Du fait de l’extrême concentration des soins de santé sur une faible minorité de personnes (61 % des remboursements sont consacrés à 5 % de la population), une assurance sociale de soins de santé participe de la plus élémentaire justice sociale : elle solidarise les bien-portants et les malades, les jeunes et les plus âgés, les moins nantis avec ceux qui le sont davantage (grâce au financement progressif de la sécurité sociale). Ce sont toutes ces solidarités qu’il faut maintenir et développer, afin de garantir un accès égal pour tous à des soins de qualité.


Les dépenses publiques de soins de santé (soit les prestations remboursées par les mutualités pour les régimes des salariés et des indépendants) occupent une place importante au sein de notre sécurité sociale : en 2005, elles représentent 17,3 milliards d’euros, soit 34,3 % des dépenses de sécurité sociale (ou 5,8 % de notre PIB).
Les principales dépenses sont constituées par les honoraires des médecins (5,2 milliards d’euros), les frais de séjours à l’hôpital (3,8 milliards), les prestations pharmaceutiques (3,3 milliards), les séjours en maisons de repos et/ou de soins, les maisons de repos pour personnes âgées et les centres de jour (1,5 milliard).
Ces dépenses connaissent une croissance soutenue : 6,1 % par an en termes nominaux pour la période 2000 à 2005. Au travers de cet indicateur, on voit poindre le problème majeur : comment garantir à long terme un financement suffisant et récurrent ? Pour l’instant, une norme de croissance autorise les dépenses de soins de santé à croître au rythme de 4,5 % par an en termes réels. Mais cette norme devra, à l’avenir, prendre en compte l’impact du vieillissement de la population, des progrès technologiques (qui renchérissent le prix des prestations médicales) et du coût de la revalorisation du personnel soignant.
Malgré l’ampleur de la couverture des soins de santé, les patients doivent payer de leur poche des montants considérables de tickets modérateurs et suppléments divers. La Mutualité chrétienne a pu mettre en évidence que les coûts moyens à charge des patients hospitalisés ont augmenté en moyenne de 7,1 % par an entre 1998 et 2004 . Ces frais peuvent faire l’objet d’une réassurance, partielle, auprès des mutualités via leurs services complémentaires, ou auprès des compagnies d’assurances commerciales via des contrats d’assurance hospitalisation. À noter que sur ce terrain, la Mutualité chrétienne, avec ses couvertures complémentaires solidarisées (l’Hospi-Solidaire), sans condition médicale, se pose comme une réelle alternative au secteur commercial. Malgré tout, notre système de santé laisse ainsi une large porte ouverte à la privatisation et à la marchandisation de l’assurance maladie.
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« Forces du marché »

Vu le succès commercial indéniable des compagnies d’assurances dans ce secteur, il ne s’agit plus d’un danger théorique. D’aucuns prétendent que notre système de santé devient trop « cher » et devrait laisser plus de place aux compagnies d’assurances (en restreignant la couverture obligatoire et en laissant croître et agir les « forces du marché » via des couvertures complémentaires à géométrie variable), et, en outre, que les mutualités devraient s’ouvrir aux mêmes règles que ces dernières. Tout cela conduirait à gérer les soins de santé selon une logique purement commerciale (segmentation tarifaire, sélection des risques, recherche de rentabilité financière), avec pour conséquence ultime que ceux qui ont le plus besoin de soins de santé seraient également ceux qui y auraient le moins facilement accès!
Mais il faut tenir également compte des tensions internes au système d’assurance soins de santé lui-même. En effet, sous la pression constante de contraintes budgétaires et politiques traduisant une volonté de réduire la pression (para) fiscale, les décideurs en charge de la sécurité sociale ont été amenés à rechercher et appliquer des mesures d’économies susceptibles de modérer la hausse des dépenses de sécurité sociale, et principalement des dépenses de santé. L’arsenal de mesures est vaste, mais il convient de souligner l’importance croissante que prennent les mesures sélectives, « incitatives » et de responsabilisation (des patients, des mutualités, des prestataires). Toujours prises dans le but, justifié, d’économies et de recherche d’efficacité, il faut toutefois veiller à ce qu’elles ne deviennent pas contre-productives. Trop de sélectivité pourrait en effet donner l’impression à ceux qui contribuent davantage d’être « déconnectés » du système solidaire en ayant de moins en moins de possibilités de remboursements. La tentation pourrait alors être de quitter l’assurance sociale pour une assurance commerciale privée.

Sept revendications

1. Maintenir au sein de la sécurité sociale un système d’assurance maladie-invalidité obligatoire maximal. La solidarité reste, en effet, le fondement le plus solide pour une assurance de soins de santé, avec une attention particulière pour les personnes malades, invalides, handicapées et les personnes les plus vulnérables. Rappelons que le système belge est l’un des plus efficaces et des moins coûteux du monde !
2. Le système d’assurance maladie-invalidité obligatoire, basé sur la solidarité, doit rester le terrain exclusif des mutualités assurant cette mission de service public sans but lucratif. La recherche de profit en assurance maladie conduit inexorablement à une segmentation du marché, à une sélection des risques et au transfert du coût des soins vers les patients.
3. Pour assurer l’efficacité de cette assurance, il faut en garantir le financement à long terme. La croissance des dépenses doit être financée soit par le biais de moyens collectifs plus élevés (via un financement alternatif de la sécurité sociale, en particulier une cotisation sociale généralisée), soit par le biais d’une diminution d’autres dépenses publiques. En tout cas, la norme actuelle de croissance ne peut pas être diminuée, sauf au détriment du patient. Une privatisation déguisée par des hausses systématiques du ticket modérateur et des suppléments est inacceptable.
4. Il faut également veiller à la viabilité financière du système d’assurance pour la communauté. Dans ce cadre, une gestion et une exécution correctes des règles légales par les mutualités sont requises. De plus, dans les prochaines années, des mesures seront également nécessaires pour maîtriser les dépenses et, partant, rester dans les limites du budget. Cette maîtrise des dépenses devra contribuer à éviter un emballement qui risquerait de mener à un effritement du système légal et de l’accessibilité financière des soins pour le patient.
5. Une politique de soins adaptée aux besoins d’une population vieillissante. Les conséquences sur les dépenses en matière de soins de santé ne doivent pas être sous-estimées : actuellement, les soins pour personnes âgées augmentent chaque année en moyenne d’un petit 10 %. D’ici 2020, le nombre de personnes de plus de 60 ans augmentera de plus de 30 %. Même si le vieillissement n’est pas forcément synonyme de mauvaise santé ou de dépendance, les besoins en soins et en infrastructures pour personnes âgées ne feront que croître. Les budgets et l’offre de soins doivent être adaptés en conséquence (soutien des services et soins à domicile, renforcement de l’offre résidentielle, mise en œuvre d’une assurance-autonomie fédérale). Il faut également veiller à une tarification transparente dans les maisons de repos par la mise en place d’un ensemble uniforme de services de base couverts par le prix de journée.
6. Une liaison des indemnités au bien-être : en matière d’indemnités d’invalidité, une attention particulière doit se porter sur le maintien du pouvoir d’achat des personnes en incapacité de travail, et en particulier de ceux qui sont malades depuis une longue période.
7. Une meilleure prise en compte des coûts des malades chroniques: le maintien et le renforcement du forfait de soins pour les malades chroniques qui font face à des coûts considérables (en situation de dépendance très sévère, par exemple) ; la mise en place de mesures spécifiques pour réduire ces coûts (par exemple : les conditions d’octroi du forfait d’incontinence doivent être assouplies), et enfin une meilleure couverture des médicaments non remboursés (tels que les antidouleurs), prescrits par un médecin à un malade chronique doivent être mieux couverts (par exemple en les remboursant comme les médicaments de la catégorie B).


1Léonard C., La protection sociale et les soins de santé dans un contexte historique et international, dans MC-Informations. n°225, p. 18-43.

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