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En Europe, l’origine de nos systèmes de protection sociale est à chercher dans les histoires sociales propres à chaque pays. Si la plupart de ces modèles sont coulés dans le droit, ils n’en restent pas moins traversés par de nombreuses tensions. Se pose dès lors cette question : ces mécanismes ont-ils vocation à s’exporter vers le Sud ? Éclairage 1.



«Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale. Elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays ». C’est en ces termes que le droit à la protection sociale est affirmé par la Déclaration universelle des droits de l’Homme 2. Ces dispositions doivent se lire en regard des « libertés classiques » également consacrées par la Déclaration, comme le droit à la vie privée, la liberté de pensée, etc.
Le but ultime de la protection sociale étant le « libre développement de la personnalité », il n’y a pas en soi contradiction entre les droits sociaux et ces libertés ; s’ils entrent en concurrence, il faut chercher un compromis raisonnable. Ce dernier peut être nourri par les nombreux autres textes juridiques qui complètent, paraphrasent ou concrétisent les mêmes principes. Des critiques précises contre les politiques d’austérité menées dans plusieurs pays du sud de l’Europe sont par exemple formulées par l’Organisation internationale du Travail (OIT) et par le Conseil de l’Europe. On aurait tort d’y voir des cas où le discours juridique est déconnecté de la « réalité économique ». En effet, les normes sociales internationales sont elles-mêmes issues de débats d’économie politique peut-être un peu oubliés, qu’elles permettent justement de remettre en mémoire face à la « pensée unique » qui domine les « sciences » économiques.
Dans les faits, la sécurité sociale (comme d’ailleurs d’autres dispositifs d’intérêt général) est trop souvent connotée négativement en raison de la manière dont la comptabilité nationale est organisée puisqu’elle y apparaît uniquement comme une charge. Or, dans les pays où la sécurité sociale est bien organisée, il est facile de démontrer que, loin d’être un obstacle au développement économique, elle en est au contraire un moteur.
La référence à des textes juridiques a également le mérite de souligner que la protection sociale est réglée par le droit, ce qui la distingue de la bienfaisance. Le droit règle les conditions de la couverture, lesquelles comprennent aussi des obligations pour le bénéficiaire.
La première de ces obligations, c’est de contribuer aux charges de la solidarité. La seconde, c’est que, comme l’exprime la Déclaration universelle, la sécurité sociale couvre la perte de revenus indépendante de la volonté du bénéficiaire. Cette notion est centrale. Mais elle est très difficile à manier, surtout dans les régimes comme le chômage, où la perte de revenus n’est pas forcément liée à un risque involontaire comme la maladie ou la vieillesse.
La protection sociale suppose, comme le dit la Déclaration universelle, l’existence d’une « société » dont l’individu fait partie, et dont il tire des droits et des obligations. Elle n’oppose pas une classe de bénéficiaires et une classe de contributeurs, car elle repose sur l’idée que chacun, à un stade de sa vie, peut se retrouver bénéficiaire ou contributeur.

Une assise : la solidarité

La protection sociale peut être assurée par différentes techniques, mais toutes ont en commun une certaine solidarisation, ou mutualisation des risques.
« Solidarité » a, au départ, un sens purement technique. En effet, la couverture du risque ne dépend pas des revenus ou du patrimoine de l’individu confronté au risque. Elle est assurée par un fonds alimenté par plusieurs personnes, et mobilisé au profit de celui pour qui le risque se réalise. Du point de vue de l’individu, la différence avec une épargne classique est liée à l’élément actuariel : en cotisant, l’individu ne sait pas si, en bout de course, il sera cotisant ou bénéficiaire net.
Mais l’étendue, et même la nature de cette solidarité, peuvent varier, depuis une couverture universelle financée par des cotisations proportionnelles aux revenus, jusqu’à des assurances privées dont la prime est calculée en fonction du risque. En réalité, il y a de bons arguments, théoriques comme empiriques, pour considérer que des assurances commerciales avec sélection du risque et/ou primes proportionnelles au risque n’assurent pas une protection sociale satisfaisante. Les États-Unis, par exemple, présentaient avant les réformes d’Obama l’exemple caricatural d’un système de santé privé, sensiblement plus cher que les systèmes basés sur la couverture sociale, tout en étant moins efficace, notamment en terme de santé publique.
Dans beaucoup de pays, même si la protection sociale couvre l’ensemble de la population, elle reste organisée en plusieurs secteurs ou branches. Cela provient de son origine historique. La sécurité sociale belge, par exemple, s’est constituée à partir d’un groupe relativement limité d’assurés pour s’étendre ensuite, progressivement, à l’ensemble de la population. Mais cette expérience historique ne peut pas nécessairement être reproduite telle quelle.
Ainsi, lorsqu’ en 2011 et 2012, le Bureau international du Travail (BIT) a fait le bilan de son action en matière de protection sociale, il a dû constater que dans plusieurs pays ayant signé les conventions de l’OIT en matière de sécurité sociale, la couverture est restée limitée à une frange assez restreinte de la population. Or les pays cités en exemple de développements sociaux se sont, eux, attachés à viser tout le monde, y compris les travailleurs du secteur informel, quitte à emprunter d’autres voies que les précurseurs européens.
Si un vrai système de protection sociale suppose non seulement de la solidarité au niveau technique (comme il en existe entre assurés d’une assurance commerciale), il nécessite aussi de la solidarité telle qu’elle s’est développée en tant que valeur politique.
L’usage du terme « solidarité » pour traduire une valeur politique, a été forgé à la fin du 19e siècle dans les milieux français de centre gauche. C’est le thème central de la pensée de Léon Bourgeois, qui fut le premier président de la Société des Nations, en 1919 3. Tout en acceptant les droits de l’individu, ce courant récusait l’individualisme poussé à l’extrême, qui non seulement revient à un égoïsme immoral, mais en plus ne correspond pas à la réalité économique et anthropologique. Un individu ne peut rien sans les autres. Il est de son intérêt, et il est de l’intérêt de la collectivité elle-même, que les individus soient protégés des principaux risques de l’existence. On peut dire que c’est cette idée qui fonde la sécurité sociale.
Attention toutefois : le mot « solidarité » peut être mis à toutes les sauces, y compris au service d’idéologies qui n’ont rien à voir avec celle qui est ainsi décrite. Certains régimes autoritaires, voire totalitaires, usaient volontiers du mot « solidarité », et offraient d’ailleurs une forme de protection sociale. Mais une chose est, comme on l’a fait en Belgique, de faire émerger la solidarité nationale petit à petit à partir de groupes qui, en quelque sorte, ont servi de pionniers. Autre chose est d’organiser une solidarité qui, dans sa définition même, exclut des groupes déterminés, comme des opposants politiques ou ceux qui ne font pas partie du « propre peuple ». Une chose est de concevoir la sécurité sociale comme un projet libérateur, permettant aux individus, libérés des principaux risques de l’existence, de développer librement leur personnalité, comme le dit la Déclaration universelle. Autre chose est de les inscrire dans un projet protecteur, certes, dans une certaine mesure, mais fondamentalement hiérarchique et autoritaire.

Une affaire d’État ?


Si la sécurité sociale n’est pas liée directement à une idéologie déterminée, cela ne veut pas dire qu’elle résulte d’une espèce de grand consensus mou, où il n’y a pas de place pour les controverses et les rapports de force.
L’histoire de la sécurité sociale en offre de multiples illustrations. La première loi de sécurité sociale, en Belgique comme dans beaucoup de pays, concernait la réparation des accidents du travail. La législation belge en la matière est entrée en vigueur en 1904. Sa grande nouveauté était de couvrir le risque professionnel sans s’occuper des causes de l’accident. C’était une importante rupture par rapport au Code civil, qui raisonnait dans un cadre individualiste, et subordonnait la réparation à la reconnaissance d’une faute. Il laissait donc sans réparation, notamment, les accidents provenant de la fatalité, de causes indéterminées en fonction des moyens de preuves dont disposaient les victimes, de la faute de la victime elle-même, ou encore de la faute de tiers insolvables.
La révolution conceptuelle entérinée en 1904 résultait des travaux d’une commission de notables, instituée suite à de graves événements sociaux à la fin du 19e siècle. Mais le contenu concret de la réparation (qui en bénéficie ? quel est le montant des indemnités ? comment sont pris en charge les soins de santé ?) ne s’est pas mis en place en un jour, ni dans un consensus aussi large.
Quand on parle de « droit », il est naturel de penser que la sécurité sociale doit nécessairement s’identifier à l’État. Telle est l’expérience historique d’un pays comme l’Allemagne, où la création de la sécurité sociale est indissociable de l’action politique du chancelier Bismarck. Ce dernier n’avait rien d’un homme de gauche, ni même de centre gauche. Son but était de convaincre la classe ouvrière qu’elle n’avait pas besoin des socialistes pour améliorer son sort. En tant qu’aristocrate prussien, il pouvait voir la sécurité sociale comme une modalité moderne du devoir de protection que le seigneur féodal doit à ses vassaux. Le droit du travail allemand, élaboré à la même époque, était imprégné de cette idéologie dans les relations entre travailleurs et employeurs. Mais même le système allemand a acquis sa vie propre, indépendante de l’idéologie et des intentions intimes de son concepteur.
Les régimes de sécurité sociale « bismarckiens », organisés à partir d’assurances sociales couvrant des groupes sociaux déterminés, sont généralement opposés aux régimes dits « beveridgiens », basés sur la protection universelle.
L’Anglais William Beveridge était à la base un fonctionnaire et un universitaire, même s’il a été brièvement parlementaire libéral au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Avant la Première Guerre mondiale, il avait publié une étude, que l’on cite encore, sur la question du chômage des travailleurs portuaires. Cette étude montrait que, sur le plan statistique, le seul facteur vraiment corrélé au niveau du chômage était le nombre de navires à charger ou décharger dans les ports, autrement dit le niveau d’activité économique. L’ivrognerie, l’indiscipline ou les autres tares individuelles souvent mentionnées par les employeurs comme « cause du chômage » ou du non-engagement, pouvaient déterminer au niveau individuel qui serait victime de la baisse de l’activité, mais n’influençaient pas le nombre de chômeurs lui-même. C’est en partant de cette idée qu’une assurance chômage vit le jour en Angleterre en 1912. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Beveridge élabora le « plan » de création d’un État social, qui servit de base à la création de la sécurité sociale anglaise. Celle-ci évolua par la suite vers un système public de protection de base. Cette « base » est toutefois devenue de plus en plus spartiate au fil du temps et s’est vue « compléter » par des assurances privées.
Les systèmes nordiques de sécurité sociale sont parfois rangés dans la même classification, dans la mesure où, eux aussi, sont, à la base, universels. Or en réalité, leur logique est différente. En matière de pension, par exemple, ces pays ont une pension de base, qui n’est finalement pas si éloignée de notre Garantie de revenus aux personnes âgées (Grapa), c’est-à-dire d’un filet subsidiaire de garantie de revenu. Mais la base du système nordique de pension est constituée de « pensions de contributions », qui ressemblent plutôt à ce que serait un régime belge de pension légale qui unirait les salariés, les indépendants et les fonctionnaires.

Et en Belgique ?


La Belgique est généralement classée parmi les régimes « bismarckiens », dans la mesure où sa sécurité sociale est également basée sur l’assurance sociale. L’histoire de sa protection sociale est cependant assez différente de celle de l’Allemagne. La sécurité sociale belge telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est dans une large mesure créée pendant la session parlementaire qui va de septembre 1944 à juin 1945. Elle ne s’est pas construite sur la base du « plan Beveridge » anglais, que le gouvernement belge de Londres avait pourtant ramené dans ses bagages, mais sur la base d’un accord conclu sous l’Occupation par des personnalités du monde syndical et patronal. Cet accord élaborait à partir de ce qui était en place avant-guerre des caisses d’allocations familiales (et de congés payés) d’initiative patronale, des caisses de chômage à l’initiative des syndicats, une assurance maladie gérée par les mutualités, une assurance accidents du travail sur la base d’assurances privées, souscrites par les employeurs et des pensions par statut professionnel.
La sécurité sociale occupe ainsi une place à part dans les pouvoirs publics belges. C’est un champ important de la vie politique, mais qui n’est pas animé seulement par le jeu politique classique. En effet, ses institutions ne relèvent pas toutes de l’Administration au sens strict, ni même des pouvoirs publics au sens large. Il y a place aussi pour des institutions privées sans but lucratif, aussi bien pour l’administration du système que, par exemple, dans les institutions de soins.
Ce modèle est-il exportable partout ? Il est difficile de répondre à cette question. Les pays nordiques semblent offrir un modèle où les citoyens, globalement, font confiance aux pouvoirs publics, jugés efficaces et impartiaux.
Le « Consensus de Washington », qui a longtemps inspiré la majorité des économistes et la plupart des institutions économiques mondiales, se basait au contraire sur l’idée que, dans beaucoup de cas, l’État est inefficace, corrompu, etc. Il ne faut donc pas lui attribuer de responsabilités économiques, si ce n’est celle d’établir un régime juridique et judiciaire efficace.
On peut, il est vrai, se demander comment un État trop inefficace ou corrompu pour gérer l’économie serait en mesure de mettre en place un régime juridique et judiciaire efficace et intègre. Et on peut critiquer le fait que la seule réponse envisagée à ce problème soit le développement d’entreprises commerciales dont le comportement serait censé dicté par le marché. Sans (vouloir) se rendre compte :
– que dans beaucoup de cas, le marché n’est pas vraiment libre et concurrentiel ;
– que pour beaucoup de choses, la logique du marché n’est pas source d’efficacité, et n‘est en tout cas pas source de justice sociale.

Peut-on cependant toujours donner tort aux critiques formulées à l’encontre de certains États ? Dans cette perspective, l’existence d’institutions indépendantes de l’État, mais qui remplissent un rôle de service public tout en participant indirectement à la vie politique, peut concourir au développement de la vie démocratique et à l’amélioration du fonctionnement de l’État lui-même.
Le portrait dressé et les fondements de la protection sociale ne s’arrêtent toutefois pas là. Celle-ci soulève en effet d’autres questionnements qui seront abordés dans les paragraphes suivants.

Indemnisation et prévention


Le but premier de la protection sociale est de couvrir les risques. Cela peut signifier l’indemniser quand il survient : offrir des indemnités en remplacement du revenu perdu suite au risque social, rembourser des soins de santé, etc. Mais un régime d’indemnisation conduit presque nécessairement à une réflexion sur la prévention du risque : prévention primaire (essayer d’éviter que le risque survienne) ou prévention secondaire (limiter les dégâts s’il survient quand même). La prévention est également une responsabilité partagée, dans laquelle la collectivité doit prendre sa part.
En ce qui concerne l’indemnisation, le droit civil classique distingue la réparation en nature et la réparation par équivalent, autrement dit sous forme d’indemnités en argent. Lorsqu’elle est possible, la réparation en nature peut être demandée par la victime.
Peut-on transposer le même principe dans les assurances sociales ? Par exemple, au lieu de payer une allocation à un chômeur, peut-on lui proposer un emploi ? La réponse à cette question est incontestablement positive. Mais il faut nuancer si, au lieu de « proposer » un emploi, on veut l’« imposer ». Dans ce dernier cas, la logique propre de la sécurité sociale doit se combiner avec d’autres libertés publiques, en particulier l’interdiction du travail forcé et le droit au travail librement choisi. L’OIT, par exemple, considère que seul le refus d’un emploi convenable peut justifier le refus d’une allocation de chômage.
À la lumière de cette règle, il y a des questions à se poser par rapport à certaines pratiques imposées aux chômeurs dans certains pays ou envisagées en Belgique, comme accomplir un travail gratuit non choisi en échange de l’allocation de chômage.

La société du risque


Par ailleurs, les risques sociaux décrits dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme restent d’actualité. Que ce soit :
– les frais de santé et la perte de revenus liés à une maladie, à un accident ou à la maternité ;
– la perte de revenus liée à l’âge ;
– le risque de chômage, défini comme le manque de travail dans le chef de quelqu’un qui en dépend pour assurer ses revenus ;
– les frais spécifiques liés à l’éducation d’enfants.

Toutefois, cela ne veut pas dire que la notion de risque social épuise la notion de politique sociale. Le but ultime de cette dernière est d’assurer le bien-être de tous. Ceci passe par la couverture des « risques sociaux », mais aussi par des politiques sociales en matière de nourriture, de logement, de transport, d’enseignement, etc. Certains anticipent aussi la couverture solidaire de risques écologiques 4.

Sécurité sociale et transformation sociale

On a parfois tendance à ne voir la sécurité sociale qu’en termes de droits pour l’individu, et à réduire ses enjeux collectifs à la question du financement et de l’organisation administrative. En réalité, la sécurité sociale joue un rôle majeur de transformation sociale :
– elle a un puissant effet redistributif, et donc d’égalisation sociale ;
– elle contribue à ce qu’une large part de la population fasse usage de droits, notamment culturels, naguère réservés à l’élite ;
– elle a un effet de régularisation du marché de l’emploi, de réduction du secteur dit « informel » ;
– elle a puissamment contribué à émanciper des personnes qui, sans elles, seraient sous la dépendance d’autres personnes (on pense surtout aux femmes et aux personnes âgées).
Certains lui reprochent néanmoins d’avoir mis à mal la « solidarité chaude » qui aurait existé jadis dans le cadre des familles, des villages, des quartiers. Mais n’idéalise-t-on pas cette « solidarité chaude » ? Là où elle existe, est-elle réellement rendue plus difficile ? La sécurité sociale ne contribue-t-elle pas, au contraire, à la rendre possible, ou à en améliorer les conditions ?

Conclusions


Si l’on en croit l’OIT, il est loin d’être sûr que l’Europe soit encore un vrai modèle pour le développement de la protection sociale. On peut même se demander si, empêtrée dans ses doutes existentiels, elle n’est pas en train de tourner le dos à sa propre histoire ou, pire, de retourner aux heures les plus sombres de celle-ci.
Ce serait plutôt dans certains pays d’Amérique latine, d’Asie, voire d’Afrique, qu’est actuellement en train de souffler le vent de l’histoire. Si la question se pose régulièrement de savoir dans quelle mesure notre modèle social est exportable, nous pourrions bientôt découvrir la nécessité de réimporter des valeurs que nous avions fini par perdre de vue à force de les croire définitivement acquises. #



1. Cet article est basé sur un document de formation rédigé dans le cadre de la campagne « protection sociale » de WSM, 11.11.11 et CNCD-11.11.11.
2. cf. article 22. Voir aussi l’article 23, qui affirme le droit à la protection contre le chômage dans le cadre d’un droit au travail et l’article 24, qui consacre un « droit au repos et aux loisirs », comprenant notamment un droit « à des congés payés périodiques ». L’article 25.2, quant à lui, prévoit une « aide et une assistance spéciales » en faveur de la maternité et de l’enfance. L’article 25.1, enfin, stipule que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».
3. Voir : Marie-Claude Blais, La solidarité, histoire d’une idée, Paris, Gallimard, 2007.
4. Voir notamment : Éloi Laurent, Le bel avenir de l’État providence, Paris, Les liens qui libèrent, 2014.


(*) Service d’études de la CSC



Une protection sociale pour tous ?

Collez-vous un sparadrap !

Le pourcentage de la population belge qui se retrouverait sous le seuil de pauvreté sans notre système de protection sociale donne le tournis : 42 % (au lieu de 15 % aujourd’hui) ! Mais ce n’est rien comparativement aux 5 milliards d’individus dans le monde qui n’ont pas accès à un mécanisme de protection sociale. Ces données indiquent à quel point il est essentiel de continuer, encore et toujours, à mettre « la protection sociale pour tous » à l’agenda politique et médiatique. Au Nord comme au Sud.
Durant deux ans, une coalition inédite de 20 organisations (parmi lesquelles figurent le CNCD-11.11.11, des mutuelles, des syndicats et des ONG) visera à mobiliser largement autour de cet enjeu crucial. Solidarité Mondiale lancera cette campagne avec le Mouvement ouvrier chrétien et ses organisations lors de la semaine sociale du MOC qui se tiendra les 16 et 17 avril à Dampremy.
Deux années ne seront pas de trop pour rappeler que la protection sociale est un droit universel inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Et qu’à ce titre, tous les gouvernements ont pour obligation de développer la protection sociale de leurs citoyens. Ce droit, trop souvent bafoué dans les pays du Sud est également menacé chez nous. Rarement la pression aura été aussi forte en Belgique où, depuis quelques décennies, les gouvernements successifs tentent de détricoter un système de sécurité sociale soi-disant trop vaste et trop cher. Pourtant, de nombreuses études démontrent que les pays bénéficiant d’une bonne protection sociale traversent mieux la crise et que les richesses y sont réparties de façon plus équitable. La Belgique a ainsi mieux résisté à la crise de 2008 que la plupart des autres pays européens. De l’autre côté de l’hémisphère, le Brésil a, quant à lui, sorti des milliers de familles de l’extrême pauvreté grâce au système de la Bolsa Familia, une aide financière pour les pauvres liée à des vaccinations obligatoires et à l’obligation scolaire.
Il s’agit également de balayer l’argument budgétaire largement utilisé par la propagande néolibérale : selon l’OIT, la mise en place d’un socle de base de protection sociale pour tous est financièrement réalisable dans chaque pays, y compris les pays en développement. Il en découle que la mise en œuvre de la protection sociale dans le monde dépend de choix politiques !
Ces messages, la CSC et la Mutualité chrétienne s’engagent à les porter vers le grand public par le biais d’une large campagne de sensibilisation de leurs membres. Mais aussi à les mener jusqu’aux cénacles politiques : « NON, la protection sociale n’est pas un luxe inaccessible. OUI, elle réduit la pauvreté et les inégalités tout en améliorant la productivité économique ».
Symbole de cette campagne : un sparadrap coloré, que l’on vous invite à coller sur votre corps avant de vous prendre en photo et de poster le résultat sur : www.protectionsociale.be #