983 p13 20230524 190403 2Le congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est déroulé du 23 au 26 mai 2023 avec la participation de quelque 600 délégué·es représentant les différentes organisations syndicales européennes et les fédérations sectorielles, ainsi que les comités statutaires des jeunes et des femmes. Les jeunes ont pu réaffirmer « qu’ils n’étaient pas le problème, mais la solution ».

 


Forte de 89 organisations syndicales nationales réparties dans 39 pays européens, la Confédération européenne des syndicats (CES) vise, entre autres, à ce que la parole des travailleurs et travailleuses soit entendue dans le cadre du dialogue social européen et à défendre les valeurs sociales fondamentales de ses membres, pour aller dans le sens d’une Europe sociale. La CSC étant membre de la CES, une délégation de neuf personnes a participé au congrès qui s’est tenu en mai à Berlin. Tous les quatre ans, le congrès fixe la politique générale de l’organisation et en élit l’équipe dirigeante. Cette année, ce rassemblement a été marqué par la célébration des 50 ans d’existence de la CES.
L’implication de la jeunesse dans les syndicats a été au cœur de ce congrès. En amont de celui-ci, du 19 au 22 mai, s’est tenu un événement rassemblant la jeunesse syndicale européenne, « Power to Union Youth ». Des ateliers et séances en plénière ont notamment porté sur les conditions de travail et le temps de travail, l’extrême droite (qui fut aussi un grand thème du congrès), les élections européennes et les revendications de la jeunesse syndicale pour le congrès de la CES. « Nous avons eu l’occasion d’y participer à quatre délégué·es de la CSC et de vivre une expérience riche en rencontres et en apprentissages mutuels. Durant tout le week-end, à travers des ateliers, des moments d’échanges et des panels de discussions, nous avons pu partager nos différentes réalités de terrain, nos difficultés souvent semblables d’un pays à l’autre et notre envie commune de renforcer l’action des syndicats et de nous y investir pleinement », explique Mathilde Delsoir, jeune permanente à la CSC Hainaut occidental qui faisait partie de la délégation CSC du congrès 1.


Quota de jeunes

Ce congrès a non seulement écouté le message des jeunes, mais a aussi pris des engagements concrets pour encourager ce renouveau syndical.
Il a élu l’équipe dirigeante la plus jeune que la CES ait eue jusqu’alors. Mais la plus grande démonstration de soutien aux jeunes a été l’adoption du quota de jeunes, qui sera d’application dès la prochaine édition. Ainsi, en 2027, pour chaque organisation participante, 1 délégué·e sur 4 devra être âgé·e de 35 ans ou moins. Plus de 60 % des délégations avaient déjà appliqué cette règle lors de ce congrès ; en ce compris la CSC qui avait même doublé ce nombre puisque 4 jeunes sur 9 délégué·es y étaient présent·es.
Cette mesure est défendue et travaillée depuis plusieurs années par le comité des jeunes de la CES afin de garantir la participation des jeunes à la prise de décision politique et de remédier à la faible représentation des jeunes lors des congrès précédents.
Ils n’étaient que 10 % en 2019.
« Bien qu’il s’agisse d’un grand pas dans la bonne direction, il y a encore du travail à faire. Mais ne voyons pas cela comme un défi. Ce n’est pas un problème auquel nous devons faire face. C’est une opportunité. Atteindre et organiser les jeunes travailleur·ses nous apportera la solution dont nous avons besoin pour relever un grand nombre de nos défis. Nous ne sommes pas le problème, nous sommes la solution », a déclaré Linde Nieto, permanente à l’ACV Oost-Vlaanderen dans son discours devant le congrès. « Activez-vous, soyez bruyant·es, provocateur·rices, soyez le changement au sein de vos organisations et battez-vous pour votre siège, car nous savons qu’il n’est pas facile pour les jeunes syndicalistes d’être entendu·es, de faire partie des processus de prise de décision. Ici, au congrès, nous avons adopté le quota de jeunes. Ce serait formidable de voir, dans toutes les organisations, des jeunes prendre part aux processus décisionnels et mettre en œuvre le quota de jeunes, ou toute autre mesure qui garantirait une représentation équitable des jeunes », a, quant à elle, réagi Tea Jarc, 35 ans, élue au poste de Secrétaire confédérale durant le congrès de la CES 2.


Mieux représenter les jeunes travailleur·ses

Yolanda Gil Alonso présidente du Comité des jeunes de la CES a également rappelé au congrès la nécessité d’assurer une plus grande présence des jeunes dans les organes décisionnels pour améliorer les droits et les conditions de travail des jeunes travailleur·ses.
« Il est de notre responsabilité commune de créer un environnement inclusif et favorable au sein de nos syndicats, qui accueille et valorise les contributions des jeunes travailleur·ses. Nous devons reconnaitre leurs perspectives et expériences uniques et les impliquer activement dans les processus de prise de décision. C’est ainsi que nous pourrons créer un mouvement
vivant et dynamique qui représentera les intérêts de tous·tes les travailleur·ses, quel que soit leur âge. (...) Le marché du travail évolue à un rythme sans précédent, ce qui a des conséquences importantes pour les jeunes travailleur·ses, qui sont confronté·es à un marché du travail difficile et fragmenté, à une concurrence accrue, à une augmentation significative de l’individualisme et à un nombre croissant d’emplois temporaires et
précaires. Avec les nouvelles formes de travail basées sur l’essor des plateformes numériques et du télétravail, ainsi que la délocalisation du lieu de travail, nous ne pouvons pas compter sur les anciens modes d’organisation du travail. En tant que syndicalistes, nous ne devons pas rester les bras croisés pendant que nos jeunes font face à ces défis seul·es. Nous avons la responsabilité de protéger et de soutenir la prochaine génération de travailleur·ses et de leur donner les moyens de lutter pour leurs droits 3. »
Et d’appeler « tous les dirigeants syndicaux présents ici aujourd’hui à réfléchir à ce qu’ils peuvent améliorer dans leurs propres organisations afin que nous puissions compter sur les jeunes ».


Faire grandir les jeunes et les syndicats

Que les syndicats comptent un plus grand nombre de jeunes n’est pas seulement bénéfique pour les jeunes, ça l’est aussi pour l’avenir du mouvement syndical. Comme le rappelle l’ETUC 4, « la grande majorité des syndicats européens – 27 pays sur 31 – ne parviennent pas à enrayer le déclin de leurs adhérent·es et connaissent une perte lente, mais quasi continue de leur densité syndicale. L’âge médian des adhérent·es a également augmenté, beaucoup d’entre eux se situant dans la quarantaine ou au début de la cinquantaine. Le pourcentage des personnes de moins de 25 ans rejoignant un syndicat a considérablement chuté ». Un phénomène inquiétant, considère l’ETUC « car il existe une forte corrélation entre le fait d’adhérer à un syndicat lorsque l’on est jeune et celui de rester membre ; les personnes qui n’adhèrent pas à un syndicat à un âge relativement jeune sont beaucoup moins susceptibles d’y adhérer plus tard. Le recrutement d’un plus grand nombre de jeunes est donc crucial pour la survie du mouvement syndical ».
Ce que relève aussi Linde Nieto : « Non seulement le fait d’investir du temps, de l’énergie et de l’argent dans les jeunes travailleur·ses permettra aux syndicats de survivre, mais il permettra également à nos syndicats de relever les défis du 21e siècle. Si vous donnez une voix aux jeunes travailleur·ses, des sujets brûlants tels que la durabilité environnementale, les droits des femmes, la diversité, la démocratie et l’égalité seront en tête de notre agenda. Si vous laissez contribuer les jeunes, vous disposerez d’informations de première main sur les questions d’actualité et d’un accès direct à l’innovation. Si nous donnons du pouvoir aux jeunes, cela nous aidera à grandir. Nos syndicats se développeront. Cela fera grandir les jeunes. » #


(*) Article paru dans la revue Syndicaliste, avec les extraits de discours de Linde Nieto et Yolanda Gil Alonso.

Par la rédaction, à partir du texte de Mathilde Delsoir et David Morelli (*)


1. Dans un article publié dans la revue Syndicaliste, 21 juin 2023, p.12.
2. Interviewée par Mathilde Delsoir. À lire sur https://linfo-csc.be
3. Extrait du discours de Yolanda Gil lors du congrès de la CES, le 23 mai 2023, disponible sur https://www.etuc.org/fr/congr%C3%A8sfr
4. Dans son guide de « Recommandations pour attirer les jeunes dans les syndicats » (élaboré grâce au travail du Comité des Jeunes de la CES) disponible en ligne.