Photo Livre RecensionLes mouvements écologiques sont-ils l’apanage des Blancs ? Combien de penseurs noirs s’illustrent aujourd’hui sur la scène de la production des discours environnementaux ? La réponse à la deuxième interrogation répond à la première... C’est sur un tel constat que s’ouvre le propos de Penser l’écologie décoloniale du philosophe Malcom Ferdinand : l’histoire coloniale et l’histoire environnementale du monde sont séparées. La critique de la modernité faite au XXe siècle par les mouvements environnementaux et écologiques d’une part et les mouvements postcoloniaux et antiracistes d’autre part s’opère sans que ces courants de pensée et de militance ne se rencontrent vraiment. Ainsi, les écologistes n’intègrent pas dans leurs analyses l’histoire de la colonisation et de l’esclavage. Or, dit l’auteur, les colonisations historiques tout comme le racisme structurel, sont au centre des manières destructrices d’habiter la Terre.

Cette double fracture est explorée dans l’ouvrage à partir d’exemples concrets, de références historiques et cadres culturels. Et c’est depuis la Caraïbe que l’auteur cherche à déplacer le point de vue, à montrer l’intrication entre les violences environnementales et coloniales qui ont jalonné l’histoire et à se diriger vers un monde défait de ses esclaves, de ses violences sociales et de ses injustices politiques. Ce livre est une traversée à bord de navires, métaphore politique de la Terre et du monde : l’arche de Noé illustrant la fracture coloniale et environnementale, le navire négrier qui enferme dans ses cales les Nègres condamnés à un « hors monde », et le navire-monde de la rencontre des deux univers vers lequel le cap est mis. À lire.

Malcolm FERDINAND, Une écologie Décoloniale. Penser le monde depuis le monde caribéen, Seuil, Paris, 2019