L'histoire de la moitié de l'humanité - les femmes - a largement été occultée." (1) Ce constat, fait tardivement dans les années 60, a conduit de nombreuses historiennes à réinterroger le passé sur le rôle et la place des femmes dans le développement des civilisations. Pourtant, les femmes n'ont pas attendu la reconnaissance officielle de leur rôle pour occuper une place importante dans le développement de leur pays ni pour formuler, à travers de nombreux mouvements de femmes, des projets de société plus conformes à leurs préoccupations.

C'est le décalage entre la réalité - une présence séculaire des femmes sur le terrain du développement - et la théorie qui découvre aujourd'hui le rôle et la place des femmes (2), qui a inspiré cet article.

La première partie expose les différents courants de pensée, la seconde, qui paraîtra dans le Démocratie n°4, abordera les pratiques sous un angle plus critique. À suivre, donc...


TRADITION vs MODERNISATION
L'origine de l'intégration "femme" et "développement" est à trouver dans la théorie de la modernisation, qui a inspiré, sous des formes diverses, près de trois décennies de politiques de développement. Cette théorie repose sur une série de postulats: la foi en la modernité, le progrès et le mépris de tout ce qui est ancien, traditionnel. La tradition est associée à l'image de-la passivité, à celle d'un monde clos comme celui de la sphère domestique. Dans l'imaginaire de la modernisation, la distinction modernité/tradition recouvre largement la distinction publie/privé et homme/femme. Toujours dans cet imaginaire, le passage de la femme à la modernité passe par les mêmes étapes que celles franchies par l'homme.

INEFFICACITÉ DE LA MODERNISATION

Les années 60 sont marquées par la guerre froide et par la lutte entre le bloc capitaliste et le bloc communiste, pour la domination des pays anciennement colonisés. Les programmes de développement d'alors reflètent les exigences économiques et politiques de cette lutte (3). L'échec patent de ces politiques à diminuer les écarts entre Nord et Sud a suscité de vives critiques de la Part des pays concernés par l'aide au développement. Sous l'impulsion de mouvements anti-systémiques (4) tiers-mondistes et féministes, une attention particulière est portée aux femmes des pays du Sud dont la situation s'est considérablement dégradée. En 1962, l'assemblée générale des Nations unies met sur pied une commission "femmes" dont le rôle est de mettre en évidence le rôle de la femme dans le développement. E. Boserup, économiste danoise, s'est, une des premières, intéressée au sort des femmes en Amérique latine, Afrique et Asie (1970). Elle montre dans Women's role in economic development que le colonialisme puis les politiques de modernisation ont considérablement dévalorisé le statut de la femme sur ces trois continents, surtout en Afrique. Laide au développement présente manifestement un biais occidentalo-centriste mais également masculino-centriste. La conception du travail, du pouvoir, l'accès à la terre, tout privilégie l'homme. Petit à petit, l'idée que les femmes sont laissées de côté dans les politiques de développement fait son chemin. Relayée par les mouvements et associations de femmes dans le monde occidental, elle amène les ONG et les agences d'aide au développement à intégrer les femmes dans les projets de développement. La diffusion des travaux liés à la problématique "femmes" amène les Nations unies à organiser plusieurs conférences mondiales sur le sujet: Mexico (1975), Copenhague'(1980), Nairobi (1985) et Pékin (1995). Plusieurs courants de pensée sont également nés de l'intégration de la problématique "femmes" aux questions de développement, E. Rathgeber en identifie trois: femmes dans le développement (WID), femmes et développement (WAD), genre et développement (GAD). Nous suivons ici sa classification pour les présenter.

FEMMES DANS LE DEVELOPPEMENT ou WID (5)

Le WID souscrit à la théorie de la modernisation "revisitée", c'est-à-dire la modernisation intégrant les femmes au processus économique. La modernisation est vue comme une issue possible à la société traditionnelle dominée par l'autorité masculine à travers la participation des femmes à l'activité économique. La modernisation constituerait, selon ce courant, une voie vers la démocratie et l'égalité homme/femme. Ce courant est le plus ancien (1960-1970) et accrédite l'idée de la croissance économique comme moyen privilégié de développement. Dès lors, les programmes et projets de développement intégrant la problématique (i femmes), ont tenté de faire intervenir les femmes comme actrices dans des projets. Les programmes de santé (Maternal Child Health) furent critiqués comme étant très stéréotypés: on ne considère la femme que dans son rôle de reproductrice. Les ONG furent encouragées à mettre en place des programmes dont le but est d'augmenter le revenu des femmes, des plus pauvres surtout. L'évaluation de ce type de projets est délicate. Il semblerait qu'ils n'ont pas généré les revenus escomptés et n'ont pas réussi à faire entrer les femmes dans des domaines non traditionnels (6). "Les programmes visant à l'intégration des femmes au développement permettaient de mener des actions ponctuelles auprès des femmes mais ont souvent renforcé leur marginalisation, parce qu'ils les confinaient à des domaines traditionnellement féminins et ignoraient le rôle des hommes comme détenteurs du pouvoir et du contrôle des biens. " (7)

Le mérite du courant WID est de lier la question des femmes à celle du développement. Un certain nombre de féministes libérales ont traité et traitent encore le lien entre les problématiques i(femmes" et "développement" selon la grille d'analyse WID. Elles ont été fortement critiquées par les féministes issues du courant marxiste qui ont impulsé une nouvelle réflexion autour des concepts "femmes" et " développement".

FEMMES ET DEVELOPPEMENT - WAD (8)

La pensée sur "femmes et développement" prend sa source dans la théorie de la dépendance. Elle a commencé à se développer en 1970-1980 en réaction à la théorie de la modernisation. Il ne s'agit pas, comme dans le mouvement WID, d'aménager une place pour les femmes dans le cadre de la modernisation. Il s'agit d'une part de faire reconnaître que les femmes ont toujours participé au développement et, d'autre part, d'interroger la modernisation comme mode de développement. De nombreuses chercheuses ont relu l'histoire avec des yeux plus attentifs à la question féminine pour se rendre compte que les femmes ont pleinement participé aux grands événements socioéconomiques (Révolution industrielle) ou politiques (Révolution française). Elles ont contribué à relancer le débat sur le rôle passé et présent des femmes. Ces dernières se sont également penchées sur la persistance du statut inférieur de la femme. Il serait, pour elles, une résultante des structures de production et de facteurs socioéconomiques, ce qui les amène inévitablement à rejeter le capitalisme comme mode de développement désirable pour les femmes (9).

GENRE ET DEVELOPPEMENT GAD (10)

La pensée GAD s'est formée au début des années 1980 et s'inscrit dans le prolongement direct de la pensée sur femmes et développement (MD). Profondément imprégnée des théories marxistes et des héritiers de la théorie de la dépendance, le genre s'intéresse à toutes les formes d'oppression ou de domination des femmes (cf. encadré ci-contre). Cet héritage conduit les théoricien(ne)s du genre à s'intéresser à la fois aux relations de genre (Le. aux rapports de force à l'intérieur des liens familiaux) et aux rapports entre classes sociales. Elles se préoccupent également d'apporter une vision alternative à la modernisation. Alors que l'approche WID octroyait au marché une place importante dans le développement, l'approche GAD, au contraire, considère que le marché n'est pas nécessairement le meilleur instrument de redistribution des bénéfices. Par conséquent, la lutte des femmes pour un " égal" accès des femmes au marché (crédit, vente ... ) et qui a animé un certain nombre de projets de développement peut s'avérer contre-productive en matière d'égalité homme-femme comme en matière d'égalité entre groupes sociaux. Les théoricien(ne)s du genre estiment que l'État doit être réinvesti dans son rôle d'allocataire de capital social (sécurité sociale, éducation ... ) et d'employeur. Par ailleurs, sa forme doit être repensée de façon à rencontrer la demande de politiques à un niveau local. Cela devrait permettre également aux femmes d'être plus présentes dans les fonctions de décision et dans l'expression politique.

FEMMES, ENVIRONNEMENT ET DEVELOPPEMENT - WED (11)

La typologie développée par E. Rathgeber doit être complétée par un quatrième courant, celui qui associe ~(I'environnement" aux questions "femmes" et "développement". Les mouvements féministes des années 1970 ont enrichi et se sont enrichis de nombreux débats théoriques. La crise pétrolière largement répercutée sur les économies du Nord et les sécheresses au Sahel ont fait prendre conscience de la rareté des ressources naturelles et ont contribué 1l'écho donné aux thèses écologistes. Au confluent des courants écologistes et féministes s'est développé l'écoféminisme. Ce mouvement effectue un parallèle entre la domination par l'homme de la femme et de la nature. Pour les théoriciens de la modernisation, la distinction homme/femme recouvrait largement la distinction publie/privé, modernité/tradition, culture/nature. L'association entre femme et nature n'est cependant pas effectuée dans la même optique. Il s'agit ici d'intégrer les préoccupations écologistes et féministes dans une vision renouvelée du développement, afin de le rendre plus soutenable. M. Mies et V. Shiva, qui se réclament de l'écoféminisme, prônent un développement plus juste (redistribution des terres et des ressources naturelles) et plus égalitaire (répartition du pouvoir entre hommes et femmes) (12).

Florence Degavre Assistante FOPFS-FTU

  • E. Reed, Wonîen~ evolution,fronz matriarchal clan ta pablarchalfamily, Pathfinder, New York, 1974, p. xiii.

  • Nous ne nous préoccupons ici que de la théorie reprise par les institutions "officielles" préoccupées de développement et qui "redécouvre" le rôle des femmes. Cela implique d'ignorer tout le courant féministe, pluriséculaire, qui a déjà amplement traité la question.

  • N. Visvanatan, L. Duggan, L. Nisonoff, N. 'Niegersma, The women, gender and development reader, Zed books limited, 1997.

  • Ce terme est emprunté à 1. Wallerstein et désigne l'ensemble des mouvements qui par leur action s'opposent au système (capitaliste, colonialiste_.)

  • Traduction française de ~~Women in Development" (WID).

  • C. V. Scott, op. cit., p. 78.

  • T. Locoh, A. LabourieRecape, C. Tichit, op. cit., p. 3 et C. V. Scott, op. cit., p. 78.

  • Traduction française de "Wornen and Development" (WAD)

  • N. Visvanatan, op. cit., P. 21.

  • Traduction française de "Gender and Developrnent" (GAD)

  • Traduction française de "Wornen, Environment and Developrnent" (WED)

  • V. Shiva, "Wornen in nature), in N. Visvanatan, L. Duggan, L. Nisonoff, N. Wiegersma, op. cit., p. 62.

    La réflexion sur le rôle des femmes dans le développement a considérablement évolué ces dernières années et s'est enrichie de multiples résultats de recherche (1). On pourrait croire que, désormais, les programmes de développement sont entièrement tournés vers la réalisation de l'égalité hommes femmes et de l'amélioration des conditions de vie des populations.
    Pourtant, malgré les progrès réalisés dans la réflexion théorique, la tendance “WID” (“Women in Development”) (2) est encore bien vive parmi les penseurs du développement dans certaines enceintes internationales telles que la Banque mondiale. Dans son rapport de 1989, cette dernière réaffirme l'importance du rôle des femmes dans un développement vu comme modernisation. En même temps, le rapport reconnaît que, jusqu'à présent, la modernisation “a pesé plutôt négativement dans la balance pour les femmes (3)”, et ce tant dans l'accès à la terre que dans la technologie ou au crédit. C'est pourquoi toute la préoccupation actuelle de la Banque mondiale est de cibler les femmes, de favoriser leur accès au marché, persuadée que leur émancipation viendra de là.
    Nous examinons ici comment l'émancipation des femmes est avant tout une affaire de rapport de force “Sur le terrain”, ce que la Banque mondiale a bien compris. Mais cette émancipation nous semble exclue si c'est par le marché que l'on tente de changer ce rapport de force.

    FOSSÉ ENTRE L'EGALITÉ RÉELLE ET FORMELLE

  • Vouloir améliorer la condition des femmes, tant sur le plan social que politique, et leur permettre de disposer d'une meilleure répartition des revenus nécessite une analyse approfondie des rapports hommes-femmes sur le terrain. Une analyse du droit ou de la législation n'est pas suffisante. C. Goislard montre comment, au Burkina Faso, l'égalité juridique dans l'accès à la terre se heurte à des rapports de force sur le terrain qui font en sorte que les pratiques foncières restent très défavorables aux femmes (4). Dans le cas étudié, malgré l'existence d'un dispositif législatif datant du début des années 1980 permettant aux femmes d'accéder à la propriété de la terre, celles-ci restent maintenues à l'écart des instances d'attribution des terres et ne possèdent, de ce fait, que 17% des terres. Cet exemple illustre parfaitement le fossé qui peut exister entre l'égalité réelle et l'égalité formelle mais montre également qu'une approche en termes de “ genre ” permet de débusquer ce qui, dans les relations hommes/femmes sur le terrain . , s'oppose à l'égalité réelle.
    En Belgique, il n'existe plus officiellement de législation discriminatoire vis-à-vis du travail des femmes et à leur participation à la vie économique et politique. Mais les règles du marché et le refus de l'État de mettre un frein à la demande de flexibilité (horaire et salariale) et de baisse généralisée du coût du travail émanant des entreprises jouent inéluctablement contre le travail des femmes. Dans bien des cas, celui-ci est tout simplement rendu impraticable par la suppression de crèches et de garderies pour leurs enfants (difficultés de financement du Fonds des équipements et services collectifs dues aux restrictions budgétaires) ou par l'extension du nombre d'emplois à horaires flexibles dans des secteurs d'activité fortement féminisés (services commerciaux, magasins ... ). Les femmes sont en même temps de plus en plus encouragées à travailler à temps partiel, pratique qui est présentée comme avantageuse puisqu'elles peuvent ainsi continuer à s'occuper de leurs enfants. Or nul n'oserait affirmer que travailler moins d'un mi-temps offre le même salaire, la même indépendance financière et, surtout, les mêmes possibilités d'évolution professionnelle qu'un travail à temps plein.

    FACE CACHÉE

  • Depuis toujours, les femmes ont exercé des responsabilités collectives, même si leur “visibilité” dans les recherches historiques est récente. Elles n'ont, heureusement, pas attendu les encouragements que l'on veut bien leur donner aujourd'hui: elles assument un rôle dans le développement depuis des siècles et ce, malgré les obstacles culturels, institutionnels ou politiques qu'elles ont à affronter. De même que nous avons souligné le long chemin parcouru entre la pratique des femmes présentes sur le terrain du développement depuis des millénaires et la pensée sur “ femmes ” et “développement”, nous nous devons de souligner le long chemin qui existe entre le discours des institutions internationales et la pratique des projets de développement. Les courants de pensée ayant remis le rôle de la femme au coeur de la problématique du développement n'ont pas eu les effets bénéfiques escomptés. Pour C.V. Scott, la mise en lumière des stratégies de femmes dans les recherches menées dans les universités a coïncidé avec un changement dans la représentation des femmes dans le discours de la Banque mondiale à partir de la fin des années 1980. L'auteur fait un parallèle entre la mise en valeur du rôle des femmes par la Banque mondiale et la nécessité, affirmée par ailleurs, de réduire la fécondité dans les pays en développement, d'encourager l'accumulation du capital et le marché d'exportation (5). Toute l'attention des institutions de développement est désormais portée sur le potentiel des femmes à réaliser ces objectifs libéraux. Dans ce cadre, il est peu probable que leur discours sur l'émancipation ou l'importance des femmes comme agents de développement poursuive le but annoncé. Il s'agit de prendre appui sur la régularité constatée des femmes à payer leur créditeur, sur leur plus grand souci de la famille ou sur leur modération pour les faire sortir de la sphère i(traditionnelle ” où leur potentiel serait peu exploité et les impliquer davantage dans l'économie de marché. Comme l'a déjà souligné Hedwige Peemans-Poullet (6), tout l'enjeu du micro-crédit est là: tester le pouvoir d'accumulation de capital des femmes, les désignant, en cas d'échec, comme les responsables des espoirs déçus du développement. Cependant, il est nécessaire de rappeler à quel point cette vision-là du développement répond peu à la demande des premières concernées. Pour connaître cette demande, encore faut-il vouloir écouter les femmes, se pencher sur leurs stratégies à partir d'une grille non déformée par les nécessités du courant libéral mais bien d'une grille en termes "d'initiatives de résistance”.

    Au vu des expériences dans les pays européens en termes de régression du rapport “femmes” et “développement”, il est important d'enseigner aux femmes du Sud les risques qu'elles encourent par le développement confié au marché. Les améliorations réelles qu'a connues la femme dans les pays occidentaux sont sans cesse remises en question. Les multiples régressions constatées dans le domaine professionnel affectent aujourd'hui non seulement les femmes mais également les jeunes en général. Elles sont le signe d'un rapport de force de moins en moins favorable qui va à l'encontre du discours fait en Belgique, comme dans les institutions préoccupées du développement dans le Sud, sur la promotion du rôle de la femme.

    GENRE ET ACTION

  • Quel rôle les femmes sont-elles prêtes à jouer et dans quel type de développement? La question est doublement pertinente. D'une part, parce qu'en la posant, on contribue à dissocier le destin des femmes de celui de l'individu universel, abstrait, qui est au centre des macro projets de développement dans le Sud comme dans le Nord. D'autre part, parce qu'en interrogeant, à partir d'une grille sexuée, les théories de la modernisation, les différents mouvements de femmes démontrent que le développement n'est pas un terrain neutre. L'idéologie y est présente, masquée par le discours technique des grandes organisations internationales.
    Le rôle des femmes, leur rapport au pouvoir et le type de société dans laquelle elles vivent, toujours aux normes de la compétition et de la domination masculine, sont évidemment des thèmes adjacents. De nombreux mouvements féministes remettent d'ailleurs vivement en question l'organisation capitaliste comme vecteur possible de l'accession des femmes à l'égalité.
    En Belgique, les travaux réalisés dans quelques (trop rares) départements d'universités et dans certains mouvements féministes montrent à quel point les femmes sont porteuses d'un autre développement et ne sont nullement encouragées dans cette voie. Le refus de financer le Fonds des équipements et services collectifs (crèches, gardes d'enfants malades ... ), enjeu colossal pour les femmes qui désirent travailler, la propagande auprès des femmes pour le temps partiel, la remise en question “endémique” du droit à l'avortement, la tentation de refouler les femmes dans l'économie domestique en ne leur permettant pas de bénéficier de la socialisation de tâches qui leur incombent traditionnellement (éducation des enfants, occupation des parents âgés ... ), sont autant de manifestations d'un mouvement officiel refusant à la majorité de la population un équilibre population-environnement-développement. La volonté affichée dans les discours, en Belgique comme ailleurs, de promouvoir l'égalité entre hommes et femmes est soumise à caution. C'est pourquoi, malgré les avancées théoriques et les résultats des recherches sur les expériences passées, la pratique est encore loin du discours et l'on peut s'interroger sur la volonté réelle des pouvoirs publics ou des instances internationales à rencontrer la demande de développement des femmes.

    La prise en considération de la perspective "genre” dans le cadre des politiques macroéconomiques comme dans celui des politiques de population et de développement doit, selon certaines théoriciennes, permettre de sortir de l'idéalisme qui entrave certains programmes ou mesures de développement, au profit d'une approche plus “matérialiste” et globale. Cela signifie concrètement qu'une ONG a intérêt à tenir compte des contraintes sociales, économiques et culturelles qui pèsent sur les femmes dans leur quotidien ainsi que du rapport de force avec leur époux ou leur belle-famille par exemple, avant d'entreprendre un action particulière: "Les programmes visant à l'intégration des femmes au développement permettaient de mener des actions ponctuelles auprès des femmes mais ont souvent renforcé leur marginalisation. [ .. ] (L'approche du “genre”) se veut transversale à l'ensemble des Politiques, programmes et projets de développement (mainstraiming), tout en maintenant des interventions ciblées sur les femmes pour pallier les inégalités récurrentes entre les sexes (7).

    Florence Degavre Assistante FOPES-FTU

    1. La première partie de cet article, parue dans le Démocratie n°3, abordait le thème de “femmes et développement” sous un aspect théorique en analysant les différents courants de pensée. Cette seconde partie s'attachera plutôt à critiquer les diverses pratiques élaborées ces dernières années,

    2. ”Femmes dans le développement,). La tendance WID veut valoriser l'insertion de la femme dans le processus économique et dans le marché (cf. Démocratie n'3, ler février 1999).

    3. Cité par C. V. Scott, Gender and development, rethinking modernization and dependancy theory, 1995.

    4. C. Goislard in T. Locoh, A. Labourie-Recape, C, Tichit, Genre et développement, des pistes à suivre, documents et manuels du CEPED, n'5, Paris, 1996, p. 45 et suiv.

    5. C. V. Scott, Gender and development, rethinking modernization and dependancy theory, 1995, p. 130.

    6. Hedwige PeemansPoullet, Plutôt des fèves pour ma casserole que du café pour le marché mondial,, in Démocratie n°11, ler juin 1998.

    7. T. Locoh, A. LabourieRecape, C. Tichit, p. 3.