La Région wallonne planche actuellement sur un projet de Schéma de développement de l’espace régional (SDER). L’enjeu de ce document de quelque 200 pages n’est pas mince: il s’agit de prendre des options d’aménagement du territoire susceptibles de favoriser le développement économique. Et cela, en garantissant la meilleure qualité de vie possible pour les habitants. Quelles sont les grandes options du SDER et les principales questions en débat? Tentative d'explication.

 

Premier constat général: l’économie se “métropolise”. Depuis le siècle dernier, les villes se sont fortement développées. Avec la révolution industrielle, le regroupement d’activités permettait des économies d’échelle (en mettant toutes les entités nécessaires à la production à proximité les unes des autres, ce qui permet d'économiser les frais de transport, d’organisation, etc.). Une hiérarchie s’est cependant vite organisée entre villes. Au début, on y regroupait travailleurs et détenteurs de moyens de production. Ces derniers vont progressivement quitter les petites villes pour rejoindre les grandes, qui abritent également les centres financiers et le pouvoir politique. En outre, toutes sortes de facilités supplémentaires sont à leur disposition.
Aujourd’hui, dans la phase post-industrielle que nous vivons, la grande ville est aussi celle qui voit s’accroître les services et joue un rôle de nœud dans les réseaux de communication. Elle génère une série de mécanismes informels importants: lorsque tous les acteurs économiques sont géographiquement rassemblés, la qualité de l’information qui circule est bien meilleure. Nombreuses sont les décisions qui se prennent par le contact personnel, entraînant ainsi la diminution des intermédiaires. Malgré les inconvénients de la métropole (pollution, congestion des transports, coûts fonciers plus élevés), la polarisation de l’espace autour d'elle est une tendance lourde de l’économie.

L’évolution européenne
Les grandes métropoles sont donc celles qui forment des nœuds dans les réseaux internationaux de communication. Les “aires métropolitaines” sont reliées entre elles par des “eurocorridors”, zones irriguées par des axes majeurs de communication et caractérisées par des courants importants de déplacements et d’échanges. Cet espace éclaté, constitué de nœuds et d’axes, risque de créer des lieux de relégation où s'enlisent les villes et les régions qui ne disposent pas des atouts suffisants ou de fonctions spécialisées pour entrer dans ce réseau international. Et cela d'autant plus que dans une perspective de mondialisation de l’économie, le pouvoir exercé sur les structures économiques échappe aujourd’hui aux Etats, au profit d’un pouvoir économique transnational. Cette tendance est représentée par la carte n°1: une aire métropolitaine constituée du triangle Bruxelles – Anvers – Gand et un eurocorridor allant de Paris vers l’Allemagne en passant par Bruxelles. Lille joue un rôle de nœud, dans la mesure où elle articule cet eurocorridor à celui vers Londres. Dans cette optique, la Wallonie est zone de relégation.

Le volontarisme du SDER
Le SDER veut inverser cette tendance. Selon ce document, quatre aires métropolitaines doivent se développer, en construisant des relations transrégionales:

 

  • Lille
  • Lorraine
  • Liège – Maastricht – Aix-la-Chapelle
  • Bruxelles: le triangle avec Anvers et Gand doit être complété d’un autre Bruxelles – Mons – Namur.

    Cela permettrait la traversée de la Wallonie par deux eurocorridors: l’Est – Ouest longerait l’ancien sillon Sambre – Meuse et désengorgerait l’axe Paris – Berlin passant par Bruxelles; le Nord – Sud relierait Bruxelles à l’aire Luxembourg – Lorraine, en passant par Namur (carte 2).

    Nombreuses questions
    S'il faut se réjouir d'un tel volontarisme, force est de constater que les choses en restent à un niveau fort abstrait. Sans vouloir être exhaustif, pointons les questions suivantes, qui paraissent complémentaires au projet:

  • comment organiser la solidarité entre sous-régions wallonnes et entre groupes sociaux?
  • quel arbitrage opère-t-on entre les besoins du développement et ceux de la mobilité et des normes sociales et environnementales élevées?
  • ne faudrait-il pas cibler quelques “priorités parmi les priorités”, afin d'apporter une réponse aux besoins fondamentaux des habitants (par exemple en matière de droit au logement)?
  • quel développement prévoit-on pour les zones rurales?
  • comment promouvoir les réseaux de villes en renforçant les complémentarités et les coopérations entre Mons, La Louvière, Charleroi et Namur (pour obtenir l’effet d’une grande ville)?
  • est-on bien certain de la pertinence du concept d'“eurocorridor” (s'arrête-t-on dans un corridor, et si oui, à quelles conditions)? Comment rendre complémentaires la Wallonie et les régions et villes limitrophes?

    Autant de questions qui montrent combien la notion même de développement mérite d'être interrogée. Quel type de développement économique veut-on, à quel prix et à quelles conditions? Voilà un débat qui doit intéresser et mobiliser tous les Wallons.

 

 

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