Dans le prolongement d’un précédent numéro de "Démocratie" consacré au débat économique et social français (1), nous avons reçu une contribution de Jean-Louis Laville, chargé de recherche au CNRS, responsable du Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie (Paris) et auteur de nombreux ouvrages traitant de l’économie solidaire. Cette contribution, que nous vous livrons ci-dessous, vise à présenter le courant de l’économie solidaire et la manière dont il se positionne par rapport, notamment, à l’économie de marché. Un élément à ajouter au débat.

 

 


L’économie solidaire est indissociable d’une réflexion politique sur les rapports entre économie et société. C’est en partant d’une prise de conscience de l’ambivalence de l’économie de marché et d’un refus de la société de marché qu’il est possible de définir une perspective d’économie plurielle reconnaissant la complexité de l’économie contemporaine et envisageant des possibilités concrètes de démocratisation. L’enjeu actuel est en effet de s’appuyer sur des actions collectives existantes pour les amplifier et les arrimer à une action publique renouvelée. Il s’agit de recomposer les rapports entre économique et social, dans le sens d’une amélioration de la qualité de la vie et de la participation citoyenne.
L’économie de marché est une composante de la démocratie moderne. Elle a été à l’origine d’une extraordinaire augmentation du niveau de vie depuis la révolution industrielle. Cet enrichissement est allé de pair avec un mouvement d’émancipation individuelle auquel nous tenons tous. D’ailleurs l’expérience historique montre bien que la négation de la légitimité de l’économie de marché conduit au totalitarisme.
Cette réalité ne doit cependant pas nous faire oublier que marché et démocratie entretiennent autant une relation de tension que de complémentarité. Le XIXe siècle a donné lieu à une offensive libérale qui a confondu économie de marché et société de marché, estimant que l’ensemble de la société devrait être régulé par les seules lois du marché. Cette tentative s’est révélée catastrophique quant à la cohésion sociale et, pour éviter l’écrasement des plus faibles, le rôle de l’État s’est avéré déterminant. C’est l’État social qui leur a permis d’obtenir la sécurité d’existence, avec le droit du travail, la protection sociale et l’accès à des services comme la santé ou l’éducation.
Pourtant, malgré cet échec il y a plus d’un siècle, c’est à nouveau un glissement vers la société de marché qui s’opère. L’argument est simple: le chômage est un problème européen auquel les États-Unis échappent, il convient donc de suivre l’exemple américain et de supprimer les rigidités empêchant l’adaptation à la nouvelle donne internationale. Il s’agit de déréglementer pour redonner libre cours aux forces du marché.
Certes il est vrai que les États-Unis ont créé de nombreux emplois dans la dernière décennie; toutefois cela s’est fait dans de telles conditions que la nouvelle question sociale devient inquiétante. En somme, la voie adoptée pour relancer l’économie produit des pathologies sociales qui deviennent un sujet d’inquiétude majeur aux États-Unis. De nombreuses publications tirent la sonnette d’alarme en montrant qu’une "sous-classe" s’est formée, que la classe moyenne est tirée vers le bas, que l’accroissement des inégalités est tel qu’il contribue à la montée de l’insécurité. Les minorités sont les premières touchées: un tiers des jeunes noirs entre 20 et 30 ans sont sous contrôle de la Justice (emprisonnés, en période de probation ou libérés sur parole). Les experts pourtant orthodoxes de l’OCDE pensent que de telles évolutions remettent en cause "l’avenir économique à long terme de la nation"(2). Mais l’aveuglement idéologique amène à ignorer les faits et pour ceux qui ne sauraient questionner le modèle auquel ils croient, il ne reste qu’une solution pour expliquer la montée de la pauvreté et de la précarité: les pauvres sont des fainéants qui tirent parti de prestations sociales trop généreuses.

La perspective de l’économie plurielle
On voit aujourd’hui cette question s’imposer aux États-Unis où le "Welfare", l’État-providence, est remis en cause au profit du "Workfare", le travail obligatoire (3). Cette tendance n’épargne pas l’Europe où des voix de plus en plus insistantes s’élèvent pour réclamer que le droit aux prestations sociales ait pour contrepartie le devoir de travail et où certaines législations s’infléchissent dans ce sens. La face cachée du libéralisme dogmatique est donc cet autoritarisme qui ne peut s’empêcher de stigmatiser les victimes et rencontre un écho dans une partie de la population déboussolée par l’ampleur des changements en cours. Le risque d’une régression vers la situation du siècle dernier où la société de marché a déjà fait peser la menace du travail forcé pour les pauvres existe bien. Pour qu’il s’estompe, il est à craindre que les raisonnements "social-démocrates" ou "progressistes", centrés sur la défense de la redistribution, ne suffiront plus. Il importe de repenser les rapports entre économie et société dans leur globalité afin de trouver une nouvelle façon d’agir en politique. Autrement dit, l’enjeu est de définir un nouveau contrat social qui ne soit plus fondé sur le couple marché-assistance mais sur un renouvellement et une réconciliation des valeurs d’initiative et de solidarité. Cette tâche devient urgente pour éviter le pire.

La première condition pour amorcer une réflexion dans cette perspective est de rompre avec cette représentation tronquée de l’économie selon laquelle seule l’économie marchande serait créatrice de richesses et d’emplois. La réalité de l’économie contemporaine est beaucoup plus complexe et d’une nature mixte. Ainsi l’économie de marché bénéficie de nombreux investissements publics. L’entreprise utilise une main-d’œuvre qu’elle n’a ni éduqué ni formé; elle hérite d’un capital social et moral qui est totalement ignoré. En outre, l’économie marchande prélève largement sur la redistribution. Par exemple, il a été amplement démontré que l’agriculture productiviste est la plus subventionnée. Les entreprises à forte valeur ajoutée pèsent aussi sur la collectivité à travers les aides et les commandes publiques ou les prêts préférentiels... De même, les grandes industries (aéronautique, automobile, sidérurgie...) sont largement dépendantes d’une logique de puissance commandée par des choix politiques.
La réflexion sur les rapports entre économie et société suppose donc de s’inscrire dans une perspective plus réaliste; celle d’une économie avec marché, autrement dit, une économie plurielle dont le marché constitue l’une des composantes qui, tout en étant majeure, n’est en rien unique.
L’économie plurielle ne procède pas d’une nostalgie passéiste. Elle ne consiste pas à prôner le retour à un passé idéalisé. Les dépendances dont le salariat a permis de sortir ne pourront être rétablies, malgré les efforts des conservateurs pour renvoyer les femmes dans leur foyer. Par contre, cette économie plurielle propose un autre cadre d’analyse pour s’attaquer aux problèmes que l’économie marchande n’arrive pas à juguler seule. Elle repose sur la distinction entre trois pôles de l’économie: l’économe marchande, l’économie non marchande et l’économie non monétaire. Les économies non marchande et non monétaire ne sont pas que résiduelles: l’économie non marchande permet, par la redistribution qu’elle opère, à 45% des résidants adultes en France d’échapper à la pauvreté; pour sa part l’économie non monétaire basée sur la réciprocité et l’entraide mutuelle, si elle est ignorée par la comptabilité nationale, continue à régner dans bien des domaines de la vie quotidienne.
Placer tous les espoirs de sortie de crise dans l’économie de marché, c’est s’enfoncer dans une impasse. Certes, dans l’économie marchande, la productivité du travail est très élevée. Néanmoins elle va de pair le plus souvent avec une énorme dépense de ressources naturelles non renouvelables, aussi bien pour la production que pour le type de consommation auquel se sont habitués les pays développés, par exemple avec l’automobile. Il est donc totalement exclu que l’on puisse étendre à l’ensemble de la population mondiale les standards de consommation des pays riches. Aujourd’hui, le cinquième de la population mondiale le plus riche consomme 70% de l’énergie, 75% du métal, et 85% du bois. L’évolution actuelle aggrave les inégalités et prive du nécessaire une grande partie de la population mondiale. En 1960, la richesse du cinquième des pays les plus riches était trente fois plus importante que le cinquième le plus pauvre; en 1990 soixante fois. En déplaçant l’analyse, la perspective de l’économie plurielle ouvre de nouvelles pistes quant au rapport entre économie et société parce qu’elle identifie plusieurs plans d’action complémentaires dans les économies marchande, non marchande et non monétaire autant que dans leurs articulations, qui peuvent être multiples et à géométrie variable.
La question de la répartition des activités entre les trois pôles de l’économie est susceptible de varier fortement dans le temps et dans l’espace, en fonction des priorités que se donne la société. De plus, ces trois pôles de l’économie ne correspondent pas à des économies séparées, ils peuvent être imbriqués selon une grande variée de combinaisons.
Pour définir la meilleure articulation possible entre les trois pôles de l’économie, il faut essayer de préciser les avantages et les inconvénients de chacun d’eux. L’économie marchande peut être source d’efficacité, mais à l’inverse, elle peut engendrer de graves inégalités car elles ne s’intéressent qu’aux besoins solvables. L’économie non marchande peut garantir davantage d’égalité, par exemple dans l’accès au service public, mais elle peut être source de bureaucratie, de lourdeur administrative faute de la sanction du marché. Les solidarités de proximité très précieuses qui sont à la source de l’économie non monétaire peuvent aussi être pesantes et entrer en contradiction avec le désir d’émancipation individuelle. Il ne s’agit donc pas de "choisir" l’un des pôles, mais de rechercher, puisqu’il est clair que nous sommes en crise, un nouvel équilibre.
Cette présentation tripolaire n’établit pas une fausse symétrie entre les économies. En effet, l’économie marchande est dominante et présente une force d’attraction indéniable par la simplicité du mode de régulation qui la caractérise. Mais les deux autres pôles, secondaires ou supplétifs dans l’organisation sociale que nous connaissons, peuvent être mobilisés pour favoriser des rééquilibrages au moins partiels. Tenir compte de trois pôles de l’économie, c’est vouloir restaurer les moyens d’appréhender la complexité des économies contemporaines. C’est refuser de mythifier l’un quelconque de ces trois pôles.

De la notion de secteur à celle d’économie solidaire
Devant l’effritement du salariat que les politiques d’emploi classiques ne peuvent résoudre, il y a ceux qui plaident pour la constitution d’un secteur susceptible de faire place à une autre logique souvent désigné par l’expression de tiers secteur. Les propositions allant dans ce sens se répartissent schématiquement selon deux orientations.
La première, considérant que le travail salarié demeure une voie d’accès privilégiée à l’identité sociale, cherche à organiser une offre supplémentaire d’activités sans tomber dans le travail obligatoire. Ainsi, en France, il a été suggéré d’attribuer à des entreprises sans but lucratif la reconnaissance d’utilité sociale; d’envisager que des activités d’utilité sociale soient prises en charge par les collectivités locales avec répartition des dépenses pour moitié sur l’État, les départements, les communes et pour moitié sur l’utilisateur final; de créer des organismes employeurs qui seraient des agences intermédiaires de travaux d’utilité sociale financées par des subventions de l’État équivalentes à l’allocation de chômage ou à une allocation de ressources minimales; de transférer des allocations sociales à des agences sociales autonomes qui fonctionneraient comme des prestataires de services collectifs ou sociaux et rémunéreraient le travail de chômeurs effectuant ces tâches.
La seconde, se donnant pour horizon une société post-travailliste, insiste pour sa part, sur la nécessaire éclosion d’un secteur grâce auquel des activités créatrices, autonomes et socialisantes, puissent voir le jour en dehors de l’emploi. Au lieu d’aller vers un secteur destiné à occuper les chômeurs, il s’agit là de fonder pour chacun un espace d’intégration sociale, complémentaire de l’intégration par l’emploi dans l’économie, en facilitant l’avènement d’un secteur d’activités désintéressées et non rémunérées.
Par rapport à ces différents souhaits exprimés par beaucoup d’auteurs de voir se créer un secteur économique selon des critères et des valeurs à chaque fois particuliers (monétarisés ou non, professionnalisés ou non, pourvoyeur d’emplois ou d’activités bénévoles, etc.), la notion d’économie solidaire se démarque par sa perspective descriptive et compréhensive: elle renvoie à l’analyse de réalisations existantes qui, dans différentes parties du monde, représentent aujourd’hui des milliers d’expériences et des dizaines de milliers se salariés et de bénévoles impliqués.
Pour ne citer que quelques exemples, en Allemagne, existent les groupes dits d’auto-assistance dont cinq à dix mille pour le seul domaine de la santé et de l’aide à domicile. Dans des pays aussi différents que la Suède et l’Italie sont nées les coopératives sociales qui connaissent un essor spectaculaire: d’une dizaine au milieu des années 1970 en Italie, elles sont passées à plus de mille au début des années 1980. Dans les pays anglo-saxons ce sont les organisations de développement économique communautaire, plus de deux mille aux États-Unis et des dizaines de milliers au Royaume-Uni, dont plus de mille cinq cents pour le seul transport communautaire. Ce sont également les groupes populaires présents dont l’importance est particulièrement marquée en Amérique du Sud où ces groupes emploient près de vingt pour cent de la force de travail dans une ville comme Santiago du Chili (4). On assiste au Chili, comme au Pérou, en Bolivie ou au Brésil à une lente structuration d’un mouvement parti de l’économie souterraine de survie et qui se transforme en un ensemble de véritables organisations économiques génératrices d’emplois et de revenus stables. En France, des dynamiques comparables sont présentes à travers l’action de collectifs parents-enfants-professionnels pour l’accueil des jeunes enfants, de lieux d’expression et d’activités artistiques, de restaurants multiculturels de quartiers, de régies de quartier et de multiples autres entreprises et services solidaires dans divers secteurs d’activité.
L’économie solidaire n’est donc pas une utopie, elle est déjà en œuvre à travers une multitude de pratiques sociales.

Emploi, lien social et espace public
En dépit de leur extrême diversité, toutes ces initiatives présentent un trait commun caractéristique de cette économie solidaire: des personnes s’y associent pour mener en commun des activités économiques qui contribuent à la fois au renforcement de la cohésion sociale et à la création d’emplois.
- Sur le plan économique, elles ne restent pas prisonnières d’un concept de "sas" leur conférant comme seule fonction la préparation du retour dans l’entreprise de populations qui en avaient été éloignées, elles cherchent à élargir la sphère économique grâce à une gamme d’interventions plus vaste: si elles procurent des emplois transitoires conçus comme de simples passages, elles ne négligent pas les emplois permanents, supports d’insertion dans les secteurs d’activité banalisés et elles créent des emplois grâce à la mise en œuvre d’activités nouvelles. Mais surtout l’emploi n’est pas une fin en soi, il est englobé dans une démarche plus globale grâce à laquelle l’activité économique est inscrite dans des structures porteuses de sens où le sujet s’inscrit dans des collectifs concrets. La production des services est assurée non pas en ayant recours à des statuts intermédiaires ou des emplois domestiques, synonymes de "petits boulots", mais en structurant des activités dans un cadre collectif qui seul peut garantir la qualité des prestations et des emplois comme la pérennité de l’implication des bénévoles et des usagers. Au lieu de défendre l’emploi à tout prix, quelles que soient les conditions sociales de son exercice, c’est la complémentarité entre d’une part engagements volontaires et d’autre part emplois durables et professionnalisés qui veut être instaurée.
Plus qu’un secteur qui viendrait se juxtaposer aux autres, elle réalise une "hybridation" des trois économies, marchande, non marchande et non monétaire à partir de dynamiques de projet. Par ce biais, elle dépasse aussi la conception d’une économie séparée du social et du politique et propose en fait une recomposition des rapports entre économique, social et politique.
- Sur le plan social, ces réalisations permettent la constitution autour de projets librement déterminés par celles et ceux qui les conçoivent, de solidarités de proximité qui ont pour vertu d’activer des réseaux d’autant plus importants qu’ils s’insèrent dans un monde où se multiplient les phénomènes d’anomie, de retrait ou de repli identitaire. Toutefois, de tels réseaux ne signifient pas le retour à un localisme qui procéderait d’une dénégation des acquis sociaux de la modernité.
- Enfin sur le plan politique, elles stimulent un apprentissage de la vie publique et elles concourent à rendre la démocratie plus vivante parce qu’elles sont l’émanation d’acteurs de la société civile qui prennent la parole à propos des problèmes concrets qu’ils rencontrent. De plus, les projets formulés ont pour visée le changement institutionnel et non la seule production, ce qui les positionne comme de nouveaux espaces démocratiques par leur dimension d’espace public dans les sociétés civiles (5). L’économie solidaire, c’est d’abord le refus de considérer que la seule solution consisterait à laisser s’épanouir une économie de marché libérée d’un maximum de contraintes, tout en élargissant, pour panser les plaies, le champ des actions sociales correctives. En d’autres termes, l’économie solidaire ne saurait être cantonnée dans des programmes de transition, pas plus qu’elle ne peut être le refuge pour les gens que l’on déclarerait inemployables dans une économie dite normale. L’économie solidaire ne saurait non plus se confondre avec d’autres formes d’économie dans une espèce de secteur fourre-tout qui légitimerait l’éclatement de la condition salariale: que ce soit avec l’économie caritative, qui présente le risque de substituer la sollicitude et la bienveillance au droit, nous ramenant plus d’un siècle en arrière quand la philanthropie voulait soulager la misère en moralisant les pauvres; ou encore avec l’économie informelle, qui ne permet guère que la survie des plus défavorisés sans leur permettre de reprendre pied dans la vie de la cité.
En somme, l’économie solidaire ne saurait en aucun cas constituer une "économie-balai" qui ramasserait les laissés-pour-compte de la compétitivité. Elle manifeste au contraire la volonté de réconcilier initiative et solidarité, alors que ces deux valeurs ont été trop souvent séparées: à l’économique, l’entreprise et au social, le partage.
La perspective d’économie solidaire renoue donc avec l’origine de l’économie sociale mais elle se doit aussi de tenir compte des enseignements fournis par l’histoire de cette économie sociale.
Avec le temps dans l’économie sociale, le rôle économique des organisations s’est renforcée aux dépens de la dimension politique. L’inscription dans un secteur d’activités a induit une occultation de l’ancrage territorial et l’économie sociale est souvent devenue un simple complément ou un correctif de l’économie de marché. La démocratisation des rapports sociaux a été envisagée uniquement à l’intérieur des organisations et en termes de propriété collective. Or les expériences ont montré que la propriété des moyens de production ne suffit pas à assurer la démocratie interne, les fonctionnements sociaux réintroduisent des inégalités par le poids des compétences externes, l’organisation du travail, les techniques, les jeux de pouvoir et les dynamiques identitaires.
Ainsi, au moment où la dynamique marchande ne suffit plus à fournir du travail pour tous, l’économie solidaire ne peut permettre de rendre la sphère économique plus accessible et de la "réencastrer" dans la vie sociale que si elle réaffirme la dimension politique de son action. De manière symétrique, encore faut-il pour qu’elle acquiert droit de cité et devienne véritablement légitime qu’une véritable reconnaissance politique de ce mouvement en cours ait lieu pour que l’intervention publique puisse soutenir la démarche de l’économie solidaire dans le cadre d’une politique qui soit susceptible de favoriser tout à la fois la création d’emploi, le renforcement du lien social et le libre accès à l’espace public. En ce domaine, il appartient aux mouvements acteurs et sociaux de construire les rapports de force pour que l’économie solidaire ne soit pas détournée de ses finalités et qu’elle puisse contribuer à un mieux-vivre dans la société de demain, en tant que composante légitime de l’économie moderne (6).

Jean-Louis Laville
Bernard Eme
CRIDA-LSCI

Publications récentes aux Éditions Desclée de Brouwer:

Insertion et nouvelle économie sociale, Paris, 1998.
Vers un nouveau contrat social, Paris, 1996.
L'économie solidaire. Une perspective internationale, Paris, 1994.
Cohésion sociale et emploi, Paris, 1994.

  1. "Économie: aux funérailles de la pensée unique" H.Peemans-Poullet, in, Démocratie, N°24, 15 décembre 1998
  2. Pour une synthèse particulièrement documentée et rigoureuse de la question sociale aux États-Unis, cf. W.J. Wilson, les oubliés de l'Amérique, Paris, Desclée de Brouwer, 1994 (traduction française).
  3. Sur ce point, voir M.R. Anspach "l'archipel du Welfare américain, âge d'abondance, âge de pierre" dans la revue du Mauss, "Vers un revenu minimum inconditionnel?"n°7, 1er semestre 1996.
  4. Pour des informations sur les expériences en Europe et en Amérique, cf. J.-L. Laville (sous la direction de),Économie solidaire. Une perspective internationale. Paris, Desclée de Brouwer, 1996.
  5. A.Evers, Part of The Welfare Mix: The Third Sector as an intermediate area. Voluntas, 6: 2, 1995.
  6. Extraits du texte "Pour l'économie solidaire" signé par les membres de différents réseaux qui se réfèrent à cette logique, Le Monde, 18 octobre 1995