Tout individu est libre de se déplacer partout et en tout temps. Toutefois, ce droit n’est généralement pas une fin en soi mais plutôt une nécessité, ou en tout cas un moyen. Les personnes sont rarement mobiles pour le plaisir : elles le sont pour accéder à des lieux liés à leurs activités (domicile, travail, école, loisirs, magasins, services, etc.).

Face à l’engorgement des villes et aux difficultés quotidiennes d’y accéder en voiture, face également aux conséquences sur l’environnement et la santé publique, la mobilité apparaît de plus en plus comme une préoccupation et un enjeu majeurs des pouvoirs locaux. Ceci étant, la mobilité est un concept aussi complexe que nébuleux. Si elle signifie « pouvoir effectuer des déplacements dans l’espace », les formes que revêtent ces déplacements et les moyens utilisés pour ce faire sont nombreux et diversifiés. L’automobile, bien sûr, mais aussi, les transports en commun, les pistes cyclables et le vélo, les piétons et les rollers, le code de la route et la sécurité routière, la voirie, les voies lentes et le Ravel, l’accessibilité aux lieux publics, notamment pour les personnes moins valides… représentent autant de dimensions de cet enjeu politique complexe. Qui plus est, ces dimensions renvoient à différents niveaux de pouvoirs, illustrant par là les difficultés à faire appliquer des mesures pour faciliter la mobilité au niveau local.

« Tout à l’auto »

De 1985 à 1999, en Wallonie, le trafic routier a augmenté de près de 70 %. De plus, chaque Wallon âgé d’au moins 6 ans se déplace en moyenne 3 fois par jour pour un total de 40 km ; ce qui représente près d’une heure de déplacement. Dans cette évolution, on trouve à la fois une multiplication des déplacements et une augmentation du temps des trajets. Ce phénomène a bien sûr des répercussions au niveau local : problèmes de congestion des agglomérations, de pollution, de bruit, d’insécurité routière et de détérioration du cadre de vie. Au niveau de la sécurité routière, plus de 14 000 accidents avec plus de 20 000 victimes ont été recensés en 2004, dont 10 % concernent des cyclistes. Il y a quelques années, ces problèmes touchaient essentiellement les grosses agglomérations urbaines. Aujourd’hui, on constate une extension de ces caractéristiques aux communes plus petites.
De plus, les politiques se sont longtemps orientées prioritairement vers l’automobiliste, et des moyens importants y ont été affectés, alors que peu d’attention et peu de projets concernaient les piétons, les cyclistes, les moyens de transport collectif et les pistes alternatives. En matière de transport de marchandises, on assiste à une véritable explosion du transport routier, motivée par la politique du « just in time » pratiquée par les entreprises (le moins de stock possible et le respect de délais très courts dans la fourniture des produits) et encouragée par une politique publique qui favorise ce type de transport (coût du carburant, gratuité des autoroutes, etc.)

Organisation

En Belgique, la voirie publique se divise en grande voirie (gérée par l’État fédéral et les Provinces) et petite voirie (gérée par les communes). Les grandes voiries, qui traversent des villes et des parties agglomérées de communes rurales, relèvent d’un arrêté d’exécutif, après avis du conseil communal et de la députation permanente. En cas de délaissement par l’État ou par la Province, de routes ou parties de routes existantes, et moyennant l’accord du conseil communal, celles-ci sont considérées comme faisant partie de la voirie communale. Ce transfert emporte attribution à titre gratuit de la propriété de ces routes, qui devront être, au moment du délaissement, en bon état d’entretien.
Constatant l’absence de référent pour les plans de mobilité développés dans certaines communes, le nouveau décret wallon « Mobilité et accessibilité » présente des outils de planification de la mobilité communale et urbaine pour mieux organiser, gérer et améliorer les déplacements, le stationnement et l’accessibilité générale aux lieux de vie et d’activités, tant pour les personnes que pour les marchandises, et cela dans un réel souci de développement durable. Les objectifs poursuivis par le décret sont :
– de fournir un cadre légal et commun à l’élaboration des Plans communaux de mobilité (PCM) et à leur mise en œuvre concertée dans les communes et les bassins urbains ;
– d’encourager l’élaboration de PCM et la création de Plans urbains de mobilité (PUM) pour les sept plus grandes agglomérations wallonnes, à savoir Charleroi, La Louvière, Liège, Mons, Namur, Tournai et Verviers ;
– de permettre la coordination de tous les acteurs concernés par cette problématique dans l’espace territorial déterminé par le type de plan (PCM ou PUM).
Les deux types de plans doivent comprendre au minimum le diagnostic de la mobilité pour l’espace couvert, les objectifs poursuivis, les mesures à mettre en œuvre pour atteindre ces derniers, ainsi que des recommandations.
La décision de développer un PCM émane du Conseil communal. La commune qui le décide peut obtenir pour ce faire un appui financier de la Région wallonne. Le PCM est réalisé par un bureau d’études accrédité par la Région, encadré par une commission de suivi émanant de la Région et une commission consultative au niveau communal (Commission consultative d’aménagement du territoire CCAT ou Commission locale de développement rural CLDR). Lors de son élaboration, le projet est présenté à la population par voie de presse et est soumis à enquête publique. La participation et l’évaluation citoyenne, ainsi que l’apport des experts et des associations de référence sont des priorités établies par le décret. Cette attention doit permettre une meilleure appropriation du Plan par les citoyens et une participation active qui facilite les changements de comportement. Enfin, un rapport annuel d’évaluation du Plan est transmis pour information à la population.
Pour intégrer les évolutions de la problématique « mobilité » au sein de la commune, le PCM a été conçu comme un document potentiellement modifiable. La commune peut ainsi s’écarter des lignes directrices fixées initialement, tout en motivant ces changements. De plus, le PCM peut évoluer, puisqu’une procédure de suivi est organisée permettant de réviser le plan lorsque la commune le juge nécessaire.

Déplacements scolaires

En vigueur depuis le 1er juillet 2004, le Décret wallon relatif aux transports et aux plans de déplacements scolaires prévoit la réalisation par des commissions mises en place au niveau des écoles, de véritables Plans de déplacements scolaires (PDS) en vue d’une meilleure gestion intégrée de la mobilité scolaire au niveau communal. Ces plans s’inscrivent dans une perspective de développement durable et visent à provoquer des changements d’habitudes et de comportements. Ils doivent mener à une amélioration de la sécurité, de l’environnement et de la qualité de vie aux abords des écoles et lors des déplacements scolaires. Pour ce faire, ils mettent notamment l’accent sur la sensibilisation des différents acteurs scolaires à ces problématiques. Le PDS doit au moins contenir les éléments suivants :
– une définition du profil d’accessibilité de l’établissement
– une analyse des comportements de mobilité des publics cibles de l’école concernée
– et un ensemble de propositions concrètes.
En vue de développer une démarche participative et des partenariats locaux, les « commissions d’école » peuvent convier à leurs réunions les représentants des pouvoirs locaux et de la police, ainsi que les experts et acteurs potentiellement intéressés. De plus, une concertation avec les communes est vivement souhaitée à différents niveaux de l’élaboration du Plan, ce qui permet de proposer des actions spécifiques, dont la mise en œuvre est du ressort des autorités communales.
Les communes, pouvoir organisateur d’établissements scolaires et gestionnaire de voiries, sont donc impliquées à double titre dans la réalisation de ces Plans et dans leur mise en œuvre. Le pouvoir communal conserve ainsi la maîtrise de sa politique de sécurité et de mobilité. Signalons par ailleurs qu’un arrêté royal impose depuis le 1er septembre 2005 la délimitation et la mise en œuvre de zones limitées à 30 km/heure aux abords de toutes les écoles par un aménagement adéquat de la voirie publique. L’objectif poursuivi par cette mesure est une augmentation de la sécurité routière autour des établissements scolaires, avec un objectif chiffré : réduire d’au moins 50 % d’ici 2010 le nombre de victimes de la route, notamment de nombreux enfants sur le chemin de l’école.

Reste à faire

Les priorités mises en avant en matière de mobilité locale doivent s’appuyer sur une réflexion globale et une évaluation permanente des actions entreprises par les pouvoirs communaux en cette matière. Par ailleurs, le travail d’analyse et de propositions effectué par les citoyens au sein des associations et des structures participatives doit être pris en compte par les responsables politiques dans leurs décisions et dans les projets mis en œuvre. Une gestion plus globale de la mobilité au niveau local doit donc être envisagée, en portant une attention particulière à tous les acteurs, surtout les plus fragiles d’entre eux (enfants, piétons, cyclistes, personnes âgées et moins valides, etc.).
– Une mobilité globale, réfléchie et cohérente
Les communes devraient saisir l’opportunité de s’inscrire dans la démarche proposée par les PCM et les PUM, et donc utiliser ces Plans comme des outils de réflexion et de construction d’actions collectives novatrices et participatives pour la gestion globale des déplacements des citoyens.
Toutefois, ces outils devraient favoriser davantage la consultation populaire, cet aspect étant assez souvent oublié ou superficiellement développé dans le processus d’élaboration du Plan. Les moyens alloués aux communes pour soutenir la réalisation des Plans, conçus comme de véritables processus de citoyenneté, devraient être plus importants. Des modes de déplacement alternatifs à l’usage individuel de la voiture devraient être promus et développés : car sharing, covoiturage, transport collectif, etc. L’installation de parkings relais en périphérie des villes ou de car-pooling devrait être soutenue davantage sur le plan local.
– Une sécurité routière renforcée
La sécurité doit être renforcée, particulièrement vis-à-vis des usagers dits « faibles ». Cela peut notamment se faire par une meilleure visibilité sur la voirie (passages cloutés), par la création de voies lentes autonomes et par la mise en place de mesures visant à réduire la vitesse des automobilistes (zones 30, ralentisseurs, sensibilisation, ronds-points…). Une attention plus grande devrait être portée à la sensibilisation de la population à cette question via des campagnes locales de communication ou des actions d’éducation scolaire.
– L’accessibilité des lieux, bâtiments et transports publics
Rendre accessibles et sécuriser les trottoirs et les lieux publics, pour les personnes à mobilité réduite (personnes porteuses d’un handicap, personnes âgées, personnes avec poussette, etc.) devrait être un axe prioritaire des politiques de mobilité menées au niveau local.
– L’aménagement de l’espace
Dans les décisions et priorités en matière d’aménagement de l’espace, une attention particulière doit être portée sur les trois éléments suivants : un aménagement de l’espace mieux approprié au transport en commun ; des parkings de dissuasion aux entrées des villes et agglomérations plus importantes ; les déplacements ville-campagne (nombre de navettes et accessibilité).
– Une meilleure synergie avec les transports en commun (TEC et STIB)
Pour favoriser l’usage des moyens de transport en commun, les autorités communales doivent négocier avec les TEC et la STIB des aménagements de circuits et/ou d’horaires en fonction des besoins de la population locale, des écoles et des entreprises situées sur leur territoire. Il est en particulier essentiel de maintenir la desserte des quartiers de logements sociaux par les transports en commun, pour garantir à tous les résidents le droit à un accès facile et peu onéreux aux centre-villes.