Toutes celles et ceux qui ont des enfants en ont fait l’expérience : concilier sa vie professionnelle (ou sa recherche active d’emploi) et l’éducation, la garde ou l’accueil de ses enfants ne se fait pas sans difficulté. Les femmes sont souvent touchées au premier chef, ce qui pose des questions essentielles d’égalité entre les genres. Mais l’enjeu concerne la société entière et interroge son évolution qui affecte d’abord les enfants : familles monoparentales, grands-parents actifs professionnellement, effritement des liens sociaux, pression professionnelle, accroissement de la précarité.

Un certain nombre de réponses sont avancées. Certaines sont à promouvoir : le Maribel social, un meilleur financement du secteur de l’accueil, l’augmentation du taux de couverture, l’extension et la professionnalisation de l’Accueil Temps Libre. D’autres, comme l’extension des titres services à la garde d’enfants à domicile, sont à rejeter, car elles risquent de déstructurer à terme l’ensemble des structures non-marchandes d’accueil de l’enfance. Des solutions collectives doivent être mises en place pour répondre aux besoins nouveaux, basées sur la solidarité entre les personnes et garantissant le bien-être et l’épanouissement des enfants. Lors des élections régionales de 2004, le Mouvement ouvrier chrétien revendiquait le refinancement de la Communauté française et l’orientation prioritaire des nouveaux moyens vers la création de nouvelles structures d’accueil de l’enfance. Pour le MOC, il était aussi prioritaire que ces structures d’accueil soient :
– proches du domicile de l’enfant ;
– diversifiées afin de laisser aux parents le choix d’un type collectif, individuel ou familial ;
– accessibles financièrement au plus grand nombre ;
– de qualité et donc entre les mains de professionnels ayant un emploi stable, statutaire et correctement rémunéré.
La déclaration de politique communautaire partageait ces revendications en faisant de l’accueil de l’enfance l’une des priorités du gouvernement rouge-romain. Il s’était fixé deux objectifs majeurs : une meilleure prise en charge dans le cadre des services d’accueil, d’accompagnement et de loisirs, et un meilleur soutien à la parentalité.

Réalisations

La volonté de la majorité était de créer 8 000 places d’accueil pour les 0-3 ans avant la fin de la législature pour atteindre au plus vite le seuil de couverture de 33 % recommandé par l’Union européenne. Ces places supplémentaires (accueil, accueil d’urgence, accueil d’enfants malades, haltes-garderies, accueil flexible) devaient être créées rapidement et en synergie avec les niveaux de pouvoirs régional et fédéral. Les Régions devaient dégager des moyens pour la construction et la rénovation des structures d’accueil. Le fédéral devait soutenir l’emploi dans le secteur, pérenniser les projets soutenus par le FESC 1 (menacé de défédéralisation) et octroyer un véritable statut de travailleur aux accueillantes d’enfants.
De réelles avancées ont eu lieu, même si les objectifs ne sont pas entièrement rencontrés. Ainsi, le nombre de nouvelles places d’accueil n’est aujourd’hui que de 6 000 2, alors que les « plans cigogne I et II » devraient permettre de parvenir à ouvrir 10 000 places d’ici 2010. Nous déplorons cependant, même si c’est le niveau fédéral qui est particulièrement concerné, l’absence d’évolution dans le dossier de la reconnaissance et du statut des accueillantes d’enfants.
Concernant l’accueil extrascolaire, le gouvernement avait le souhait de le dynamiser, mais après une évaluation du décret de juillet 2003. Autant dire que très peu d’avancées ont eu lieu étant donné que l’évaluation a été interminable. Aucun budget nouveau n’a été affecté aux communes et aux associations qui s’étaient engagées dans le processus. Pourtant, les besoins sont nombreux tant en termes d’élargissement de l’offre que de formation et de statut du personnel occupé, par exemple. Pendant ce temps, le cdH a envisagé d’élargir le dispositif des titres service à la garde d’enfants à domicile, sans garanties sur une contribution équitable (proportionnelle aux revenus) des parents, sur la formation des personnes « gardantes » et, en définitive, sur le bien-être des enfants.
La priorité a été accordée au FESC et à sa pérennité. Ainsi, en juin 2004, la Cour d’arbitrage confirmait la compétence fédérale du FESC (son financement étant apparenté au secteur de la sécurité sociale) pour des matières traitant des services aux personnes (matières relevant des Communautés). Il était donc urgent d’adapter le FESC, soit en modifiant la forme de son intervention (allocations aux bénéficiaires potentiels), soit en communautarisant ses moyens et son fonctionnement. Il revenait par ailleurs à la Communauté française de veiller à assurer, dans ce cadre, la pérennité des services situés dans son champ de compétence (voir encadré). Si des premiers accords sont apparus début 2007 dans un cadre de financement resté fédéral, le travail est suspendu aux décisions en matière de réforme de l’État.
Quant à sa deuxième priorité, le gouvernement a développé un plan de soutien à la parentalité qui a amélioré la formation des intervenants et l’information à propos des diverses initiatives existantes (Centres PMS, AMO, ONE, Maisons médicales, campagnes Yapaka, etc.). Mais trop peu de services et d’initiatives sont en mesure de répondre aux besoins des parents qui ne parviennent plus à faire face à certains comportements de leurs enfants, pour échanger des expériences, ou pour améliorer la qualité du temps familial, par exemple.

Revendications

De façon générale, le MOC encourage toute mesure visant à garantir le droit pour chaque enfant à un accueil durable et de qualité, et ce, quels que soient son état de santé et la situation économique, administrative (y compris les sans-papiers) et géographique de ses parents.
–  La création de structures collectives offrant un accueil multiple ce qui doit permettre d’assurer la viabilité des structures pour l’accueil flexibles ou d’urgence en les adossant à des structures d’accueil extrascolaire « classique ».
–  La pérennité des moyens du FESC. Il est primordial que les structures d’accueil actuellement financées par le FESC continuent à bénéficier des moyens octroyés, et que d’autres services puissent être créés. Par ailleurs, il est important que l’organe qui sera institué au sein de la Communauté française afin de gérer le FESC soit composé aussi de représentant(e)s des organisations familiales comme c’est le cas actuellement au niveau fédéral, à côté de représentants des partenaires sociaux interprofessionnels et de représentants du terrain (fédérations d’employeurs et représentants des travailleurs du secteur).
– Envisager toutes les formules possibles pour financer les haltes garderie qui constituent une forme intéressante en termes de proximité, d’égalité des chances et qui restent exclues des critères ONE.
–  Un objectif à atteindre de 10 000 nouvelles places d’accueil dans un délai le plus court possible, tout en effectuant un rééquilibrage entre les sous-régions. Il y a en effet des pénuries de places assez aiguës dans certaines zones, surtout dans le Hainaut et à Bruxelles. Pour Bruxelles, il est primordial de développer des places d’accueil supplémentaires, notamment pour les personnes en processus d’insertion sociale.
–  La revalorisation des barèmes des travailleurs du secteur (sous peine de pénurie de personnel), l’harmonisation de leur statut (car ils bénéficient actuellement de salaires différents suivant les sources de financement : ONE, ACS, FESC…), la reconnaissance de leurs acquis et de leur expérience, et la valorisation de la formation initiale des puéricultrices.
–  Un statut complet de travailleur salarié pour les accueillantes d’enfants, sur la base d’un niveau barémique proche de celui de la puéricultrice, ainsi que la reconnaissance de leur formation initiale et continuée comme formation qualifiante. Ainsi, les accueillantes bénéficieront des mêmes protections (sécurité sociale, droit du travail, etc.) que les autres travailleurs en Belgique.
–  Des adaptations à faire dans l’ensemble du secteur pour que la participation des parents ne soit par source de discrimination, tant par une cohérence entre organismes subventionnant qu’en mutualisant cette participation entre les crèches et les milieux d’accueil.
–  Renforcer l’apport des consultations ONE, en leur assurant le soutien administratif nécessaire et en y dispensant une information claire et précise sur les différents modes d’accueil existants.
–  La clôture de l’évaluation des dispositifs d’accueil extrascolaire et, surtout, l’augmentation des moyens consacrés à l’accueil collectif pour répondre à certaines difficultés rencontrées par les familles et par le personnel du secteur : limitation des déplacements, accueil des enfants défavorisés et des enfants handicapés, élargissement des heures d’accueil et des activités proposées, participation financière proportionnelle aux revenus des familles, statut professionnel et formation du personnel accueillant.
–  Le renforcement du plan de soutien à la parentalité, et la création d’espaces de parole et d’échanges entre parents, mais surtout, en amont, permettre aux familles de mieux équilibrer temps de travail et temps parental. Qu’il s’agisse d’égalité entre femmes et hommes, d’aménagement du temps de travail ou de congé parental, il reste de nombreux efforts à faire.
– Des approches globales dans la lutte contre la pauvreté, qui prennent en considération les conséquences spécifiques sur les enfants, tant sur leur santé que sur leur sécurité d’existence, leur scolarité et leur intégration dans la vie sociale.
Par ailleurs, le MOC s’oppose à l’extension des titres-services à l’accueil des enfants. En plus d’être un enjeu majeur de qualité de vie, de droit des enfants, d’égalité entre les femmes et les hommes et de développement économique, l’accueil de l’enfance est aussi un domaine de solidarité : les politiques d’accueil de l’enfance doivent permettre à celles et ceux qui en ont besoin d’avoir accès à ces services en y contribuant selon leurs ressources. Or le système des titres-services est beaucoup plus cher pour la collectivité ; il ne donne pas de garanties de professionnalisation et ne permet pas, dans ce domaine d’activité, d’octroyer des temps de travail suffisants pour faire bénéficier les travailleurs titres-services de contrats décents ; il est « anti-social », car, par le biais de la déduction fiscale, il profite davantage à ceux qui ont des revenus plus élevés. En outre, il risque de détruire le modèle belge des services associatifs non-marchands, en ce qu’il vise à solvabiliser la demande plutôt que subventionner l’offre. Par ce mécanisme, il met les opérateurs commerciaux à but lucratif sur le même pied que les opérateurs non-marchands. Accepter les titres-services dans l’accueil de l’enfance serait ouvrir largement la porte à la privatisation et à la marchandisation. Nous voulons au contraire soutenir la création d’accueil collectif flexible qui réponde mieux aux besoins divers et nouveaux d’un plus grand nombre de personnes, et en assurant au personnel la formation et les conditions de travail auxquelles tout travailleur a droit. Dans le même ordre d’idée, le MOC refuse le développement d’initiatives privées à but lucratif recherchant la clientèle la plus riche, pratiquant un tarif inaccessible pour la plupart, et « bradant » les conditions salariales et d’encadrement de leur personnel.

Cet article est une synthèse de l’une des fiches politiques rédigées par le CIEP-MOC dans la perspective des élections régionales de juin 2007. Plus d’informations : www.ciep.be.

1 Fonds d’équipements et de services collectifs qui finance 4 formes d’accueil : l’extrascolaire, le flexible, l’accueil d’urgence et l’accueil d’enfants malades.
2 Chiffres Communauté française (www.cfwb.be).