeunesse et de protection de la jeunesse, le gouvernement avait convenu de réserver la priorité à la prévention. La déclaration de politique communautaire indiquait que « le gouvernement veillera à poursuivre l’investissement dans les politiques de prévention qui doivent s’inscrire dans un cadre pluriannuel. Il mettra tout en œuvre pour agir sur les conditions de vie génératrices de violence, d’exclusion et de marginalité. Il améliorera le fonctionnement des Conseils d’arrondissement de l’aide à la jeunesse, responsables de la prévention au plan local, afin de les rendre plus opérationnels ainsi que leurs relations avec le Service de l’aide à la jeunesse. (…) Le gouvernement mettra sur pied, par “zones de prévention” à déterminer, un espace de coordination de l’ensemble des politiques menées à l’égard des jeunes dans la zone concernée. Il proposera à cet effet un accord de coopération à conclure avec les autres niveaux de pouvoir en vue d’y associer l’ensemble des services et associations actives dans le secteur. (…) Au-delà de la mise sur pied de cet espace de coordination, il favorisera la coopération entre les secteurs de l’aide à la jeunesse, l’ONE, l’enseignement, la santé mentale, les services de planning familial, la politique de jeunesse, la culture, le sport, etc. en développant des actions communes. »

Réalisations

Seuls certains points de cette déclaration gouvernementale ont été réalisés : la réforme du CJEF et la révision du décret de 1980, qui devrait être finalisée avant la fin de la législature. L’impulsion a été donnée au modèle de la consultation directe des jeunes, ce qui, sans mesures d’accompagnement, peut mener à de réelles dérives : il faut en effet veiller à faire émerger la parole des jeunes de milieu populaire, en évitant que l’expression soit « confisquée » par les jeunes qui, pour des raisons sociales, économiques ou culturelles, y auront plus facilement accès.
En outre, différentes lacunes sont à déplorer. La compétence « jeunesse » est morcelée entre divers niveaux de pouvoir sans articulation réelle. Ce qui engendre une dispersion des énergies, un manque d’efficacité et, surtout, une absence de politique globale et cohérente. Ainsi en Communauté française, l’aide à la jeunesse dépend d’un ministère (en lien avec le fédéral), le secteur jeunesse est organisé par un autre, et certains autres aspects (tels que l’emploi dans les organisations de jeunesse) par un troisième. Des initiatives sont lancées sans structuration et articulation avec les niveaux de pouvoirs concernés. Par exemple, les communes lancent des conseils consultatifs des jeunes de toutes natures, sans cohérence ni concertation. Des politiques régionales et communautaires comme l’emploi, la formation et l’enseignement sont menées sans aucune concertation au sein des instances communautaires prévues pour consulter la parole des jeunes. Les premiers concernés par des enjeux aussi fondamentaux ne sont pas ou peu consultés ! À l’heure où le monde politique et institutionnel entend promouvoir l’implication et la participation des jeunes à la vie politique (au sens large), cette question a toute son importance.
La réforme du CJEF a été réalisée en vue de créer un Conseil de la jeunesse de la Communauté française (CJCF). Cette nouvelle structure, qui garde un pouvoir d’avis, a le mérite d’ouvrir les lieux de concertation et d’associer davantage de jeunes qui n’appartiennent pas forcément à des organisations existantes. La question est maintenant de savoir comment ce nouveau public pourra être touché… Concernant le soutien logistique, en revanche, il n’y a pas d’avancées concrètes : mouvements de jeunesse et maisons de jeunes ont pu compter sur un budget consacré aux infrastructures, mais ce budget est tout à fait insuffisant au regard des besoins.

Politique sécuritaire

Surtout, il faut s’inquiéter de la logique sécuritaire qui semble avoir dominé les politiques de la jeunesse au cours de la législature écoulée, suite à quelques dramatiques faits divers. Caméras de surveillance, appareils de type « Mosquitos » et couvre-feux instaurés dans certaines communes sont des mesures stigmatisantes qui donnent à penser que les jeunes sont tous susceptibles de troubler l’ordre public. Ces mesures sont généralement contraires aux droits fondamentaux et contribuent à alimenter un risque de dérive sécuritaire et liberticide.
En outre, on ne peut se réjouir de l’ouverture de places supplémentaires en centres fermés pour la prise en charge de mineurs délinquants. D’autant que les budgets « prévention » au sein des budgets « aide à la jeunesse » n’ont pas augmenté au cours de la législature, quand ils n’ont pas été rabotés. C’est pourtant à travers la prévention qu’un travail fondamental doit être fait en vue de réduire les injustices économiques et les discriminations sociales qui excluent les jeunes et sont souvent à la base de comportements violents.

Politique cohérente

Les OJ ont largement démontré leur importance sociale. Une politique cohérente doit s’appuyer prioritairement sur ce secteur, qui articule les dimensions locales et communautaires, et apporter un soutien politique aux associations. C’est un enjeu de développement, mais aussi de démocratie. La politique de la jeunesse doit envisager les jeunes dans leur globalité et pas sous l’angle d’une situation particulière (bénéficiaire de l’aide à la jeunesse, du CPAS...), et être transversale (jeunesse, enseignement, emploi, formation...). Elle doit valoriser l’apport des jeunes à la vie en société plutôt que stigmatiser des actes et attitudes répréhensibles, mais limités. C’est pourquoi il faut :
– une meilleure articulation des politiques de jeunesse dans un souci de cohérence, en opérant, au besoin, des regroupements de compétences ;
– un plan Emploi (renforçant leurs moyens en personnel) pour les organisations de jeunesse qui ont des missions à la taille de la Communauté française. Ce plan doit associer les Régions et la Communauté française ;
– un soutien aux infrastructures locales de jeunesse et une politique volontariste associant les Régions et les communes. La Charte associative récemment signée doit devenir un nouveau levier d’action et de concertation au niveau local et l’accès aux infrastructures scolaires inoccupées pendant les périodes de vacances scolaires doit être assuré aux organisations de jeunesse pour l’organisation de centres de vacances ;
– un renforcement de la formation en OJ, vecteur indispensable pour développer chez les jeunes les capacités et la motivation à jouer un rôle de citoyen actif et responsable ;
– une politique qui facilite et renforce la mobilité des jeunes, entre les lieux de vie et d’engagement surtout, mais entre les pays aussi ;
– une attention particulière au sport tant en matière d’accès aux infrastructures sportives que de promotion du sport à l’école et dans les associations ;
– un renforcement du centre de prêts de Naninne qui permet de mutualiser les besoins des OJ, particulièrement pour les mouvements de jeunesse ;
– une politique qui favorise la prévention et la valorisation.
Le MOC est fermement opposé à la logique sécuritaire. Trop souvent, on pointe la jeunesse délinquante ou violente et l’on néglige de valoriser les initiatives et les apports précieux d’une très large majorité de jeunes. L’éducation aux médias, en ce compris une approche critique des nouvelles technologies, doit faire partie des apprentissages scolaires et être organisée dans le champ associatif. Mais l’éducation aux médias ne suffit pas à protéger les jeunes de toutes les sollicitations, surtout publicitaires. Il faut donc que la publicité commerciale à destination des enfants et des jeunes soit plus strictement régulée, tant au niveau de la Communauté française qu’au niveau européen, dans le sens d’un plus grand respect de l’autre et d’une consommation plus responsable et plus durable.
Par ailleurs, il faut rappeler que l’Aide à la jeunesse est un filet de sécurité créé pour gérer des situations de détresse et de déviance non résolues par le tissu social. La plupart des jeunes n’en arrivent jamais à ce stade grâce à leur entourage. Mais d’autres cumulent les handicaps (pauvreté, exclusion, discrimination), parfois dès la petite enfance. D’où l’importance de lutter contre les inégalités et d’investir dans la dynamique associative qui entoure les jeunes, afin de créer une cohésion sociale entre eux. Il faut donc renforcer une politique préventive dotée de moyens suffisants, et associer tous les secteurs (écoles, OJ, aide à la jeunesse, action sociale dans les quartiers). Il faut encourager les initiatives qui visent à décloisonner ces actions. La mise en place de services d’accrochage scolaire (prévention du décrochage) constitue une étape importante dans cette voie, qui doit être poursuivie. Le MOC se réjouit également de l’intention du gouvernement de « soutenir la parentalité » dans les politiques de l’enfance, et plaide pour la création de lieux d’information, d’écoute et d’échange. Il importe d’apporter des réponses rapides aux jeunes en difficulté et à leurs familles, lorsque la prévention n’a pas permis d’éviter les souffrances.

Le Gavroche

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